Un chef de milice soudanais redouté a "volontairement et avec enthousiasme" participé à des crimes de guerre, a déclaré mercredi le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), en formulant d'effroyables accusations de viol, de meurtre et de torture.
Le procès d'Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, connu sous le nom de guerre d'Ali Kosheib, jugé pour des crimes présumés commis dans la région du Darfour lors de la guerre civile qui a ravagé le Soudan, est entré mercredi dans sa dernière ligne droite.
La CPI, qui siège à La Haye, entend les plaidoiries finales pendant trois jours dans l'affaire de ce chef de la milice soudanaise Janjawid et allié du dirigeant déchu Omar el-Béchir.
Ali Kosheib est soupçonné d'être responsable de violentes attaques contre des villages de la région de Wadi Salih au Darfour-Central en août 2003. Il est jugé pour 31 chefs d'accusation de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, notamment de meurtre, de viol, de torture, de pillage et de traitements cruels.
Ali Kosheib, qui a nié les accusations, est apparu impassible devant la cour.
"L'accusé dans cette affaire était un haut responsable des Janjawid, un dirigeant, et a activement participé à la commission des crimes, de son plein gré et avec enthousiasme", a déclaré Karim Khan devant les juges.
"La dure réalité est que les cibles dans cette affaire n'étaient pas des rebelles mais des civils. Ils ont été pris pour cible. Ils ont souffert. Ils ont perdu la vie. Ils ont été marqués physiquement et émotionnellement de multiples façons différentes", a ajouté le procureur.
Les combats ont éclaté au Darfour lorsque des rebelles, dénonçant une discrimination ethnique systématique, ont pris les armes contre le régime de M. Béchir, dominé par les Arabes.
Khartoum a réagi en déployant la milice Janjawid, force composée de membres des groupes nomades de la région.
Selon l'ONU, le conflit au Darfour a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés.
"Meurtres de masse"
Au cours du procès, des témoins ont évoqué des horreurs commises par les Janjawid, a déclaré M. Khan.
"Ils ont des récits détaillés de meurtres de masse, de torture, de viols, de prises pour cible de civils, d'incendies et de pillages de villages entiers", a-t-il affirmé.
Il a souligné que les miliciens violaient des enfants devant les membres de leur famille, utilisant la violence sexuelle comme une "politique" délibérée.
Omar el-Béchir, qui a dirigé le Soudan d'une main de fer pendant trois décennies, a été destitué en avril 2019 après des mois de manifestations et est recherché par la CPI pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Ali Kosheib s'est pour sa part réfugié en République centrafricaine en février 2020, lorsque le nouveau gouvernement soudanais a annoncé son intention de coopérer avec la CPI.
Quatre mois plus tard, il s'est rendu volontairement. Son procès est le premier à découler d'une saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU.
M. Khan espère également délivrer des mandats relatifs à la situation actuelle au Soudan.
Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo.
Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et plus de onze millions de déplacés, et alimente l'une des pires crises humanitaires récentes selon l'ONU.
Les deux parties ont été accusées de cibler des civils et de bombarder délibérément des zones résidentielles.
Lundi, une frappe aérienne de l'armée soudanaise sur un marché du Darfour-Nord a tué plus de 100 personnes, selon un groupe d'avocats pro-démocratie. L'armée a rejeté ces accusations, les qualifiant de "mensonges" propagés par des partis politiques soutenant les FSR.
L'année dernière, la CPI a ouvert une nouvelle enquête sur les crimes de guerre commis dans la région, et M. Khan a évoqué des "progrès significatifs".
"Je crois sincèrement que ce procès représente un pas en avant dans la quête de justice", a-t-il déclaré devant la cour mercredi, faisant référence à l'affaire contre Ali Kosheib. [AFP]