Pouvoir-Opposition : la chronologie d’une mésentente à durée indéterminée

Mercredi 19 Juillet 2017

Entre le pouvoir et la frange la plus représentative de l’opposition, le dialogue de sourds est au cœur des tentatives mort-nées de trouver des consensus politiques. Le dernier véritable acte de divorce qui promet un jeu de tam-tam de dénonciations reste la dernière modification du Code électoral à trois semaines des joutes électorales.


Avec l’arrivée au pouvoir du Président Macky Sall, les premiers signaux laissaient présager une coexistence pacifique entre le pouvoir et l’opposition. En effet, l’essentiel des formations dites représentatives, en dehors du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui est resté dans l’opposition, étaient au sein de la majorité présidentielle. Surtout que nombre d’acteurs pensaient et croyaient que le successeur de Me Abdoulaye Wade à la magistrature suprême allait privilégier le dialogue comme il l’avait promis durant tout le temps qu’il était opposant.
 
Le principal point qui devait marquer un point de convergence était la durée du mandat présidentiel qu’il avait promis de ramener de sept à cinq ans. Seulement, à la surprise générale, il s’est renié. Dans un discours prononcé le 16 février 2016, Sall affirmait l’impossibilité de respecter son engagement suite à l’arrêt du Conseil constitutionnel. Une décision qui créa une vague de dénonciations de la part de l’opinion, de la société civile et de l’opposition…
 
Le 27 février 2016, le Président Macky Sall lance un appel au dialogue pour le référendum. Une bonne partie de l’opposition boycotte et dénonce une décision unilatérale. Se regardant en chiens de faïence, les deux camps mènent une campagne assez houleuse. Le «Oui» l’emporta avec difficulté avec un taux d’abstention et/ou de boycott très élevé.
 
Décidée à faire bloc, l’opposition se met de plus en plus en phase avec les enjeux et se retrouve dans un cadre dénommé Front pour la défense du Sénégal (Fds) Manko Wattù Senegaal. Une plateforme pour parler d’une voix tout en formant un noyau central, épicentre de toutes les décisions importantes à prendre face au régime du Président Macky Sall.
 
Et suite à de nombreuses péripéties (marches et campagnes de dénigrement), le locataire du Palais décide de convoquer l’opposition et la société civile à un dialogue national. C’était le 28 mai 2016. Des propositions sont faites, mais elles n’aboutissent à rien ou presque. Entre temps, la distance qui sépare les deux belligérants s’accentue et chacun donne l’impression de suivre un calendrier qui lui est propre. 
 
Fidèle à sa ligne solitaire, le Président Macky Sall décide de lancer le 5 octobre 2016 les cartes d’identité biométriques. Une décision jugée unilatérale par l’opposition qui dénonce l’absence de concertation. A ce propos, Malick Gakou alors coordonnateur du Front Wattù Senegaal affirmait : «Nous pensons que pour le Sénégal, et pour des raisons aussi utiles, aussi importantes, nous devons nous asseoir autour de la table de concertation pour indiquer les voies et moyens les plus appropriés à même d’avoir un processus électoral apaisé qui devrait nous conduire vers des élections libres, démocratiques et transparentes.» Rien n’y fait. C’est toujours le dialogue de sourds.
 
Ce qui se confirme encore le 21 octobre 2016 lors de l’opération de revue du Code électoral. L’opposition monte au créneau pour dénoncer la démarche d’Abdoulaye Daouda Diallo qui n’a pas voulu laisser s’exprimer les avis. «La stratégie du forcing atteindra tôt ou tard ses limites, et les conséquences n’épargneront personne. L’entêtement du président Macky Sall à maintenir de force ou de gré Abdoulaye Daouda Diallo, ministre de l’Intérieur comme organisateur des élections est le principal point de discorde entre pouvoir et opposition», défendait Mamadou Diop Decroix.
 
Visiblement conscient des difficultés que cet amas de malentendus pouvait engendrer, le Président Sall prend la résolution de rencontrer les leaders dudit front. Quelques-uns se rendent au palais, échangent avec le preneur de décisions. Sans trop de problèmes, ils tombent d’accord sur plusieurs points dont celui de ne pas augmenter le nombre des députés. Cela, sous réserve que les dix députés de la diaspora soient prélevés du quota de la proportionnelle, ce qui ferait cent à la majoritaire et cinquante à la proportionnelle.
 
Malgré tout, les députés sont convoqués pour voter la loi permettant l’augmentation des parlementaires à cent soixante-cinq (165). Ce que l’opposition a vigoureusement dénoncé en soutenant que la décision violait l’entente entre elle et le pouvoir. Le dernier acte posé qui laisse présager un approfondissement de la rupture du dialogue au-delà des législatives est la modification du Code électoral par l’Assemblée nationale ce 6 juillet sur proposition de la Commission électorale nationale autonome (Cena), à vingt-cinq jours des élections législatives… (Abdoulaye Mbow)
 
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