Quand Aminata Touré impose un discours vide à Macky Sall

Vendredi 16 Septembre 2022

Quand l’annonce du discours présidentiel est tombée, il fallait bien rêver du contenu que le chef de l’Etat s’apprêtait à livrer à la nation. Entre les excités qui pronostiquaient des annonces fortes et les blasés qui s’en fichaient royalement, beaucoup d’autres restaient perplexes face à la subite décision de Macky Sall de « parler » enfin aux Sénégalais. Car, des sujets qui tiennent à cœur ses compatriotes, il y en a plein et ce, depuis longtemps…
 
Finalement, le snobisme présidentiel aidant, on s’en est tiré avec un petit cauchemar d’une dizaine de minutes au cours desquelles Macky Sall, débonnaire et distant, a démontré qu’il est éloigné des préoccupations actuelles des Sénégalais, de leurs angoisses sociales et de leurs incertitudes quant à l’avenir du pays sous son magistère. Son laïus sur « les mesures d’allègement du coût de la vie et de soutien à l’emploi et à l’entrepreneuriat des jeunes », la rengaine concernant « la lutte contre les inondations » et la ritournelle relative à « la cherté du loyer » ont été maintes fois bassinés à nos oreilles par lui et ses collaborateurs en d’autres circonstances. Que cherchait-il donc à travers ce discours sans feu ni flamme qu’il pouvait du reste bien s’épargner, lui le grand absent du quotidien infernal des Sénégalais ?
 
En réalité, Macky Sall n’avait qu’un seul objectif : « neutraliser » les effets des accusations gravissimes portées par Aminata Touré contre les « entourages » du président de la République et de la Première Dame, la doublette accusée de vouloir la liquider afin que sa suppléante parlementaire siège à sa place dans le groupe Benno Bokk Yaakaar à l’Assemblée nationale. L’idée était de ne pas laisser le champ des médias et des réseaux sociaux à une députée qui semble avoir lancé une guerre frontale contre le « clan familial » des Faye-Sall, contre le « cabinet noir » qui dirige le pays à partir du palais de la république, contre un projet de 3e candidature, etc.
 
Ecartée de la présidence de l’Assemblée nationale au profit d’un proche du chef de l’Etat, Aminata Touré avait commencé par dénoncer la pratique de la préférence familiale qui, selon elle, a conduit au choix porté sur Amadou Mame Diop. Dans la foulée de cette désillusion qui l’avait poussée à quitter l’hémicycle avant le vote, l’ex première ministre a ensuite réitéré sur des médias étrangers son opposition entière à une nouvelle candidature de Macky Sall en 2024, un sujet sur lequel elle avait pourtant perdu la voix depuis son retour en grâce au palais en perspective des législatives du 31 juillet.
 
Dissidente des orientations présidentielles au parlement mais décidée à y garder sa place, Aminata Touré aura donc réussi - à son corps défendant - à faire (re)venir Macky Sall à la télévision sénégalaise et l’a poussé fine à parler pour ne rien dire…
 
En fait, le logiciel présidentiel est enrayé, saturé, truffé de bugs qui discréditent ses mots et sa parole. Depuis son arrivée au pouvoir, Macky Sall a fondamentalement construit son pouvoir sur la violence physique et institutionnelle avec l’appui inconsidéré de l’armada d’obligés qui lui font allégeance urbi et orbi dans la police, la gendarmerie et la justice. A ce titre, son appel au rassemblement et à l’union pour contrer la violence apparaît comme une provocation qui semble lui faire plaisir. Il peut bien condamner les événements survenus à l'Assemblée nationale, mais on lui rappellera toujours qu'aux élections locales de 2002, c'est avec la violence que lui permettait son statut qu'il vota de force,  sans la pièce d'identité que lui réclamait un agent électoral dans son fief de Fatick... 
 
Après cette vraie-fausse « adresse à la nation », le président sénégalais peut tranquillement faire ses valises et prendre la direction de Londres pour assister aux obsèques da la reine Elisabeth II aux côtés des autres « grands » de ce monde. Ensuite, il embrayera vers New York et l’assemblée générale des Nations-Unies. Au-delà de la sortie médiatique qu’Aminata Touré lui a imposée, Macky Sall était peut-être gêné ( ?) de quitter encore la terre sénégalaise à bord de son bijou du ciel en laissant derrière lui des hommes et des femmes tellement fatigués…
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