Présence médiatique: Les "Sages" du Conseil constitutionnel pointent le bout du nez

Mercredi 28 Novembre 2018

En dépit du sacro-saint principe de réserve qui leur colle à la peau, les juges constitutionnels veulent faire leur mue en s’ouvrant prudemment à l’opinion publique. Une révolution à laquelle les appelle le Pr Babacar Kanté, ancien vice-président du Conseil constitutionnel selon qui il est temps que les «Sages» fassent entendre d’autres sons de cloche que ceux des politiciens sur des sujets d’importance.


Le président du Conseil constitutionnel (à gauche) et notre confrère Abdoulaye Ndiaye (photo Dakaractu)
 «Le devoir de réserve est dans l’ADN des juridictions constitutionnelles (…) mais il faut absolument que le Conseil constitutionnel du Sénégal change de paradigme en communicant. Je sens un besoin de communication à leur niveau (car) les critiques qui leur sont adressées sont souvent injustifiées et mal fondées.»
 
C’est avec une insistance renouvelée que le Pr Babacar Kanté, Doyen honoraire de l’UFR des sciences juridiques et politiques de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, a appelé le juge des élections à faire sa mue face à l’évolution ultra-rapide du paysage médiatique et à la recrudescence de systèmes d’informations parallèles sur les réseaux sociaux. C’était hier lors de la première journée d’un atelier de formation de deux jours sur le thème «Conseil constitutionnel et médias : un dialogue à établir» organisé en collaboration avec le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication sociale du Sénégal (Synpics).
 
Dans les échanges développés avec les journalistes responsables d’organes de presse, le Pr Kanté a largement expliqué ce que sont les compétences et attributions du Conseil constitutionnel dont il a été le vice-président jusqu’en 2008. Celles-ci découlent en général des réformes en profondeur ayant abouti au Code électoral consensuel de 1992 dont les travaux avaient été dirigés par le juge Kéba Mbaye.
 
Le Sénégal s’en est sorti avec un processus électoral assis sur 3 piliers : l’organisation des élections par l’administration du ministère de l’Intérieur, leur supervision par l’Observatoire national des élections (ONEL) d’abord, puis par la Commission électorale nationale autonome (CENA), et leur validation (ou annulation) par la Justice. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel est la juridiction en charge du règlement des contentieux issus des élections politiques, conformément aux articles 29, 30, 33 et 35 de la Constitution de mars 2016.
 
Domaines de compétences
 
En matière d’élection, les compétences d’attribution que le Constituant reconnaît au Conseil constitutionnel ne lui permettent d’intervenir qu’à deux niveaux du processus électoral, rappelle le Pr Kanté : lors du dépôt des candidatures et à la proclamation des résultats. «Les compétences du conseil sont limitées (certes) mais il doit y avoir une sorte d’intelligence de la part du juge constitutionnel dans l’application de la loi», a indiqué l’universitaire.
 
C’est ainsi qu’il faut comprendre que le Conseil constitutionnel ait senti la nécessité de rendre sa décision du 26 juillet 2017. Celle-ci autorisait les citoyens ne disposant pas alors de leurs pièces d’identité à voter avec d’autres documents aux législatives qui allaient avoir lieu quatre jours plus tard. «C’est l’identification qui est importante quand il s’agit de permettre à un citoyen de jouir du droit de vote» que la loi lui garantit, a-t-il argumenté.
 
L’idée à ce niveau est de faire la part des choses sur ce que ne sont pas les prérogatives du conseil. «On ne peut saisir le juge constitutionnel sur la base d’un acte administratif comme la nomination de membres de la Cena», précise Babacar Kanté. Qui ne s’est pas privé de prendre à partie «des juristes qui tombent dans le panneau du politique. Interrogé sur un présumé «habillage juridique» que le Conseil constitutionnel aurait voulu offrir au président de la République à travers la décision relative à la durée du mandat présidentiel, le Pr Kanté s’est abstenu de répondre, par devoir de réserve. Néanmoins, il a plaidé pour que les intérêts des citoyens soient privilégiés devant le Conseil constitutionnel où environ 70% des cas traités sont des sujets électoraux. 
 
Pour le secrétaire général du Synpics, il n’a pas été difficile de justifier le choix de travailler avec le Conseil constitutionnel. «Ce n’est pas fortuit car le conseil est le juge des élections. Mais plus que cela, il assure un rôle de vérification par rapport à la conformité des textes à notre Loi fondamentale. Ce conseil jouit fondamentalement d’attributions en matières constitutionnelle, consultative et électorale. Il lui incombe aussi de proclamer les résultats de l’élection présidentielle»,  a relevé Ibrahima Khaliloulah Ndiaye.
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