Voice of America : Salim Lamrani, pourquoi une telle implication de Cuba en Afrique ? Les Cubains cherchaient-ils ou cherchent-t-ils à exploiter les ressources naturelles dont regorgent le continent ?
Salim Lamrani : Je crois qu’il faut rappeler les trois facettes qui caractérisent le personnage de Fidel Castro. C’est d’abord l’architecte de la souveraineté nationale qui a réussi à faire de Cuba une nation indépendante. C’est ensuite un réformateur social qui a mis au centre de son projet de société l’être humain en universalisant l’accès à la santé, à l’éducation, à la culture, au sport, aux loisirs. C’est enfin – et c’est là sa troisième caractéristique – un internationaliste qui a toujours tendu une main fraternelle aux peuples du Sud et notamment aux peuples qui luttaient pour leur émancipation. C’est ce qui explique l’intervention de Cuba en Afrique.
Cuba a joué un rôle déterminant dans la libération de l’Afrique australe. Il convient de rappeler ce que disait Nelson Mandela lors de son voyage à Cuba : « Quel autre pays pourrait prétendre à plus d’altruisme que celui que Cuba a appliqué dans ses relations avec l’Afrique ? » Je crois que cette citation de Nelson Mandela répond en quelque sorte à votre question.
Contrairement aux autres nations qui sont intervenues en Afrique pour piller les richesses de ce continent, le seul pays qui est intervenu pour défendre le droit des Africains à l’autodétermination, à la dignité et à la liberté, c’est la nation cubaine, c’est le peuple cubain et c’est Fidel Castro. Je crois que c’est ce qui explique la popularité de ce personnage non seulement en Afrique, mais également en Amérique latine et en Asie. Fidel Castro est perçu comme étant l’archétype du combattant contre l’oppression. Il est perçu comme étant le vecteur d’un message universel d’émancipation.
VOA : Oui, mais c’est quand même un personnage controversé, Salim Lamrani, - je m’excuse de vous interrompre – parce qu’en Occident nombreux se disent indignés par la pluie d’éloges après la mort de Fidel Castro. Pour eux, il était l’un des derniers dictateurs communistes de la planète qui s’était agrippé au pouvoir pendant près de cinquante ans, un homme qui a fait régner la terreur sur son île et qui est accusé d’avoir soumis les 11 millions de Cubains à la pauvreté collective.
SL : Aucun dirigeant au monde ne peut rester 30 ans à la tête d’un pays – puisque Fidel Castro a été Président de la République de 1976 à 2006 – dans un contexte d’hostilité, de guerre larvée avec les Etats-Unis sans un soutien majoritaire du peuple.
La diplomatie étasunienne installée à Cuba a été très lucide à ce sujet. Je fais référence à un mémorandum de 2009 rédigé par Jonathan Farrar, qui était chef de la Section d’intérêts des Etats-Unis à La Havane, dans lequel il dit : « ce serait une erreur de sous-estimer le soutien dont dispose le gouvernement particulièrement auprès des communautés populaires et des étudiants ». Je crois qu’il faut rappeler cette réalité.
Pour ce qui est de la pauvreté – vous avez parlé de la pauvreté – je regrette mais les institutions internationales contredisent votre point de vue. Selon l’UNICEF, le seul pays d’Amérique latine et du Tiers-monde à avoir éliminé la malnutrition infantile, c’est Cuba.
VOA : Nous nous souvenons de cette poignée de mains historique entre les présidents Barack Obama et Raúl Castro en décembre 2013. C’était à Soweto lors de la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, le signe qu’une page était en train de se tourner. Effectivement, un an plus tard, le rapprochement était annoncé. La mort de Fidel Castro va-t-elle rapprocher davantage Cuba et les Etats-Unis, d’après-vous ?
SL : Tout dépend, en définitive, des Etats-Unis parce qu’il faut rappeler que le conflit entre Washington et La Havane est asymétrique. Il y a, d’une part, une puissance, les Etats-Unis, qui impose des sanctions à Cuba. L’agression et l’hostilité sont unilatérales. Ce sont les Etats-Unis qui occupent de manière illégale et illégitime une partie du territoire souverain de Cuba (Guantanamo). Ce sont les Etats-Unis qui exigent un changement de régime.
