SOMMET DE BAMAKO : Pour l’inauguration d’une nouvelle ère du partenariat pour l’émergence et la sécurité en Franç’Afrique

Samedi 14 Janvier 2017

Quelle longue attente depuis mai 2006, lorsque les mouvements rebelles du Nord Mali surprenaient encore leur monde en 2012, par leur offensive de récupération des terres de la bande de l’Azawad des mains de l’État central malien, et qui a conduit l’opération Serval à voir le jour le 11 janvier 2013 !
 
Par Khaly Moustapha LEYE (Journaliste Free Lance)
 
Inutile et vaine patience que celle de l’Onu et de la France qui avaient décidé de venir au secours du Mali, et qui font noter aujourd’hui à tous leur impuissance à restituer la ville de Kidal ou à pacifier le septentrion tout entier, à côté d’autres forces, notamment tchadiennes et de pays de la Cedeao. C’est donc l’occasion pour tous les acteurs de cet imbroglio géopolitique avéré qui est la situation que vivent les Maliens, de se retrouver à Bamako à la faveur du 27ème Sommet Afrique-France, et de revenir à la case de départ : c’est-à-dire axer la réflexion sur la compréhension des causes profondes qui ont présidé à l’embrasement regrettable du pays de janvier à mars 2012. Avant l’intervention militaire française du 11 janvier 2013 ; avant que ne soit dégagé –par des élections démocratiques - le régime anti-démocratique du soldat protestant, le Capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de la junte militaire qui fit partir en exil à Dakar, le Président Amadou Toumani Touré, en fin de mandat à l’époque, le 6 avril 2012.
 
Comment sortir de l’imbroglio géopolitique ?
 L’opération Serval lancée le 11 janvier 2013 a mis fin au cantonnement des troupes maliennes à Kidal, par une grande offensive qui n’a que tôt fait de disperser les groupes jihadistes et trop fait de victimes innocentes encore indénombrables. Ces bandits armés et mercenaires sont d’une autre époque, recrutés par on ne sait quelle agence de renseignement stratégiques qui œuvre main dans la main avec des multinationales étrangères dont les sérieuses options d’achat des réserves minéralogiques, localisées par satellites dans cette riche bande sahélo-saharienne et ancienne route transsaharienne sont résolument prises en compte «faits et cause». À la solde de qui travaillent ces soi-disant djihadistes qui n’ont de qualité de musulman que l’aspect horripilant du barbu barbare mercenaire mécréant et insoumis rebelle à la volonté d’Allah ?
 
La question ne se pose plus, dès lors qu’au niveau national d’autres composantes de la société se sont mises à prêcher la parole des enragés djihadistes, pour, disent-ils eux aussi, faire de nouveaux convertis pris dans le lot des musulmans naïfs. On pense à Amadou Koufa et à son mouvement pour la libération du Macina et l’instauration du Califat Peulh.
 
Mais de qui croit-on ainsi pouvoir encore se moquer au Mali pour qu’on en vienne à assister, impuissant, à l’émergence de nouveaux groupes de dissidence identitaire sous couvert du vocable religieux sans aucune grande conviction autre que l’intérêt qu’il y a de participer dans le futur au partage du gâteau malien en s’étant très tôt pré-positionné force rebelle ayant part au conflit et à sa résolution ? Mouvements irrédentistes de résistance ou de revendication identitaire, ethnique et régionaliste, malgré eux, le pays continue de bénéficier des faveurs et de la considération de la communauté internationale, avec les États de la communauté (UE, Canada, Usa) des Démocraties dont l’aide publique au développement afflue et contribue à maintenir en vie un État économiquement essoufflé et politiquement dominé, par ses propres contradictions à l’interne.
 
Sans sécurité, pas de développement
Mais alors, sachant tout cela, pourquoi tant de sollicitations envers le Mali ? Quelles richesses a-t-il pour être considéré "Eldorado" pendant que le pays est rendu instable, plongé dans une guerre sans fin qui ne veut pas dire son nom ni se déclarer ? Pourquoi jusque-là, nul ne veut appeler le chat noir par son nom (chat noir=black cat) ? C’est-à-dire pourquoi Kidal n’est pas restituable pour le moment aux autorités légales maliennes dix-huit mois après le début de l’Opération Serval ? Est-ce-à-dire que le concept de chien n’aboie pas car il est et reste un concept chien qui n’aboiera jamais ? On écrit bien chien, mais on ne peut le faire aboyer après l’avoir couché par écrit ou dessiné huit mois durant de discussions et de pourparlers. C’est ce que semblent être les accords de paix de juin dernier et les différentes délimitations cartographiques à l’étude pour proposer une nouvelle configuration fédéralisant les régions nord du Mali.
 
