Réponse à monsieur Adama Gaye, figure sénégalaise de l’essentialisme antimusulman (Suite et fin)

Vendredi 28 Décembre 2018

Tous les qualificatifs élogieux appliqués aux chrétiens « ils sont… » au positif sont de belles vertus, personne n’en disconvient. Mais là où cela pose problème c’est que d’une part, on peut les trouver chez des non chrétiens, je ne dis même pas musulmans car cet auteur ne semble pas vouloir en entendre parler. Et d’autre part, en toute logique essentialiste, il faudrait lier les défauts qu’on peut trouver chez des chrétiens au christianisme ! Pour dire que c’est puéril, provocateur, enfantin et pathétique pour un intellectuel de se mettre à écrire de telles faussetés.
 
Cet auteur sait que dans les pays à majorité chrétienne, on constate des attitudes et comportements peu honorables et pas du tout catholiques sans que nous ayons besoin d’entrer dans les détails car tel n’est pas notre objectif dans ce texte. Suivant la posture essentialiste de l’auteur, on dirait alors que ces scandales de toutes sortes ont lieu dans ces pays parce qu’ils sont majoritairement chrétiens ou qu’ils portent des noms chrétiens ! Alors, si par extraordinaire, c’est le christianisme « sénégalais » qui fait la différence, puisque tous les chrétiens du monde ont les mêmes références scripturaires, c’est alors non pas le christianisme qui explique ces comportements vertueux dont parle l’auteur, mais le fait que ces chrétiens soient « sénégalais » Dans ce cas, il faut chercher à comprendre comment les valeurs et traditions « sénégalaises » ont influencé le christianisme.
 
Encore une expression nébuleuse et douteuse de l’auteur : « Ce sont des frères et sœurs, qui ont la classe de ne même pas revendiquer plus que ce que cette société, soudain tentée par l’uni-confessionnalisme, daigne leur donner » Qu’est-ce la société refuse de donner aux chrétiens du Sénégal, dites-le nous, ne soyez pas frileux ? Aux chrétiens de réclamer ce qu’ils considèrent être leurs droits, qui les en empêche ? Mais cet auteur ne devrait pas oublier qu’il y a des choses à donner aux musulmans de ce pays et qui seront réclamées. Je lui rappelle que les chefs musulmans ont été sages et bienveillants peut-être même trop et ont fait preuve de retenue tellement de fois avec Senghor, le président chrétien, qui n’avait pas que des qualités. Cela devrait aussi faire éclater, juste pour respecter certains équilibres et faire justice à l’histoire et aux musulmans sénégalais. Les guides musulmans ont hier comme aujourd’hui beaucoup participé à la cohésion sociale du Sénégal. Cela personne ne peut le contester.
 
Voyons à présent ces lignes de l’auteur : « Et puis, mes amis, avez-vous noté que les grands voleurs, transhumants, de notre pays portent des noms de musulmans, n’est-ce-pas Ibrahima Ndiaye Agetodjeh, Mamour Diallo 94 milliards, Mbaye Niang Prodac, Aliou Mongol Timis, Macky Sall, KGKT? En outre, nombre de nos guides musulmans, alléchés par les espèces sonnantes et trébuchantes, les deniers publics, sont les champions multi-récidivistes de la danse du ventre devant les pouvoirs temporels présents et à venir, qui ose en douter ? »
 
Les « accusés », sont assez grands pour se défendre. C’est quand même impoli et discourtois d’évoquer des images corporelles du genre « danse du ventre » pour qualifier les comportements de guides musulmans. Ce n’est pas comme cela qu’un aîné responsable doit apprendre aux jeunes à traiter de problèmes de société aussi sensibles. Dommage que cet auteur n’ait pas pris à son compte la retenue et le sérieux des chrétiens qui l’auraient éclaté ! En vérité, il ne parle pas de ces vertus « chrétiennes » pour elles-mêmes, c’est-à-dire, au regard de leur valeur morale intrinsèque, il les instrumentalise de façon éhontée et peu intelligente contre les musulmans sénégalais à des fins inavouables. Toutefois, nous sommes convaincus que les chrétiens lucides vont se désolidariser de ce monsieur qui évoque leurs vertus pour ensuite écrire ces lignes qui n’apportent rien à la cohésion sociale du pays et c’est peu dire.
 
