En pourfendant les «traîtres à l'Espagne» et la «droite lâche», Santiago Abascal est parvenu, avec son parti Vox, à ressusciter une extrême droite marginale depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. «Bienvenue dans la résistance !», a lancé devant ses sympathisants ce quadragénaire barbu au regard perçant, habitué à se mettre en scène sur Instagram dans des poses viriles.
Vox, qu'il a fondé il y a cinq ans avec des déçus d'un Parti populaire (PP) accusé d'avoir «trahi (leurs) valeurs et (leurs) idées», est devenu dimanche la cinquième force politique en Espagne à l'issue d'élections législatives anticipées remportées par les socialistes.
Avec 10% des voix, ce parti obtient après le dépouillement de près de 98% des bulletins de vote 24 des 350 sièges de la chambre des députés, qui n'avait jusqu'ici accueilli qu'un seul député d'extrême droite en quarante ans de démocratie. «24 députés au parlement représenteront la fierté d'être espagnol», a déclaré Santiago Abascal.
Un premier succès aux régionales
Depuis son premier succès aux régionales d'Andalousie (sud) en décembre avec près de 11% des voix, Vox a occupé le terrain médiatique et les réseaux sociaux en Espagne, suscitant tollé sur tollé avec ses propositions ultraconservatrices.
Interdiction des partis séparatistes, abrogation de la loi contre les violences sexistes... et défense de la famille traditionnelle, quand bien même les quatre enfants de Santiago Abascal sont issus de deux mariages différents. En meeting, les foules se sont pressées pour l'écouter fustiger une «dictature gauchiste» et les «ennemis de l'Espagne» que sont pour lui les nationalistes catalans et basques.
Menacé par l'ETA
Elevé à Amurrio, un village basque dont son grand-père fut maire pendant la dictature de Franco, Santiago Abascal, 43 ans, raconte volontiers que son père, conseiller municipal PP, a échappé à trois tentatives d'assassinat par les séparatistes de l'ETA.
Encarté dès 18 ans au parti conservateur, il devait lui aussi toujours sortir accompagné de deux gardes du corps dans cette région du nord où les élus PP ou socialistes étaient des cibles du groupe armé qui s'est dissous l'an dernier.
«Son expérience politique au Pays basque, les années à être menacé, ont certainement marqué ses idées. Mais il est évident que tous les gens menacés par l'ETA n'ont pas connu cette radicalisation. Je suppose que la tradition idéologique de sa famille a aussi joué un rôle», a déclaré à l'AFP Beatriz Acha, politologue à l'Université publique de Navarre.
L'homme au pistolet
Héritage de cette époque, il ne cache pas encore posséder un Smith & Wesson, fait rare dans un pays à la législation très restrictive sur le port d'armes qu'il entend d'ailleurs assouplir.
Outre la pluie de critiques sur ses idées, ses détracteurs lui rappellent son passé de dirigeant -très bien rémunéré- d'agences et de fondations publiques lorsqu'il était au PP. Des organismes dont il a reconnu lui-même a posteriori «l'inutilité».
«Santiago Abascal vit depuis toujours des fonds publics», dénonçait en janvier Irene Montero, le numéro deux du parti de gauche radicale Podemos. Une façon de critiquer son programme économique prévoyant de fortement réduire les dépenses publiques, dans la lignée de l'ex-chef du gouvernement PP (1996-2004) José Maria Aznar, partisan d'une ligne libérale et conservatrice décomplexée, et qu'il ne critique jamais.
M. Aznar, qui le qualifiait en octobre dernier de «garçon plein de qualités», a depuis haussé le ton, lui lançant : «Moi, personne ne me parle d'une droite lâche en me regardant dans les yeux !» (afp/nxp)