Repenser la politique sénégalaise de l’emploi

Mardi 15 Novembre 2016

Par Mamadou Sy Albert
 
L’emploi des jeunes reste encore l’équation majeure de l’économie sénégalaise avec un taux de chômage massif. Les estimations les plus optimistes parlent de l’existence annuellede plus deux cent mille jeunes demandeurs d’emploi. Ces demandeurs d’emploi sont formés dans le système de l’Enseignement Supérieur Public et Privé, dans les Écoles de formation professionnelle et dans les cadres des apprentissages aux métiers. Ils partagent naturellement la recherche effrénée d’un premier emploi. Le parcours du combattant des uns et des autres, est à la limite, une tragédie humaine insondable.
 
Au fil des années, le constat est là. Les portes de la fonction publique sont fermées. Aucune structure de l’État ne traite ce dossier socio-économique épineux à plus d’un titre. L’État peine à franchir les barrières imposées arbitrairement par ses partenaires techniques et financiers. Ils surveillent les clignotants des dépenses publiques salariales allouées aux fonctionnaires et autres agents des services publics et parapublics.
 
C’est au compte goûte que certains demandeurs d’emploi passent entre les mailles du filet de l’emploi de la puissance publique. Les espoirs de voir les collectivités locales ouvrir la fonction publique locale sont maigres dans la région dakaroise, capitale économique et administrative, et dans les régions de l’intérieur. Ces dernières arrivent difficilement à boucler des budgets insignifiants dédiés exclusivement au fonctionnement.
 
L’écrasante majorité des demandeurs d’emploi se tourne naturellement  vers le secteur informel. Ce secteur n’a pas d’offre particulière destinée à ceux qui sortent  du système de formation nationale. Dans le meilleur des cas, ceux qui réussissent à trouver un emploi dans l’informel sont ceux qui créent leur propre société. C’est une tendance. Ici et là, des diplômés tentent des expériences dans la création de petites entreprises.
 
Les contraintes de ces entrepreneurs n’ont guère changé depuis des décennies. Ce sont des porteurs de projets imaginaires le plus souvent. Au-delà de l’inexpérience dans le domaine de la création d’entreprises innovantes avec un marché qui se rétrécit, les porteurs de projets ne sont soutenus ni par les banques, ni par un ministère chargé spécifiquement de l’emploi des jeunes. Et c’est bien ce chaînon crucial qui manque dans la politique de l’emploi en général et, singulièrement, de l’emploi des jeunes formés à l’École, dans les Universités publiques et aux métiers ou  à la création des entreprises.
 
Certains Établissements publics et privés tentent de jeter des passerelles avec les entreprises nationales et étrangères. Nous ne sommes qu’au début d’une expérience. Elle est bien timide. Ces opérateurs économiques n’ont pas réellement élaboré une stratégie politique d’emploi cohérente susceptible de prendre réellement en charge cette forte demande dans le court et moyen terme. L’absence du soutien de l’État à l’initiative privée en matière de création d’entreprise et d’emploi est notoire. Les entreprises privées sénégalaises n’ont ni les moyens financiers, ni  les capacités de productivité pour réduire le chômage de ces jeunes.

Les tentatives d’encadrement de l’État partisan et clientéliste se suivent et se ressemblent. Les projets des  jeunes ont  échoué pour des raisons identiques. La tentation du pouvoir d’encadrer les jeunes s’est soldée par l’embrigadement de nombreux jeunes dans des appareils politiciens ou dans des ministères. Certains deviennent des politiciens.
 
On a transformé ainsi des bénéficiaires d’offre d’emploi en politiciens recruteurs. L’État n’a pas su ou voulu définir une politique de l’emploi à la hauteur des enjeux de l’insertion sociale, économique et culturelle. Chaque ministère a sa vision de l’emploi. Les agences ont des  approches variant en fonction des centres d’intérêts et des lieux d’implantation réduisant gravement le recrutement de pans entiers des jeunes formés. L’éclatement des centres d’impulsion de la politique de l’emploi ne facilite guère la cohérence de l’approche de l’État et une harmonisation des actions publiques. L’accès aux moyens financiers demeure  sans réponse.

Après de pénibles recherches infructueuses d’emploi, des franges importantes de la jeunesse empruntent inexorablement les chemins de l’émigration. Ils quittent le pays, forcés et contraints par la vie au quotidien. Le choix de partir loin de la misère sociale résulte en vérité de la conjugaison de l’absence de débouchés professionnels et d’une carence structurelle de la politique de l’encadrement de la puissance et des faibles capacités d’emploi de l’entreprise sénégalaise.
 
 
 
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