Il est mû par l’intention de faire mal à cette communauté alors qu’il lui aurait juste suffit d’être un musulman exemplaire pour éviter d’adopter ce genre de posture. Lui qui porte un nom musulman doit nous dire s’il a reçu de ses parents une éducation qui ferait de lui quelqu’un qui transgresse les vertus enseignées par la morale musulmane : « fen daganul, nanga ragal akh mandu, bulnaan sangara, bul ndiaaloo, nanga wormal mak, nanga am diom ak kersa ak yermandé, am mugn, téral gan, nga diappalé koo tané, etc.).

Quelle mouche a piqué ce monsieur pour qu’il pense pouvoir provoquer de cette façon les musulmans sans frais ! Nous avons déjà répondu à cette posture essentialiste de mauvais aloi mais il est utile de rajouter que pour cet auteur, il y a une corrélation de nature morale entre le nom de quelqu’un et ses agissements ! Pourquoi pas, à condition de le démontrer, d’avoir une théorie à proposer en matière de déterminisme moral et comportemental lié au nom musulman de quelqu’un.
 
Il faut s’appeler Adama Gaye, pardon pour ses homonymes, pour proférer de telles inepties. Par les mots qui composent votre nom, comme peut le prétendre un devin, Adama Gaye peut lire votre destinée de voleur ou de je ne sais quoi ! En ce qui nous concerne, c’est à la police que nous avons dû aller il y a quelques mois pour nous faire rembourser notre argent par un imprimeur de la place qui porte un nom chrétien tout en voulant faire des choses pas du tout catholiques. Nous avons aussi participé à une plateforme dite citoyenne pour une cause environnementale dirigée par une personnalité chrétienne très connue du pays, et nous avons rapidement quitté eu égard aux agissements de celle-ci…
 
Si l’on s’en tient à la théorie d’Adama Gaye, un individu qui vole ou commet une faute morale quelconque ne devrait pas être condamné car c’est le nom qu’il porte qui expliquerait son comportement. Mais, il se trouve que le nom comme vous le savez, est donné à la personne à sa naissance ! Qu’est-ce qui reste comme crédibilité et lucidité à cet auteur après ces lignes abominables qui dénotent une posture antimusulmane notoire ? Nous espérons vivement que lui qui porte un nom musulman ne vole pas, ne mente pas, ne médise pas, bref, ne commette aucune faute morale ou comportementale, au Sénégal ou ailleurs, car on dira : c’est à cause du nom musulman qu’il porte et ainsi, il portera grandement préjudice aux musulmans du monde entier.Toutes les fautes dont parle l’auteur sont commises partout dans le monde par des gens qui n’ont même pas choisi le nom qu’il porte, même si on peut le changer si on est majeur. Alors, peut-on en arriver à la même conclusion stupide que celle de cet auteur ? 
 
On peut citer des noms chrétiens ou autres parmi les gens qui sont impliqués dans toutes les fautes mentionnées par cet auteur comme dans d’autres, au Sénégal comme ailleurs mais apparemment il ne veut pas voir les choses sous cet angle. Espérons encore que lui-même ne succombe pas à sa propre théorie en croyant que c’est son nom « musulman » qui est en cause. Bref, ce monsieur, nous évitons de prononcer son nom pour ne pas que cela lui porte la poisse, s’est fait sa religion : discréditer les chefs musulmans et les musulmans et leur jeter l’opprobre.
 