Je crois que le Président Barack Obama a fait un constat très lucide lorsqu’il a accepté de dialoguer avec La Havane. Il s’est rendu compte que la politique d’hostilité était anachronique car elle remonte à la Guerre froide. Elle est cruelle parce que les sanctions économiques affectent les catégories les plus vulnérables de la population. En outre, elle est inefficace puisqu’au lieu d’isoler Cuba sur la scène internationale, elle a isolé les Etats-Unis. Même les alliés les plus fidèles des Etats-Unis exigent une levée des sanctions économiques, qui constituent le principal obstacle au développement du pays. Je crois qu’il faudra poser la question au prochain président des Etats-Unis. Souhaite-t-il entretenir des relations cordiales et pacifiques avec Cuba ou souhaite-t-il revenir à une politique de confrontation et d’hostilité ?
VOA : Il y a eu cette mise en garde de Donald Trump. Il a menacé de mettre fin au rapprochement historique avec Cuba si La Havane ne donnait pas plus de contreparties en matière de droits de l’homme et d’ouverture économique. Qu’en est-il de l’ouverture économique de Cuba ?
SL : Un petit mot rapidement sur la question des droits de l’homme. Je crois que le Président Donald Trump qui exige des changements au niveau de la situation des droits de l’homme à Cuba serait inspiré de lire le dernier rapport d’Amnesty International sur Cuba et de le comparer avec celui sur les Etats-Unis. En comparant les deux rapports, on se rend compte que le plus mauvais élève n’est pas celui que l’on croit. Donald Trump et les Etats-Unis ne disposent pas de la légitimité nécessaire pour disserter sur la question des droits de l’homme.
Pour ce qui est du modèle économique, il faut rappeler que Cuba est une nation souveraine. Il revient donc aux Cubains de décider de leur système politique, de leur modèle social et de leur modèle économique. Ce n’est pas à Donald Trump ni aux Etats-Unis d’imposer un modèle et de parler d’économie de marché. Selon le Droit international, depuis le Congrès de Westphalie de 1648, il y a une égalité souveraine entre les Etats. Il y a un principe qui s’appelle la non-ingérence dans les affaires internes. Je crois donc que le système économique ne doit pas être imposé par une puissance étrangère.
Salim Lamrani : Je crois qu’il faut rappeler les trois facettes qui caractérisent le personnage de Fidel Castro. C’est d’abord l’architecte de la souveraineté nationale qui a réussi à faire de Cuba une nation indépendante. C’est ensuite un réformateur social qui a mis au centre de son projet de société l’être humain en universalisant l’accès à la santé, à l’éducation, à la culture, au sport, aux loisirs. C’est enfin – et c’est là sa troisième caractéristique – un internationaliste qui a toujours tendu une main fraternelle aux peuples du Sud et notamment aux peuples qui luttaient pour leur émancipation. C’est ce qui explique l’intervention de Cuba en Afrique.
Cuba a joué un rôle déterminant dans la libération de l’Afrique australe. Il convient de rappeler ce que disait Nelson Mandela lors de son voyage à Cuba : « Quel autre pays pourrait prétendre à plus d’altruisme que celui que Cuba a appliqué dans ses relations avec l’Afrique ? » Je crois que cette citation de Nelson Mandela répond en quelque sorte à votre question.
Contrairement aux autres nations qui sont intervenues en Afrique pour piller les richesses de ce continent, le seul pays qui est intervenu pour défendre le droit des Africains à l’autodétermination, à la dignité et à la liberté, c’est la nation cubaine, c’est le peuple cubain et c’est Fidel Castro. Je crois que c’est ce qui explique la popularité de ce personnage non seulement en Afrique, mais également en Amérique latine et en Asie. Fidel Castro est perçu comme étant l’archétype du combattant contre l’oppression. Il est perçu comme étant le vecteur d’un message universel d’émancipation.
VOA : Oui, mais c’est quand même un personnage controversé, Salim Lamrani, - je m’excuse de vous interrompre – parce qu’en Occident nombreux se disent indignés par la pluie d’éloges après la mort de Fidel Castro. Pour eux, il était l’un des derniers dictateurs communistes de la planète qui s’était agrippé au pouvoir pendant près de cinquante ans, un homme qui a fait régner la terreur sur son île et qui est accusé d’avoir soumis les 11 millions de Cubains à la pauvreté collective.