Ce qui permet de le dire et qui est clair, c’est le thème de ce 27ème sommet Afrique-France de Bamako, où on constate l’identité de vue entre les Chefs d’État présents à Bamako, sur la nécessité de s’engager dans un partenariat valorisant avec la France en matière de sécurité et de co-développement pour l’émergence économique et la lutte contre le terrorisme. Car sans sécurité, dit-on, pas de développement, et sans développement pas d’émergence ; sans émergence pas de démocratie, sans démocratie pas de bonne gouvernance ; et sans bonne gouvernance pas de résultats dans la lutte contre la pauvreté et la corruption. Donc pas de paix sociale, pas de stabilité politique.
 
Le co-développement, un maillon essentiel…
Un raisonnement simpliste qui ne suscite pas le consensus, si ce n’est que le sommet est considéré comme un non-sens qui n’a pas à se tenir dans un pays en conflit. Mais on s’entend à reconnaître qu’un mauvais accord à garantir vaut mieux qu’une absence de dialogue à déplorer, pour étayer qu’il y a eu convergence de vue entre les communautés liées par la recherche de paix au nord avec l’État malien, à la forme républicaine et laïque réaffirmée État de droit, souverain, démocratique et à l’intégrité territoriale reconnue à ses frontières héritées de la décolonisation. Un principe essentiel à rappeler, mais qui ne vaut pas son pesant d’or, au regard de la réalité sur le terrain où les soldats maliens continuent de tomber un à un comme des fourmis, et dans l’actualité de ce sommet où les mouvements et groupes de la société civile ruent dans les brancards contre la tenue de ce sommet qui ne résoudra aucun des problèmes auxquels les Maliens se trouvent confrontés.
 
Au Mali, la France se prend pour un général victorieux en territoire conquis où se trouvent stationnés 4000 de ses hommes, et où il pilote les opérations militaires avec d’autres partenaires ayant les mêmes buts cachés et inavoués qu’elle : contrer la pénétration en force des économies émergentes de Russie, de Chine, de l’Inde et du Brésil dans le champ du pré carré français. Une chasse gardée d’autant plus précieuse que de Tessalit à Tamanrasset, les tonnes de matériels déjà acheminés suffisent à estimer l’ampleur et l’ambition du programme prévu à l’avènement dans le désert, avec la ville de Kidal séquestrée malgré elle.
 
On comprendra aisément que les découvertes minières faites aiguisent l’appétit des multinationales comme Total et Areva. On comprend aussi que la création d’emplois et les investissements sont des nécessités qui peuvent faire du co-développement un maillon essentiel de toute croissance économique. Ainsi, quiconque veut venir se mette au chevet du Mali, le peut, sous le fallacieux prétexte de venir mettre fin à un semblant de guerre qui n’en paraît pas une vraiment, tellement que l’imbroglio persistant n’aide guère à régler une situation qui, si elle s’était déroulée dans un autre pays occidental, aurait été vite et définitivement réglée.
 
L’état de pourriture est donc extrême, et la revendication contre les autorités accusées d’entretenir le conflit, de le tirer en longueur et de l’aggraver, est bien réelle. Des Accords de paix qui ne seront jamais des accords sérieusement scellés et signés, ont été hâtivement conclus pour qu’on ne puisse plus revenir sur la parole donnée ni en arrière, une fois la volonté commune expressément figée signatures plurielles datées. La nation a des raisons d’espérer mais ce n’est pas encore cette identité de vue qui peut mettre seule fin aux divergences étalées entre tous sur tous les sujets, dans la capitale et dans les contrées les plus reculées, là où tout le monde est exposée -ou se trouve à l’abri- face aux attaques de djihadistes.
 
Malgré tout, cette guerre, partie de poker menteur pour une partouze d’hommes armés sur dame Mali, est à l’image du classico du foot, entre logique de recomposition des forces politiques en période pré-électorale et réalisme contestataire de l’opinion qui ne se laisse plus tenir plus longtemps en laisse avec les fausses promesses et les discours démagogiques de la classe politique aliénée et dominée par l’appât du gain et en quête constante de financement pour la prochaine campagne. On se chauffe les esprits, on s’échauffe les muscles, avant le grand match des élections législatives et présidentielles, on s’entraîne dur à apprendre à donner des coups bien ajustés et on fait des sacrifices sur les grandes places de la ville et dans ses environs, pour assurer son siège de député-maire, ministre ou consolider le pouvoir du chef en quête de réélection à la tête de l’État pour un deuxième mandat. Comme tous ceux qui l’ont précédé dans le fauteuil présidentiel.
 
Vaste programme pendant que les autres localités du pays ne se sentent pas en sécurité, de Ségou à Mopti, en passant par Gao et Tombouctou. Comme quoi, seule Kidal est vitale à garder pour la France. Les autres localités peuvent à nouveaux être conquises, se sentir abandonnées par l’État central, ou même pire, rendues inquiètes par la menace djihadiste alliée à celle des groupes armés de défense communautaires.
 
