REPORTAGE/// Projet de loi sur la dissolution de l'assemblée nationale : fausse alerte dans l’hémicycle, calme plat sur Soweto

Mardi 18 Juillet 2023

Ce 17-Juillet ne sera pas un 23-Juin bis. Le projet de loi prévu pour offrir au président de la république une modalité de dissolution de l’assemblée nationale plus souple a été rangé dans les tiroirs du palais (pour le moment). Il n’y a eu donc ni confrontations entre députés ni manifestations de rejet dehors. Journée ordinaire sous l’ombre des FDS!


Deux des cinq chevaux attelés aux grilles du pourtour de l'assemblée nationale le 17 juillet 2023. Le cheval, emblème du parti présidentiel au pouvoir au Sénégal.
  
Macky Sall n’est bien sûr pas dans l’hémicycle de l’assemblée nationale, mais son ombre plane sur la tête des parlementaires. « L’urgence est de droit quand elle est demandée par le président de la république, selon le règlement intérieur de l’institution », rappelle-t-il le président Amadou Mame Diop. Séance suspendue sine die. Surprise par la tournure brutale des événements, une consoeur de la presse étrangère marque son étonnement après s’être levée de son siège : « Que se passe-t-il ?  
 
Prévue à 10 heures, la 1ère session extraordinaire de l’assemblée nationale pour l’année 2023 a démarré en retard. A 11h05, le maître des lieux est accueilli par le garde à vous des 158 députés dont les noms sont épelés par le secrétaire de séance. « Le quorum est atteint », informe le président, avant de tourner le dos à ses collègues pour rejoindre ses bureaux.
 
Pour les représentants du peuple (ou de leur camp), c’est retour aux vestiaires. Il n’y aura donc pas de joutes politiques autour de l’article 87 de la constitution relative à la dissolution de l’assemblée nationale. Le projet de loi ad hoc n’est plus à l’ordre du jour, retiré sur demande du groupe Benno, dit-on. Où peut-être par crainte d’une réaction populaire aux contours imprévisibles.
 
Pourtant, dans et autour de l’assemblée nationale, policiers et gendarmes semblaient prêts à en découdre avec des manifestants éventuels en cette matinée du 17 juillet 2023. Les appels relayés sur les réseaux ont attisé la méfiance des autorités. Par mesure de sécurité, les piétons ne sont autorisés à circuler que sur le trottoir attenant au mur qui longe le Musée Théodore Monod. Les étourdis sont interceptés plusieurs mètres à l’avance et priés de basculer sur le flanc.
 
Attelés aux grilles qui longent le bâtiment historique de l’assemblée nationale en face du musée précité, cinq chevaux d’un escadron de la gendarmerie nationale se prélassent débout, débonnaires, prêtant légèrement attention aux palabres d’une dizaine de pandores dédiés à leur surveillance. Peinards certes, mais moins dodus que leurs congénères aperçus à la fête du 14-Juillet sur les Champs Elysées à Paris. 
 
« Nous sommes là depuis quelques jours », font remarquer des interlocuteurs appartenant à l’escadron de gendarmerie, aimables mais peu enclins au dialogue. Ces chevaux pourraient-ils faire partie d’un dispositif éventuel de maintien de l’ordre comme c’est la tradition en Angleterre ? On n'en saura pas plus. Sauf à nous souvenir que le cheval est l'emblème de l'Alliance pour la république (APR), le parti fondé par le le chef de l'Etat Macky Sall. 
 
C’est tout le pourtour de l’institution parlementaire qui est placé en état de siège par les forces de l’ordre. Le déploiement sécuritaire est à la fois discret et dissuasif. Plutôt sympathiques à part quelques figures désagréables à souhait, les super policiers en faction, encagoulés jusqu’au nez, interdisent toute prise de photo. « Bougez, bougez !!! », répètent-ils aux gens qui donnent l’impression d’être en promenade. D’autres hommes en tenue assurent une autre surveillance à partir des véhicules de combat postés aux points névralgiques de cette Place Soweto. A proximité de la rue qui conduit au camp militaire Dial Diop, un gradé distille des conseils à un contingent de chauffeurs de députés si la situation nécessitait qu’ils se déplacent. Par exemple en cas de poussée de fièvre manifestante.
 
Les forces de police sont plutôt à la fête en cette matinée. Presque rien à faire vu l’absence de signes de manifestations aux alentours. Ni drapeau, ni banderole encore moins quelque militant désireux de « troubler » l’ordre public. Soweto est d’un calme olympien sous un soleil plus clément que les jours précédents. Même à quelques dizaines de mètres du monument du rond-point, l’entrée qui mène à l’hémicycle est, un moment, hors de contrôle. Entre qui veut !
 
De part et d’autre de l’allée qui mène aux box réservés aux journalistes et aux autres publics, stationne une flotte d’une quinzaine de véhicules de la gendarmerie, deux véhicules des Sapeurs-pompiers et des particuliers. On se croirait dans une brigade : les gendarmes grouillent et s’activent sur chaque mètre carré de goudron, comme des abeilles dans une ruche ! L’ambiance est à la totale décontraction, pas de tension perceptible. Taquineries et rigolades ponctuent des échanges entre pandores. Au niveau du portail métallique censé filtrer le passage, pas l’ombre d’un gendarme à notre premier passage. Les alertes distillées par la machine n’ameutent personne.
 
Aux environs de 10h30, les députés sont déjà en masse dans l’hémicycle. Salamalecs, interpellations, du ‘’monsieur le maire’’ à quelques scènes de borne-fontaine entre parlementaires, l’enjeu politique et démocratique prêté au projet de loi mort-né ( ?) ne semble pas émouvoir une bonne partie des députés. « Il ne sait plus quoi faire alors qu’il est sur le départ », s’insurge un confrère de la presse écrite qui se dit ulcéré par les « manœuvres sans fin » du président de la république.
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