Ousmane Sonko, une des dernières fois où il a pu mettre les pieds hors de son domicile.
Ousmane Sonko, principal leader de l’opposition sénégalaise, vit "séquestré" chez lui avec sa famille, depuis son arrestation à Koungheul (environ 340 km de la capitale) le 28 mai 2023 et son transfert à Dakar à bord d’un véhicule de la gendarmerie nationale. Toutes les voies menant à son domicile de la Cité Keur Gorgui sont l’objet d’un gigantesque blocus des forces de police lourdement équipées et intransigeantes dans l’application des consignes de « la hiérarchie ». Il est devenu inaccessible à ses parents, proches et aux responsables de son parti. Dans l’incapacité de présenter une base légale justifiant cette réclusion à domicile, le pouvoir s’est réfugié dans un concept fourre-tout résumé à ‘’maintien et sauvegarde de l’ordre public’’.
Aux prises avec plusieurs affaires judiciaires, Ousmane Sonko est dans l’impossibilité totale de parler avec ses avocats, ses principaux défenseurs devant les tribunaux. Venus lui rendre visite il y a quelques jours, ils ont été brutalement gazés par les policiers et refoulés. Le même traitement a été infligé sans discernement aux députés et responsables de Yewwi askan wi, aux membres de la plateforme des forces vives de la nation dénommée F24, ainsi qu’à tous ceux qui ont tenté de s’approcher des alentours de son domicile, espace privé par excellence.
Cette violence d’Etat inédite dans l’histoire politique du Sénégal – enfant naturel d’un glissement autoritaire vicieux entamé en 2012 - s’exerce impunément et sans retenue sur un candidat déclaré à l’élection présidentielle de février 2024, encore éloigné de toute condamnation définitive devant les tribunaux sénégalais, jouissant pleinement des droits et libertés constitutionnels que garantit la Charte fondamentale de notre pays à tout citoyen…
En réalité, cette violence délinquante qui plastronne au dessus des normes démocratiques légales et reconnues n’est possible que parce que les pouvoirs du président de la République sont de fait illimités et universels. Ils ne font face à aucun contre-pouvoir institutionnel, qu’il soit judiciaire ou administratif. Ce qui en fait un autocratisme dominant de fait.
Les mesures draconiennes qui frappent Ousmane Sonko depuis une quinzaine de jours, sous le silence complice des politiciens de la mouvance présidentielle au pouvoir, semblent être un point d’aboutissement d’une stratégie de répression mûrement réfléchie et mise en œuvre dans le but de rétrécir les espaces de liberté par la promotion du droit de la force. Une part de notre démocratie en est morte, en attendant peut-être que le reste soit bientôt enseveli dans les verbiages d’un « homme fort » devenu esclave d’une volonté de puissance incommensurable.