Les Ong tiennent le grand rôle
Face à cette donne les fonds qui viennent à manquer sont à chercher à nouveau. Pour cela, chacun veut louer les efforts de la communauté internationale et la convaincre de ne pas réduire ses aides et son assistance militaire, sinon leurs intérêts à rester en vie et à s’enrichir cesseraient du coup. Une mafia est ainsi née, pour se voir dépouillé de tout son avoir en poche, et en s’en allant sur ses pas, le voleur se retourne, puis jette un regard attendrissant et sort de sa poche une poignée de quelque chose qu’il donne et demande de dire merci parce qu’il a quand même aidé. Normal, sans sécurité du grand frère pas de développement économique du petit frère. Ce que tous s’accordent à reconnaître dans les liens entre la France qui ruse et l’Afrique qui s’use au contact de la France.
 
Dans ce jeu de méli-mélo, les Ong tiennent le grand rôle en apportant un maximum d’efficacité aux projets et opérations humanitaires, grâce aux programmes de (re)financements décernés ou en cours, ainsi que d’autres appuis logistiques et stratégiques apportées. Même si les décaissements sont parfois lents, tout le trésor de guerre se trouve réuni par elles, agences et succursales de centrales et maisons de recrutement, affilées à des multinationales, hyper protégées par des États-Vrp chez qui les dépenses budgétaires sont souvent supportées par le budget des grandes compagnies multinationales, qui financent également des candidats lors des consultations électorales.
 
Ainsi chaque parti ou coalition de partis est parrainé liste ou figure leader par un lobby étranger, hors ou sur le continent, où il s’active à travers ses réseaux de francs-maçons dans les financements de manifestations de propagande médiatisées à l’excès. La France-Afrique ne peut donc disparaître du seul fait des autorités françaises dans toute son architecture institutionnelle pour que l’édifice cède d’un coup. Mais ce sera sous l’effet des coups de butoir des acteurs africains avisés contre cette mafia affairiste, et la participation des chercheurs et universitaires, qu’il y aura espoir de rééquilibrage des rapports avec l’Union européenne sur le choix de projets de développement à retenir, hors l’implication tutélaire des États respectifs. Strictement sur le plan des compétences avérées et de l’expertise connue, seuls atouts en compétition sur le terrain local, en amont et en aval.
 
Il est donc temps de transcender le co-développement par l’instauration d’une forte spécialisation dans la maîtrise des problèmes sociaux de la Franç’Afrique, à travers des canaux de perception linguistique des différences anthropologiques et des dimensions géopolitiques à enjeux diplomatiques corrélées à la finesse d’analyse de l’expérience démocratique africaine contemporaine à l’œuvre, sous l’égide de la France, de Mitterrand à François Hollande. Et plus spécialement pendant ce 27ème Sommet des chefs d’États de France et d’Afrique. Une expérience qui a connu son lancement générique par le prononcé du Discours de La Baule (juin 1990), faisant acte de foi en la démocratisation par l’instauration du couple démocratie/libéralisme politique en vue du développement, puis du couple sécurité/développement actuel pour l’émergence.
 
De Minusma à Barkhane, l’opération d’effet nul de Serval
Jadis c’était un seul homme, Mitterrand, qui prêchait la bonne parole. Après ce fut le Colonel Kadhafi qui faisait des miracles en Afrique derrière lui. Aujourd’hui, après le lâche assassinat de cette figure légendaire qu’il a été, l’Imam officiant Sarkozy qui en est co-auteur, a été remplacé à l’Élysée. En son absence, ses pairs chefs d’État ont, semble-t-il, trouvé plus de sympathie pour son successeur François Hollande. Mais l’on s’interroge toujours sur les effets néfastes de l’invasion au nord du Mali par les jihadistes, les forces de la Cedeao, de la Misma, de l’Eufor (Union européenne), de l’opération Serval (éléments des forces françaises devenues Barkhane) et de la Minusma (Nations Unies).
 
Le Mali ! Maliba ! Un Pays qui a une longue tradition de tolérance religieuse, d’hospitalité et de constitutionnalisation des lois humaines (Charte de Kurukanfouga de 1236 du Royaume du Mandé) est pris en otage par des forces étrangères. Un pays auquel il convient d’«œuvrer tous à la construction sans relâche», car ce pays est unique au monde avec le Sénégal, à nourrir la même devise : foi en la République, la démocratie pour but de tous et la paix au peuple souverain. la réalisation de l’état national est à ce prix, maliens ! nous fédérer avant tous les autres ! Et ce, après le bon vieux temps où la Fédération du Mali nous avait rendu notre dignité en faisant de nos pères et de nos mères des sujets affranchis, nouveaux citoyens d’États indépendants accédant à la magistrature suprême et à la reconnaissance internationale. Ce qu’aucune entité ne pourra nous reprendre. Soyons-en convaincus ! Pour sûr !

 
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