La forte détermination des pays membres de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) aura eu raison de l’attentisme des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont l’impuissance se confirme une fois de plus. Dans le communiqué final de la 66e session ordinaire tenue ce 15 décembre à Abuja, le président de la Commission a officiellement brandi un quitus de sortie du bloc ouest-africain aux gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
« La conférence ordonne au conseil des ministres de convoquer une session extraordinaire au cours du deuxième trimestre de 2025 pour examiner et adopter les modalités de départ et le plan d'urgence portant sur les relations politiques et économiques entre la CEDEAO et les Républiques du Niger, du Mali et du Burkina Faso », rapporte Omar Alieu Touray dans ledit communiqué.
La référence explicite aux trois pays montre que pour les chefs d’Etat, l’AES n’existe pas dans leur jargon officiel.
A toutes fins utiles, la CEDEAO prévoit - au hasard des possibilités de rétraction éventuelle - une transition de 6 mois valable à partir du 29 janvier 2025. Ainsi, le 30 juillet 2025, la communauté ne comptera que douze Etats membres.
Cette situation nouvelle entérine l’échec des médiations officielles et souterraines entreprises par la CEDEAO pour retenir les Etats de l’AES dans le giron de la communauté. En particulier, celle du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et du Togolais Faure Gnassingbè, tous deux lancés dans une mission impossible au regard des orientations politiques et idéologiques « irréversibles » affirmées par la bande des trois.
En deux jours, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) a savamment court-circuité certaines décisions que la CEDEAO aurait pu prendre à son encontre lors de ce sommet d’Abuja (Nigeria). Le 14 décembre 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui forment la Confédération de l’AES ont décidé d’instaurer la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace AES pour tous les ressortissants des 12 autres pays membres de la CEDEAO. Une stratégie de contournement d’une vraie difficulté politique - la circulation des personnes et des biens - qui confirmait le caractère inéluctable de leur sortie collective de la communauté ouest-africaine en janvier 2025.
Cette mesure d’anticipation, contenue dans une déclaration signée par le Malien Assimi Goïta, président en exercice de la Confédération de l’AES, a coupé l’herbe sous le pied des dirigeants de la CEDEAO. En effet, l’un des arguments choc brandi contre la sécession annoncée concerne justement le principe et les avantages du système sans visa qui fonctionne dans l’espace communautaire depuis 1975. Or, en décrétant dès à présent que ledit principe restera en vigueur pour tous les citoyens des pays de la CEDEAO, l’AES rend la menace sans objet. Surtout, elle prédispose les chefs d’Etat du bloc ouest-africain à une possible surenchère radicale dont les débordements potentiels pourraient envenimer davantage les relations entre les deux parties.
La veille, soit le 13 décembre, une conférence ministérielle tenue à Bamako sous l’égide du chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, jugeait irréversible tout retour en arrière de la part des membres de la Confédération.
Aujourd’hui, sauf miracle improbable qui tiendrait, par exemple, à des changements de régime dans l’AES, la CEDEAO va devoir organiser une sortie en bon ordre de ses rangs trois pays membres fondateurs. Cette séquence est un échec politique de grande ampleur dans le processus d’intégration de la zone ouest-africaine mais elle a l’avantage essentiel d’être un signal fort sur l’urgence de réformes fondamentales dans le fonctionnement de l’institution.