Procès « Sweet Beauté » en mode fast-track : le procureur exprime ses doutes à travers deux réquisitions au tribunal

Mercredi 24 Mai 2023

 
Le procureur de la république, Abdou Karim Diop, a placé la barre très haute dans ses réquisitions contre l’opposant Ousmane Sonko à l’issue du procès « Sweet Beauté » tenu en fast-track jusque tard dans la nuit de mardi à mercredi au palais de justice Lat-Dior de Dakar. 
 
Comme pour enfermer le tribunal dans des peines lourdes, le maître des poursuites a requis 10 ans de réclusion criminelle pour le côté viol présumé ou, par requalification des faits en « corruption de la jeunesse », 5 ans de prison ferme. Justifiant cette demande, il a convoqué l’âge de la plaignante au moment des faits (21 ans).
 
Pour le côté menaces de morts présumées, c’est une peine d’un an de prison ferme plus une amende de 100 mille FCFA (150 euros) qui ont été sollicitées du tribunal criminel. Me El Hadj Diouf, principal avocat de la partie civile, réclame 1,5 milliard de francs CFA au prévenu absent de la salle.

En retissant aussi large dans son réquisitoire, le procureur de la République semble vouloir enfermer le tribunal criminel dans un verdict radical dont l'énoncé et le contenu ne laisseraient aucune chance à l'opposant Ousmane Sonko de prendre part à l'élection présidentielle du 25 février 2024 à laquelle il s'est déclaré candidat au lendemain des législatives du 31 juillet 2022 ? 

Selon plusieurs observateurs, cette double réquisition du ministère public révèle l'échec de de la partie civile et du parquet à présenter des preuves concrètes et incontestables devant le tribunal et l'opinion. Ainsi, à défaut de pouvoir rendre crédible la thèse du viol en l'absence d'éléments matériels irréfutables, l'accusation s'aménage une autre porte de sortie en se rabattant sur une demande de "requalification" des faits en "corruption de la jeunesse". Elle espère ainsi obtenir "intellectuellement" ce qu'elle n'aurait pas eu "matériellement". 

Le délibéré fixé au 1er juin 2023 édifiera sur la posture du président de la chambre criminelle et de ses assesseurs.
 
Partie au procès comme prévenue en sa qualité de propriétaire du salon de massage, Ndèye Khady Ndiaye risque 5 ans réclusion criminelle pour « complicité de viols » et 1 an de prison ferme pour « incitation à la débauche » et « diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs ». La mise en cause a contesté ces caractérisations au cours de son interrogatoire, en l’absence de ses avocats qui avaient boycotté l’audience. Elle est restée cohérente avec ses positions antérieures exprimées lors de l’enquête de la gendarmerie et dans la phase d’instruction.
 
Concernant la plaignante, Adji Sarr, les observateurs ont signalé de nombreuses variations dans ses déclarations, certains les assimilant plutôt à des mensonges qui témoigneraient de la réalité du « complot d’Etat » dénoncé par Ousmane Sonko et ses avocats.
 
Ces derniers, de même que leurs collègues qui assuraient la défense de Ndèye Khady Ndiaye, ont quitté l’audience pour dénoncer le parti-pris et le manque d’indépendance du tribunal qu’ils accusent d’avoir violé les droits élémentaires de leurs clients. Le juge Issa Ndiaye leur avait refusé tout nouvel ajournement du procès démarré le 16 mai 2023.
 
« La justice sénégalaise se saborde. Elle est décidée à livrer une commande », a écrit Me Ciré Clédor Ly après son départ du procès. « La retenue du dossier a été décidée malgré les irrégularités grossières de la procédure, le non respect des droits de la défense et l’absence de tous les témoins essentiels dont les dépositions crèveraient l’abcès du complot d’Etat dont Adji Sarr n’est que l’otage et l’agneau du sacrifice », a poursuivi Me Ly.
 
La défense avait cité comme témoins à comparaître Me Dior Diagne, Mamour Diallo, Me Gaby So, entre autres, pour établir leurs rôles présumés dans « le complot » devant le tribunal. Mais ceux-ci n’ont jamais été entendus au cours de la procédure. (IMPACT.SN)
 
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