Syrie: une diplomatie bouillonnante autour d'Idleb, Ankara sur le qui-vive

Vendredi 21 Février 2020

L'arrêt des combats dans la province rebelle syrienne d'Idleb, en proie à une violente offensive du régime et de Moscou, était vendredi au coeur d'une intense activité diplomatique qui devait culminer avec un entretien téléphonique entre les présidents turc et russe, acteurs clefs du conflit.
 
Avant cet entretien, annoncé pour 15H00 GMT par Ankara et Moscou, M. Erdogan a discuté au téléphone de la situation à Idleb avec les dirigeants français Emmanuel Macron et allemande Angela Merkel qu'il a appelés à "des actions concrètes pour empêcher une catastrophe humanitaire", selon la présidence turque.
 
Jeudi, la chancellerie allemande avait annoncé que Mme Merkel et M. Macron avaient exprimé leur "inquiétude" concernant la "situation humanitaire catastrophique" à Idleb lors d'un entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est le principal soutien du régime de Damas.
 
La chancelière allemande et le président français "ont exprimé leur volonté de rencontrer le président Poutine et le président turc Erdogan pour trouver une solution politique à la crise", a ajouté la chancellerie.
 
A Moscou, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a indiqué vendredi que "la possibilité de la tenue d'un sommet est en discussion". "Il n'y a pas encore de décision claire à ce sujet".
 
M. Erdogan a indiqué devant la presse que la date du 5 mars avait été évoquée pour ce sommet, à Istanbul, mais que sa tenue était suspendue à une réponse favorable de M. Poutine.
 
- "Déterminant" -
 
"L'entretien d'aujourd'hui (avec Poutine) déterminera notre attitude pour la suite", a-t-il ajouté. "Aussi longtemps que le régime poursuivra sa cruauté, il est hors de question pour nous de nous retirer de là-bas".
 
Aux termes d'un accord avec la Russie, la Turquie, qui soutient des groupes rebelles, dispose de douze postes d'observation militaires dans la province d'Idleb, dont plusieurs se retrouvent désormais dans des zones que le régime du président syrien Bachar al-Assad a reconquis à la faveur de son offensive lancée en décembre avec l'appui de l'aviation russe pour reconquérir ce dernier bastion rebelle en Syrie.
 
La Turquie a annoncé jeudi que deux de ses soldats avaient été tués par une frappe aérienne attribuée au régime syrien, portant à 16 le nombre de militaires turcs tués dans le nord-ouest de la Syrie depuis début février.
 
La région d'Idleb fait l'objet d'un accord de "désescalade" russo-turc, qui a volé en éclats ces dernières semaines.
 
Et le ton ne cesse de montrer entre Ankara et Moscou, qui semble déterminé à aider le régime syrien à reconquérir Idleb à tout prix, ce qui fait craindre un affrontement sur le terrain entre les deux pays qui collaborent étroitement depuis 2016 sur le dossier syrien malgré leurs intérêts divergents.
 
Environ 900.000 personnes, en vaste majorité des femmes et des enfants, ont fui depuis décembre, selon l'ONU. Jamais la Syrie, en guerre depuis 2011, n'a connu un tel exode sur une période aussi courte.
 
- "Enormes souffrances" -
 
Si la Turquie se préoccupe autant de la situation dans cette région frontalière, c'est parce qu'elle redoute l'arrivée sur son sol d'une nouvelle vague de réfugiés. Le pays accueille déjà plus de 3,6 millions de Syriens.
 
Les dirigeants de l'Union européenne, réunis vendredi à Bruxelles ont appelé à la cessation de l'offensive militaire "inacceptable" à Idleb et qui "provoque d'énormes souffrances humaines".
 
Jeudi, l'armée russe a indiqué avoir mené des frappes pour stopper une attaque de factions armées soutenues par Ankara contre des positions du régime, appelant la Turquie à "cesser de soutenir les actions des groupes terroristes et de leur donner des armes".
 
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG, a rapporté que des groupes appuyés par la Turquie avaient lancé une offensive dans la région d'Al-Nayrab, au sud d'Idleb, faisant état de 25 combattants tués dans les deux camps.
 
Selon Moscou et l'OSDH, l'artillerie turque a bombardé des positions du régime pour soutenir cette attaque.
 
M. Erdogan a sommé à plusieurs reprises les forces d'Assad de se retirer de certains secteurs à Idleb avant fin février, menaçant sinon de recourir à la force.
 
Alors que la Turquie continue d'envoyer des renforts militaires dans le nord-ouest de la Syrie, son ministre de la Défense Hulusi Akar, le chef d'état-major Yasar Guler et le chef de l'armée de terre Umit Dundar ont rendu vendredi visite aux troupes stationnées à la frontière syro-turque. (AFP)
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