Juste pour donner des exemples : quand le Doyen Ahmadou Makhtar Mbow fait correctement le travail demandé par le président Macky Sall sur la réforme des institutions de la République, cet auteur ne dira pas bravo, ce n’est pas étonnant, il porte un nom musulman ! Quand Cheikh Anta Diop fait ce qu’il a fait dans la recherche et redonne une certaine fierté aux Noirs, ce n’est pas à cause de son nom. Quand le juge Kéba Mbaye fait ou dit...Mais quand c’est mauvais, c’est le nom musulman qui expliquerait…Cet auteur qui est un exemple de vertu, semble-il, a pris la forte résolution de lancer des pierres aux musulmans du Sénégal. S’il connaissait le christianisme et ce que représente pour lui la symbolique que nous venons d’évoquer, il aurait réfléchi longuement avant de croire qu’il peut se servir des chrétiens sénégalais pour des motivations aussi louches.
 
Pour finir, nous sommes tenté de dire que puisque cet auteur porte un nom musulman, alors les musulmans vont le suivre de près pour voir en quoi il l’honore ou le déshonore. Quant à nos parents chrétiens qui sont vertueux, et justes, nous voulons leur dire que nous partageons ces mêmes valeurs de la tradition abrahamique et chacun de nous se doit, pour leur rester fidèle, de les mettre en pratique dans sa vie de tous les jours. Et ce pays que nous partageons ne s’en porterait que mieux.
 
Quant aux leaders musulmans et les masses, en droite ligne du hadith sur le bon conseil (addînun nasîha), nous disons que ce genre d’article doit faire réfléchir. Il ne faut pas donner aux courants islamophobes et antimusulmans partout dans le monde et au Sénégal, l’occasion de fragiliser nos rangs. Mais ce n’est pas par des incantations qu’on y arrivera, mais plutôt à travers l’exemplarité et le témoignage : « Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu pour que vous soyez témoins vis-à-vis des hommes et que le Messager soit témoin vis-à-vis de vous » (Coran 2 : 143) 
 
A travers cet article, l’auteur a fait le choix délibéré de vouer aux gémonies et d’insulter les musulmans du Sénégal en jouant sur un registre dangereux, à savoir, les opposer aux chrétiens du pays qui seraient l’axe du bien. On sait à quoi peut aboutir ce genre de posture, mais nous ne savons si cet auteur qui se prétend patriote veut cela pour son pays. Cet article est un tissu de contre-vérités, de raccourcis et parti-pris honteux, de provocations et de démonstration pitoyable d’une expertise avérée dans la caricature sur des questions des plus sensibles telle que l’appartenance identitaire.
 
Il essaie de jouer avec le feu mais il ne peut rien brûler si on ne lui en donne pas l’occasion et nous sommes convaincus que musulmans et chrétiens ont compris cela. Il se peut que de cet article minable sorte un grand bien pour les musulmans sénégalais conscients des défis actuels à relever. Lorsqu’un groupe a répandu la calomnie sur notre mère Aïcha, épouse du prophète (saws), le Coran dit ceci : « Ceux qui répandent des calomnies sont un groupe parmi vous. Ne pensez pas que ce soit un mal pour vous, mais plutôt un bien… » (Coran 11 : 24) Ce verset est un viatique immortel qui devrait suffire à sublimer et conjurer tout le mal que cet auteur a fait aux musulmans sénégalais à travers cet article. S’il lui reste un peu de conscience, il se rendra compte bientôt, si ce n’est déjà le cas, de l’ineptie de la ligne éditoriale de cet article qui ne sera pas cité dans ce qui a participé à renforcer le bon vivre ensemble au Sénégal notamment entre chrétiens et musulmans. 
 
Que la paix soit sur quiconque suit la voie droite. Amîn !
 
Ahmadou Makhtar Kanté
Imam, écrivain et conférencier
Fait à Dakar, le 28/12/2018 – rabiuthani 1440 
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