RDC: au-dessous du volcan, Goma attend dans un calme apparent la présidentielle

Mardi 18 Décembre 2018

Au pied de l'imposant volcan Nyiragongo, qui crache paisiblement sa fumée dans l'attente d'exploser de nouveau dans un jour, un mois ou un siècle, la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, semble bien tranquille à six jours d'une élection présidentielle qui s'annonce éruptive.

"Ici, c'est Paris", "Pharmacie la mignonne", "Eglise de la Sainteté": les boutiques qui vendent tout et rien bordent de larges avenues récemment goudronnées, envahies de motos-taxis et de pick-ups. 

Entre eux, zigzaguent de courageux conducteurs de "tshukudu", artisanales trottinettes en bois, alourdies de sacs de pommes de terre, de maïs apportés du Rwanda voisin et destinés au marché de Goma, la capitale du très instable Nord Kivu.

"On gagne et on gagne!", proclame une grande affiche d'Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et dont le refus de passer la main il y a deux ans comme le prévoyait la Constitution, a créé une longue frustration parmi les Congolais, ponctuée de violences et de désordres.

Ramazani Shadary, "Shada" pour ses partisans, n'a pas suscité un grand emballement parmi le million d'habitants de Goma lors de sa venue dimanche. 

Certes des centaines de supporteurs étaient venus l'accueillr à l'aéroport, a constaté l'AFP, mais il s'agissait souvent de jeunes à l'enthousiasme rétribué. "Ils nous donnent cinq dollars, dix pour les motos", explique un jeune au tee-shirt jaune flambant neuf. Une pratique courante dans les campagnes électorales congolaises.

Plus tard, dans la soirée, "Shada", au talent d'orateur limité, ne réunira que quelques milliers de personnes au Stade des Volcans.

Pourtant, il bénéficie du soutien marqué d'Olive Lembe Kabila, la Première dame, qui l'appuie dans sa tournée dans l'Est.

"C'est le candidat de la raison. Je suis convaincue que c'est lui et que ce sera lui", a déclaré Mme Kabila en appelant à "sanctionner" les autres candidats, qu'elle qualifie de "marionnettes".

"Nous allons prouver tous ensemble que le temps est fini du +muzungu ana sema+ (le Blanc a dit)", a-t-elle ajouté, relayant le discours souverainiste de son "cher époux".

Mais rien ne semble y faire, à Goma comme dans plusieurs autres régions du pays, "c'est Martin Fayulu le préféré", constate Augustin, photographe qui revient du territoire de Rutshuru, au nord de Goma.

- "L'étoile du Kivu" -

Pédagogiquement, et clairement partisan, "l'Etoile du Kivu", journal à la parution aléatoire, imprimé à Kigali ou Kampala comme ses confrères, faute d'imprimerie locale, présente les "5 raisons qui prouvent que Martin Fayulu est le seul candidat valable face à Emmanuel Ramazani Shadary". 
 
Elections en RDC: les habitants du Nord-Kivu veulent la sécurité / © AFP / Florian Plaucher
Ce candidat que personne n'attendait, "n'est pas dans l'extravagance" et "sa popularité est ancrée dans le coeur de notre peuple meurtri, humilié et abandonné". Car, en résumé pour le journal, "il est un bon patriote, un soldat du peuple, un Congolais pas tribaliste, il n'a jamais négocié en catamini avec le régime, et a restitué ses émoluments parlementaires".

Une vendeuse d'une boutique de télécommunication hésite encore: "d'abord j'étais en faveur de Vital Kamerhe (qui a fait alliance avec l'autre candidat de l'opposition Félix Tshisekedi) mais Fayulu me plaît aussi". 

"Mais, ajoute-t-elle, je suis enrolée (ndr: inscrite sur les listes électorales) à Bukavu, et je ne sais pas si pour aller voter je pourrais traverser dimanche le lac Kivu".

Ce calme apparent ne règne pas dans les territoires qui entourent Goma. Selon Radio Okapi, plusieurs candidats députés n'ont pu accéder à certains villages, empêchés par des groupes armés qui pullulent dans le Nord-Kivu.

Et dans Goma, le virus Ebola, qui frappe plus au nord la région de Béni, inquiète de plus en plus les autorités sanitaires qui ont entamé une campagne de vaccination parmi le personnel de santé.

Au total 207 personnes ont déjà été vaccinées dans le chef-lieu du Nord-Kivu où aucun cas confirmé n'a été enregistré, selon le ministère de la Santé.
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