Puigdemont s'installe à Bruxelles, accalmie en Catalogne

Mardi 31 Octobre 2017

Le dirigeant indépendantiste Carles Puigdemont a tenté mardi de déplacer la crise catalane "au coeur" de l'Europe en annonçant son installation à Bruxelles avec une partie de son gouvernement destitué, alors qu'en Catalogne la situation semblait s'apaiser.

Sous la menace de poursuites pour "rébellion" en Espagne après la déclaration d'indépendance du 27 octobre, M. Puigdemont a expliqué lors d'une conférence presse qu'il comptait rester en Belgique avec quelques-uns de ses "ministres" pour "expliquer au monde les défaillances démocratiques de l'Etat espagnol".

Il a exhorté "la communauté internationale, et en particulier l'Europe, à réagir", accusant le gouvernement de Mariano Rajoy de miner les "valeurs" de l'Union européenne, citant notamment "la démocratie, la liberté, la libre expression, l'accueil, la non-violence".

S'exprimant tour à tour en catalan, français, espagnol et anglais, il a martelé qu'il restait le président "légitime" de la Généralité (exécutif) de Catalogne.

Il a expliqué que son gouvernement se partagerait désormais la conduite des affaires entre la Belgique et la Catalogne: à Barcelone, les autres membres du gouvernement, dont le vice-président Oriol Junqueras, "poursuivront leurs activités politiques en tant que ministres légitimes".

Démis de ses fonctions par Madrid le 27 octobre, quelques heures après la proclamation unilatérale de la "république" catalane, Carles Puidgemont s'est rendu en Belgique dès lundi.

"Je ne suis pas ici pour demander l'asile politique" mais pour des raisons de "sécurité", a-t-il clarifié.

M. Puigdemont, qui "n'est en Belgique ni à l'invitation, ni à l'initiative du gouvernement belge", sera traité "comme n'importe quel citoyen européen", a déclaré de son côté le Premier ministre belge Charles Michel.

Les déclarations du président catalan destitué étaient très attendues dans la région de 7,2 millions d'habitants passée vendredi sous contrôle de l'Etat espagnol et où son départ a laissé nombre de militants désemparés.

- Ralentir le processus d'indépendance -

Afin d'éviter des troubles à moins de deux mois des élections régionales fixées au 21 décembre par le Premier ministre Mariano Rajoy, M. Puigdemont a jugé nécessaire de "ralentir" le processus d'indépendance.

"Nous avons été obligés d'adapter notre plan de travail pour éviter la violence" et "si cette attitude a pour prix de ralentir le déploiement de la République, alors il faut considérer que c'est un prix à payer raisonnable dans l'Europe du 21e siècle", a-t-il expliqué.

Son départ en Belgique intervient alors que le procureur général de l'Etat espagnol a requis des poursuites pour "rébellion", "sédition" et "malversations" contre lui et les membres du gouvernement catalan destitués.

Le parquet les accuse d'avoir "encouragé un mouvement d'insurrection au sein de la population face à l'autorité légitime des institutions de l'Etat pour atteindre leur objectif sécessionniste", évoquant un soulèvement violent.

Un ancien "ministre" modéré de Puigdemont a dressé mardi un cinglant constat d'échec du processus de sécession, estimant que les indépendantistes n'avaient pas mis en place les institutions indispensables à l'existence d'un Etat séparé.

Ils "doivent maintenant s'expliquer", a estimé Santi Vila, membre du parti PdeCat de M. Puigdemont, qui a démissionné à la veille de la proclamation d'indépendance.

Dans le sillage de l'activation de l'article 155 faisant passer la Catalogne sous le contrôle de Madrid, M. Puigdemont avait appelé les Catalans à la résistance "démocratique", mais les quelque 200.000 fonctionnaires catalans sont passés sans heurts sous la tutelle de l'Etat espagnol.

Le préfet de Catalogne, Enric Millo, a assuré que l'administration fonctionnait normalement, en assurant n'avoir "pas trouvé un seul cas de fonctionnaire qui ne remplisse pas son devoir".

Signe d'une légère baisse de l'inquiétude des milieux économiques, le leader mondial de la production de cava (vin mousseux) Freixenet a finalement décidé mardi de maintenir son siège social en Catalogne, alors que près de 1.900 entreprises ont déjà quitté la région.

Quant aux élections convoquées par M. Rajoy, M. Puigdemont a déclaré mardi qu'il "respecterait" leur résultat.

"Je veux un engagement clair de la part de l'Etat (espagnol). L'Etat respectera-t-il des résultats qui pourraient donner une majorité aux forces indépendantistes?" a-t-il toutefois ajouté.

Pour la première fois depuis juin 2016, les partisans de l'indépendance en Catalogne (48,7%) sont en revanche plus nombreux que ses opposants (43,6%), selon un sondage réalisé par l'Institut du gouvernement catalan du 16 au 29 octobre auprès de 1.338 personnes.
 
 
 
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