TAUX DE CHOMAGE AU SENEGAL: Des chiffres officiels à la complexité des réalités

Mercredi 29 Juin 2016


La réalité du chômage est un débat éternel selon que les services officiels de l’Etat et les chercheurs indépendants ne s’accorderont pas sur une définition à peu près commune de ce phénomène. La preuve avec le taux de 13% défendu par le gouvernement et celui d’environ 50% jugé plus plausible eu égard à des critères jugés pertinents.



«13,0%». C’est le taux de chômage au niveau national pour l’année 2015 au Sénégal déclaré dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP 2017-2019) publié en mai 2016 par les services du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan. Dans ce qui est considéré comme la zone urbaine dakaroise, ce taux de chômage est de 10,8% alors que «dans les autres zones urbaines (hors Dakar), il grimpe à 17,2%». En milieu rural, il «est nettement plus faible.»

Pour ce qui concerne l’emploi, la DPBEP, sur la base d’une enquête nationale, situe le taux d’occupation à 39% sur l’année 2015. «Cela signifie que sur 100 personnes en âge de travailler, seules 39 occupent un emploi.»

Le taux de chômage comporte plusieurs définitions lesquelles s’appuient sur plusieurs critères. Dans un entretien accordé à Nouvel Hebdo (voir notre premier numéro), le Pr Ahmadou Aly Mbaye, ancien Doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg), résumait la définition du Bureau international du travail (Bit) en ces termes : «ceux qui ne sont pas employés et qui sont activement en train de chercher de l’emploi.» Pour ce chercheur, le taux de chômage dans sa version non déguisée se situerait aux alentours de 50%.

Allant plus loin que les chiffres officiels, il avait déploré le fait que les services de l’Etat qui travaillent sur la question ne prennent pas toujours en compte la qualité de l’emploi, passant donc à côté d’une «réalité plus complexe.»

«Il y a énormément de personnes que l’on compte comme des gens employés et qui sont dans des emplois extrêmement précaires», soulignait ainsi le Pr Mbaye. Et il y était allé avec l’exemple suivant : «Quelqu’un qui vend des cacahuètes et qui n’a que 100 ou 200 francs Cfa de revenu journalier, on va le considérer comme occupé, alors qu’il ne l’est pas forcément.»

Sur la base de ses recherches, l’ex doyen avait indiqué que «l’emploi formel qui offre les caractéristiques de l’emploi décent, ça tourne en nombre autour de 400 000», suggérant que l’Ipres et la Caisse de sécurité sociale (Css) seraient grosso modo sur cette ligne.

Avec une population en âge de travailler tournant autour de 9 millions de personnes, «les gens qui ont un emploi que l’on peut qualifier d’emploi digne de ce nom sont infimes par rapport à la population.» D’où la nécessité, selon lui, de ne pas se limiter aux définitions classiques du chômage qui ne permettent pas d’avoir «une bonne réalité de la situation du marché du travail.»
  Côté genre
«Au titre de l’emploi, il ressort des résultats de l’Enquête nationale que le taux d’occupation s’établit à 39,0% en 2015. Le taux d’activité est nettement plus élevé chez les femmes 50,4% et est, avec un taux d’activité des femmes au moins deux fois supérieur à celui des hommes. Le taux de chômage des femmes est de 78,1% contre 38,9% chez les hommes. Il est nettement supérieur à celui des hommes».
Par Adrien KANOUTE
 
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