SL : Aucun dirigeant au monde ne peut rester 30 ans à la tête d’un pays – puisque Fidel Castro a été Président de la République de 1976 à 2006 – dans un contexte d’hostilité, de guerre larvée avec les Etats-Unis sans un soutien majoritaire du peuple.
La diplomatie étasunienne installée à Cuba a été très lucide à ce sujet. Je fais référence à un mémorandum de 2009 rédigé par Jonathan Farrar, qui était chef de la Section d’intérêts des Etats-Unis à La Havane, dans lequel il dit : « ce serait une erreur de sous-estimer le soutien dont dispose le gouvernement particulièrement auprès des communautés populaires et des étudiants ». Je crois qu’il faut rappeler cette réalité.
Pour ce qui est de la pauvreté – vous avez parlé de la pauvreté – je regrette mais les institutions internationales contredisent votre point de vue. Selon l’UNICEF, le seul pays d’Amérique latine et du Tiers-monde à avoir éliminé la malnutrition infantile, c’est Cuba.
VOA : Nous nous souvenons de cette poignée de mains historique entre les présidents Barack Obama et Raúl Castro en décembre 2013. C’était à Soweto lors de la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, le signe qu’une page était en train de se tourner. Effectivement, un an plus tard, le rapprochement était annoncé. La mort de Fidel Castro va-t-elle rapprocher davantage Cuba et les Etats-Unis, d’après-vous ?
SL : Tout dépend, en définitive, des Etats-Unis parce qu’il faut rappeler que le conflit entre Washington et La Havane est asymétrique. Il y a, d’une part, une puissance, les Etats-Unis, qui impose des sanctions à Cuba. L’agression et l’hostilité sont unilatérales. Ce sont les Etats-Unis qui occupent de manière illégale et illégitime une partie du territoire souverain de Cuba (Guantanamo). Ce sont les Etats-Unis qui exigent un changement de régime.
Je crois que le Président Barack Obama a fait un constat très lucide lorsqu’il a accepté de dialoguer avec La Havane. Il s’est rendu compte que la politique d’hostilité était anachronique car elle remonte à la Guerre froide. Elle est cruelle parce que les sanctions économiques affectent les catégories les plus vulnérables de la population. En outre, elle est inefficace puisqu’au lieu d’isoler Cuba sur la scène internationale, elle a isolé les Etats-Unis. Même les alliés les plus fidèles des Etats-Unis exigent une levée des sanctions économiques, qui constituent le principal obstacle au développement du pays. Je crois qu’il faudra poser la question au prochain président des Etats-Unis. Souhaite-t-il entretenir des relations cordiales et pacifiques avec Cuba ou souhaite-t-il revenir à une politique de confrontation et d’hostilité ?
VOA : Il y a eu cette mise en garde de Donald Trump. Il a menacé de mettre fin au rapprochement historique avec Cuba si La Havane ne donnait pas plus de contreparties en matière de droits de l’homme et d’ouverture économique. Qu’en est-il de l’ouverture économique de Cuba ?
SL : Un petit mot rapidement sur la question des droits de l’homme. Je crois que le Président Donald Trump qui exige des changements au niveau de la situation des droits de l’homme à Cuba serait inspiré de lire le dernier rapport d’Amnesty International sur Cuba et de le comparer avec celui sur les Etats-Unis. En comparant les deux rapports, on se rend compte que le plus mauvais élève n’est pas celui que l’on croit. Donald Trump et les Etats-Unis ne disposent pas de la légitimité nécessaire pour disserter sur la question des droits de l’homme.
Pour ce qui est du modèle économique, il faut rappeler que Cuba est une nation souveraine. Il revient donc aux Cubains de décider de leur système politique, de leur modèle social et de leur modèle économique. Ce n’est pas à Donald Trump ni aux Etats-Unis d’imposer un modèle et de parler d’économie de marché. Selon le Droit international, depuis le Congrès de Westphalie de 1648, il y a une égalité souveraine entre les Etats. Il y a un principe qui s’appelle la non-ingérence dans les affaires internes. Je crois donc que le système économique ne doit pas être imposé par une puissance étrangère.