Sage capitulation !

Mardi 4 Juillet 2023

 
Le bon sens a fini par l’emporter. Dans un excellent message à la nation délivré ce 3 juillet 2023, Macky Sall a reculé dans son « projet » d’imposer à la démocratie sénégalaise l’aventure d’une 3e candidature consécutive à l’élection présidentielle de février 2024. Aujourd’hui, il peut dire à la face du monde qu’il a tenu sa promesse et flatté son « code d’honneur » aux termes d’un suspens insoutenable. Cependant, il arrive que nécessité fasse loi, surtout en politique.
 
L’intransigeante détermination du peuple sénégalais à assurer la survie du modèle politique représentatif qui nous prémunit depuis des décennies contre toute sorte d’autocratie ne peut être exclue des facteurs de renoncement qui ont guidé Macky Sall. Les pressions constantes des mouvements de la société civile (mises à part celles qui se sont compromises publiquement ou en cachette avec le projet du pouvoir), des organisations politiques et, pour une fois, d’un consortium informel de journalistes sénégalais libres et conscients des enjeux de la question, ont substantiellement affaibli l’intention illégale et anticonstitutionnelle du déjà futur président sortant de briguer un nouveau mandat. Les avertissements, même diplomatiques, lancés par certaines chancelleries occidentales ou, plus ouvertement, les mises en gardes répétées du Département d’Etat des Etats-Unis ont participé à décourager une autre violation de la Constitution du Sénégal.
 
Quand nécessité fait loi !
 
Il y a douze ans, le Sénégal avait vécu la même affaire avec Abdoulaye Wade comme président désireux de compléter un tiercé victorieux. L’opposant Macky Sall était l’un des leaders de cette contestation qui fit alors une quinzaine de personnes tuées à Dakar et à l’intérieur du pays. Fallait-il que Sall soit en 2023 le successeur de Wade par qui le scandale d’une deuxième vague de morts arriverait ?
 
Si Macky Sall a renoncé, ce n’est évidemment point de gaieté de cœur. Il a peut-être été en conflit avec son for intérieur après avoir solennellement pris des engagements multiples (dont un écrit) de faire deux mandats et de partir. Il reste un humain après tout. Il a tenté de rendre évidente sa 3e candidature en suscitant un gigantesque remue-ménage interne à la galaxie politique qui l’a porté au pouvoir. Mais il a tellement bien mesuré l’épaisseur et la lourdeur des écueils qui se seraient dressés sur son chemin qu’il ne s’est pas senti en capacité de pouvoir en payer le prix.
 
Son impopularité manifeste auprès des Sénégalais, une succession de gros revers électoraux (janvier 2022 et juillet 2022) aux locales et législatives, les proportions gigantesques d’une corruption qui mine profondément son pouvoir, l’accumulation de scandales économiques et financiers jamais élucidés et à mettre en parallèle avec l’impunité totale des auteurs de délinquance gestionnaire, ont parachevé le processus de renoncement à une 3e candidature. La logique de la capitulation présidentielle relève donc d’une logique implacable.
 
Mais la goutte d’eau qui a probablement annihilé les ambitions secrètes d’une 3e candidature, c’est la répression sanglante des manifestations de juin 2023 et leur cohorte de morts dont la plupart ont été documentés par les organisations de droits humains et attribués aux forces de défense et de sécurité (FDS). Amplifiés par les plus médias du monde, ces événements inédits braquent désormais les projecteurs de la planète sur le Sénégal dont des autorités politiques, judiciaires et des cadres des forces de défense et de sécurité, sont traînées pour la première fois devant le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI).
 
Ligne rouge
 
L’enchevêtrement pernicieux de telles actualités réduisent d’autant, au plan politique, la marge de manœuvre du président de la République. Sous cet angle, le projet de 3e mandat rejeté amicalement par la France et plus franchement par les Etats-Unis devenait une ligne rouge que Macky Sall n’a pas osé franchir. Il fallait arrêter les casseroles.
 
Aujourd’hui, il doit être clair pour toute la classe politique sénégalaise – du pouvoir, de l’opposition et de ce qu’il peut y avoir entre les deux - qu’il n’est plus possible de trahir les idéaux démocratiques qui organisent le déroulement de la vie politique ou de subvertir les textes et principes portés par la Constitution sans en payer le prix. La maturité du peuple sénégalais a atteint un tel niveau que la voie de la transgression est devenue un abonnement au suicide politique. Mais il restera toujours une étape à franchir. Aujourd’hui, la plus urgente semble être de trouver les moyens de faire émanciper une Autorité judiciaire au service du peuple souverain.
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