SERIGNE MBOUP - «Le retour à une Chambre unique serait un recul de 150 ans »

Jeudi 8 Septembre 2016

Pour le président de l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal, les porteurs de la réforme consulaire cherchent à tromper l’Etat.
 
Quelle est votre position sur le projet de réforme des chambres consulaires ?
Les personnes qui parlent de réformes trompent ou essayent de tromper l’Etat. Pour proposer des réformes, il faut être légitime. On prépare des élections et ces mêmes personnes savent qu’elles n’ont pas la confiance des électeurs. Après l’annonce de l’inscription sur les listes électorales, elles ont commencé à parler de réformes pour semer la confusion. Ce que nous proposons, c’est qu’on continue le processus électoral jusqu’à son terme. Nous sommes des élus mais on prolonge notre mandat depuis deux ans, cela ne peut pas continuer. Il vaut mieux aller vers des élections et discuter de la réforme avec ceux-là qui seront élus pour représenter le secteur privé.
 
Est-ce que le fait d’avoir une chambre unique nationale va régler les problèmes ?
Non. On réforme pour faire quoi ? On réforme pour donner plus de moyens aux chambres ou pour décentraliser davantage. Si c’est cela, je suis d’accord. Si c’est pour séparer la chambre de commerce de la chambre d’agriculture, tout le monde est d’accord. Les textes en vigueur sont très bons. Beaucoup de ceux qui parlent de cette réforme ne connaissent pas les textes qui sont pourtant clairs en matière d’élection, de processus électoral, de prérogatives. Toutefois, si la réforme vise uniquement à avoir une seule chambre nationale et supprimer les chambres régionales, je pense que c’est un recul de 150 ans. Le Sénégal avait une Chambre unique en 1870 à Saint-Louis, elle a été décentralisée. En 1908, le même arrêté qui a créé la chambre de commerce de Ziguinchor a créé la chambre de commerce d’Abidjan. Cela prouva qu’en 1908, Ziguinchor avait le même poids économique qu’Abidjan.
 
Pourtant, dans l’espace Uemoa, beaucoup de pays ont une Chambre unique.
Cela s’explique par le simple fait que ces pays sont nouveaux dans les chambres de commerce. Je viens de vous dire que la chambre de commerce d’Abidjan a été créée la même année que celle de Ziguinchor. Pour le Mali, c’est en 1948. Aujourd’hui,  ces pays sont en train de voir amorcer une ère de décentralisation. En  1984, le Mali a créé une chambre d’agriculture puis une chambre unique en 1992. Actuellement, il est en train de voir comment faire pour avoir des chambres régionales.
 
Les chambres jouent-elles un rôle déterminant dans l’économie ?
Elles jouent très bien leur rôle dans l’économie. Un exemple. En 2014, le ministère du Commerce à fait une étude pour évaluer toutes les structures d’appui et d’encadrement des entreprises (chambres de commerce, Adpme, Bmn, etc.) mais les chambres de commerce arrivent systématiquement en tête.  Cette étude mettait l’accent sur trois critères d’évaluation : la connaissance du dispositif d’aide aux entreprises, le niveau de sollicitation des entreprises et le nombre d’entreprises ayant reçu de l’aide. La conclusion de ladite enquête retient que les chambres de commerce sont des institutions publiques très importantes dans le dispositif d’aide aux entreprises grâce à leur présence sur l’ensemble du territoire national.
 
Qu’est-ce qui vous oppose à certains de vos collègues du patronat sur la question ?
C’est quoi le patronat ? C’est un groupe de chefs d’entreprises qui emploient des personnes et ont décidé de créer une association de droit privé. Cela, tout le monde peut le faire, même des personnes qui emploient des bonnes. Cela relève du domaine privé. Le problème, c’est qu’on est en face d’une association privée qui veut prétendre représenter le secteur privé. C’est très grave.  C’est comme si quelqu’un se levait pour dire qu’il représente tous les journalistes du Sénégal. La plupart de ces personnes qui parlent au nom du secteur privé n’ont même pas d’entreprise.

C’est les mêmes qu’on voit avec le ministre prendre des engagements  sur les impôts, les patentes alors qu’elles n’ont même pas d’entreprise. La preuve, on va vers des élections et la plupart de ceux qui disent représenter le secteur privé ne sont pas  inscrits sur les listes électorales. Il est vrai que pour s’inscrire, il faut non seulement avoir une entreprise mais il faut que celle-ci soit en règle avec le fisc et détienne un quitus fiscal.

En l’état actuel de nos textes, la représentation du secteur privé est fixée par la loi qui dit que celui-ci est représenté par les chambres consulaires. Je précise que je ne suis pas contre le patronat car tout le monde est libre de créer une association et défendre les intérêts de ses membres. Ce qui est grave, c’est prétendre représenter tout le secteur privé sans mandat. C’est inacceptable du point de vue moral et du point de vue de la responsabilité. (Cheikh Ndong)
 
 
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