L’Afrique est la zone de pêche au monde qui paie le plus lourd tribut aux flux d’argent illicites liés aux activités illégales des navires pirates : plus de 11 milliards de dollars Us (près de 7200 milliards de francs CFA), révèle un rapport de la Financial Transparency Coalition (FTC) rendu public le 26 octobre 2022. Pour l’Indonésie, les pertes sont à 4 milliards $ (près de 2616 milliards de francs CFA) et à 2 milliards $ pour l’Argentine (près de 1308 milliards de francs CFA).
48,9% de la flotte mondiale de navires industriels et semi-industriels identifiés et impliqués dans la pêche INN (illicite, non déclarée et non réglementée) égale sévissent en Afrique. Et dans ce ratio, 40% opèrent dans les côtes ouest-africaines qui deviennent du coup « un épicentre de ces activités illicites », précise le document parvenu à Impact.sn
Selon l’étude de FTC intitulée « Fishy networks: uncovering the companies and individuals behind illegal fishing worldwide », les navires sous pavillon asiatique constituent « 54,7% des activités de pêche INN déclarées par des navires industriels et semi-industriels, suivis de l’Amérique Latine (16,1%), l’Afrique (13,5%) et l’Europe (12,8%). »
En outre, le tiers des navires identifiés comme illégaux mènent des activités sous pavillon chinois et 8,76% d’entre eux « utilisent des pavillons de complaisance tels que le Panama et les Îles Caïmans », deux paradis fiscaux aux contrôles laxistes et aux taxes effectives faibles ou nulles, souligne le rapport de FTC. Il n’est pas surprenant alors que les noms de célèbres propriétaires de navires illégaux épinglés dans les enquêtes des « Panama Papers », par exemple, ouvrent des liens entre pêche illicite et abus fiscaux.
« Les 10 premières entreprises impliquées dans la pêche INN concentrent près de ¼ de tous les navires signalés : 8 de Chine dirigées par Pingtan Marine Enterprise Ltd (qui) est cotée au Nasdaq (New York), 1 de Colombie et 1 d’Espagne », indique le Rapport.
L’entreprise espagnole impliquée dans la pêche illicite a reçu plusieurs types de subventions dont des millions de dollars de l’Union européenne (UE), ajoute la même source.
La Coalition pour la transparence financière demande aux Etats concernés de rendre publics les accords de pêche signés avec les entreprises exerçant dans leurs eaux territoriales, les licences de pêche octroyés et les quotas attribués à chacune d’elles « pour permettre de surveiller les lacunes » entraînant des flux financiers illicites.
D’autres mesures sont préconisées dont : établissement de registres publics qui renseignent sur l’identité effective des navires et des bénéficiaires ultimes des activités de pêche illicites, application des lois contre le blanchiment d’argent et les crimes fiscaux, poursuites contre les propriétaires des navires impliqués dans la pêche INN, recouvrement d’avoirs en cas d’infractions transfrontalières.
Le Financial Transparency Coalition est un réseau mondial collaboratif qui regroupe 11 organisations non gouvernementales : Transparency International, Asian Peoples Movement on Debt and Development, Centre for Budget and Governance Accountability, Christian Aid, European Network on Debt and Development, Fundación SES, Global Financial Integrity, Latin American Network on Debt, Development, and Rights, Pan-African Lawyers Union, Tax Justice Network et Tax Justice Network Africa.