Après la démission du gouvernement, les regards se tournent mercredi vers le perchoir: les groupes politiques affinent leur stratégie pour obtenir la présidence de l'Assemblée nationale jeudi, un enjeu aussi pour la gauche qui tente de relancer d'urgence ses négociations pour Matignon.
La sortante Yaël Braun-Pivet, l'indépendant centriste Charles de Courson, Annie Genevard pour Les Républicains... Les candidats pour le perchoir ne sont pas encore légion, à un peu plus de 24 heures d'une élection incertaine prévue jeudi à partir de 15h00.
La tripartition de l'hémicycle entre Nouveau Front populaire, camp présidentiel et Rassemblement national, tous éloignés de la majorité absolue, brouille le paysage parlementaire et encourage à la constitution d'alliances.
Cela donnera aussi le ton sur les chances futures de dégager une majorité dans cette Assemblée, et donc sur celles de voir un gouvernement émerger.
Arrivé en tête des législatives anticipées, le Nouveau Front populaire s'est accordé sur le principe d'une candidature commune, mais il n'a pas encore arrêté son choix.
Cinq noms ont été mis sur la table mardi, ceux des quatre présidents de groupe Boris Vallaud (PS), Cyrielle Chatelain (Ecologiste), André Chassaigne (PCF), et Mathilde Panot (LFI) ainsi que celui d'Eric Coquerel (LFI), ancien président de la commission des Finances.
- La colère de Tondelier -
Mais ces tractations à gauche se heurtent à l'échec des négociations sur le candidat commun au poste de Premier ministre. Depuis 10 jours, Insoumis et socialistes s'opposent de plus en plus frontalement, suscitant l'ire de leurs partenaires.
La patronne des écologistes Marine Tondelier s'est dite "en colère" et "écoeurée" par cette guerre de leadership. "Je suis fatiguée et je suis désolée du spectacle qu'on donne (...) Si certains n'ont pas envie (de gouverner), ils vont devoir l'assumer. Parce que si on n'y arrive pas, là, on en prend pour dix ans", a-t-elle regretté sur France 2, exhortant ses partenaires à se remettre à la table des négociations car "chaque heure compte".
Pour sortir de l'impasse, certains comme François Ruffin ou le groupe communiste aimeraient trancher la question par un vote des députés du NFP.
C'est presque l'heure de la dernière chance pour la gauche, qui craint de se faire doubler par le "bloc central" à l'Assemblée: de nombreux cadres macronistes lorgnent du côté de la droite pour construire une "coalition majoritaire" ou un "pacte législatif", une demande qui émane d'Emmanuel Macron.
- Le Pen se désole du "bourbier" -
Gabriel Attal, démissionnaire depuis mardi mais qui reste chargé des affaires courantes, a d'ailleurs promis de proposer prochainement "des rencontres" aux autres groupes politiques pour "avancer vers (un) pacte d'action" en vue de la formation d'un nouveau gouvernement.
La réélection possible de Yaël Braun-Pivet au perchoir avec l'assentiment de la droite - des tractions ont lieu en ce sens -, pourrait ainsi prouver aux yeux des macronistes qu'une majorité alternative à la gauche est possible.
Laurent Wauquiez, le leader du nouveau groupe de La Droite républicaine, refuse néanmoins toujours catégoriquement l'idée d'une coalition avec la majorité sortante, préférant plancher sur un "pacte législatif" autour de plusieurs mesures phares de la droite.
Battu dans les urnes mais en nette progression avec 143 députés aux côtés de ses alliés, le Rassemblement national compte bien tirer profit de ce blocage institutionnel qui fait tache à neuf jours de l'ouverture des Jeux Olympiques.
"J'avais dit soit le Rassemblement national aura une majorité absolue, soit ce sera le bourbier. C'est le bourbier, tout cela était prévisible", a lancé Marine Le Pen sur BFMTV/RMC. La triple candidate à la présidentielle s'indigne d'une "classe politique qui tourne sur elle-même" et promet elle aussi de désigner dans les prochaines heures un candidat RN pour le perchoir.
Elle a également réclamé que le RN et ses alliés soient représentés à la hauteur de leurs élus dans les instances dirigeantes de l'Assemblée alors que la gauche veut s'y opposer. "Une hypocrisie majeure", selon Mme Le Pen.
Les postes stratégiques de l'Assemblée, comme les questeurs et vice-présidents, seront désignés vendredi, avant des élections samedi pour la tête des commissions, en clôture d'une nouvelle semaine d'intenses tractations politiques.
"Je ne voudrais pas que succède au grand marchandage de la gauche le grand marchandage de l’Assemblée nationale", a prévenu le député du Lot Aurélien Pradié, ex-LR qui pourrait siéger chez les non-inscrits. "On a un pays à reconstruire et c’est plus important que la répartition des postes à l’Assemblée", a-t-il insisté sur franceinfo. [AFP]