Un rendez-vous "baroque": Emmanuel Macron a réuni mardi pour un dîner à l'Elysée tous ses ministres, dont plusieurs sont en sursis dans l'attente des "ajustements" imminents sous la houlette d'Elisabeth Borne, confirmée, elle, à Matignon.
Le dîner avec les ministres et secrétaires d'Etat, accompagnés s'ils le souhaitent de leur conjoint, est une tradition avant la pause estivale.
Mais il tombe cette année en plein remaniement. "Baroque", ironise un conseiller ministériel. "C'est sadique", s'offusque même une autre.
Le chef de l'Etat, après de longues tergiversations, s'est résolu lundi à "maintenir" la Première ministre dans ses fonctions, sans enthousiasme et après avoir songé à la remplacer par son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, d'après de nombreuses sources macronistes.
Avant le raout élyséen, le duo exécutif s'est retrouvé pour près d'une heure de tête-à-tête afin de peaufiner la liste des membres appelés à sortir du gouvernement et leurs remplaçants. Et, dans un étonnant chassé-croisé, Elisabeth Borne a redescendu les escaliers venant de l'étage présidentiel au moment même où Gérald Darmanin les montait...
La Première ministre est ensuite revenue au dîner accompagnée de son conjoint.
Selon plusieurs sources du camp présidentiel, on s'oriente vers un remaniement limité à six ou sept portefeuilles, une dizaine maximum. Une annonce mercredi en fin d'après-midi au plus tôt était évoquée, sans certitude.
Pour clore la séquence, Emmanuel Macron doit s'exprimer d'ici la fin de la semaine, sous une forme qui reste à définir, pour repréciser son cap.
Mardi soir, c'est le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye qui s'est présenté le premier sur le perron du palais présidentiel, alors même que son sort est parmi les plus scrutés.
Depuis des mois, la Macronie bruisse de spéculations sur cette personnalité de la société civile accusée de ne pas assez "incarner" sa fonction, et le nom de l'actuel ministre du Budget Gabriel Attal commençait à circuler ces dernières heures pour le remplacer, même si plusieurs sources invitaient à la prudence.
"Le président a beaucoup d'attachement" pour Pap Ndiaye, "c'est lui qui l'a choisi au départ", prévient un ministre. Même scénario pour le ministre de la Santé François Braun. Sauveront-ils leur poste?
Parmi les suivantes à arriver à l'Elysée, Marlène Schiappa est elle, de l'avis de tous, sur le départ après avoir été épinglée pour sa gestion du Fonds Marianne.
Tout comme le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe, qui pourrait, selon des sources du camp présidentiel, être remplacé par une députée Renaissance comme Astrid Panosyan ou même la patronne du groupe à l'Assemblée nationale, Aurore Bergé.
Quels que soient les mouvements, le président a donc opté pour une réponse a minima au sortir des 100 jours qu'il s'était lui-même fixés, le 17 avril, pour relancer son quinquennat après la crise des retraites. Il fait le pari de la continuité face à une rentrée qui s'annonce difficile, en attendant de trouver la clé d'une équation politique délicate, faute de majorité absolue à l'Assemblée.
- "Message au microcosme" -
"Rien ne presse. Il était urgent d'attendre. Cette séquence des 100 jours n'a fait l'objet d'aucune appropriation par les Français. C'est plus un message au microcosme", résume le directeur général opinion de l'institut de sondages Ifop, Frédéric Dabi.
Faute de majorité absolue, le gouvernement toiletté abordera la prochaine rentrée dans une position tout aussi acrobatique qu'en 2022, avec un budget à faire passer au forceps, sans doute au prix de nouveaux "49.3" à répétition.
Et avec en corollaire l'épée de Damoclès d'une motion de censure sur laquelle il risque toujours de trébucher, dans une Assemblée prompte à s'enflammer. Le spectre est agité par Les Républicains, qui entendent peser sur le prochain budget, tout comme sur le projet de loi immigration pour lequel les concertations politiques patinent.
En comptant "rassembler fortement" en vue de la rentrée, Emmanuel Macron croit-il encore en ses chances d'élargir sa majorité ?
"Les sénatoriales de septembre passées, cela pourrait aussi délier quelques personnalités LR" pour entrer au gouvernement, "seule ouverture politique possible pour Emmanuel Macron", répond Frédéric Dabi.
En attendant, le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, a appelé l'exécutif à "s'abstenir de toute tentative de débauchage" à droite, dénonçant par avance toute flatterie des "plus vils instincts humains". (AFP)