TER A DAKAR : « Pourquoi ce marché est l’un des plus gros scandales depuis 1960 », selon le FPDR

Mercredi 21 Décembre 2016

La Conférence des leaders du Front Patriotique pour la Défense de la République (FPDR) s’est réunie ce lundi 19 décembre en séance hebdomadaire. Entre autres sujets examinés à cette occasion, le FPDR a analysé la visite d’Etat qu’effectue le Président Macky Sall en ce moment en France. Il a décidé, à la suite des échanges, de rendre publique la déclaration suivante :
 
Les choses sont maintenant claires. La visite d’Etat de Macky SALL en France s'explique par la commande des TER (Train Express Régional) à la France. En venant à Reischshoffen pour visiter l’usine de fabrication de trains, le Président Macky Sall a rendu public ce qui se susurrait dans les chancelleries et dans les chaumières. Le ballet des autorités françaises à Dakar dont le Premier Ministre de France en personne au cours des derniers mois, l’avait préfiguré et sans doute préparé. La visite officielle de notre Président s'avère ainsi, hélas, de fait, une convocation pour la validation définitive du contrat de construction de chemins de fer et d’achat de TER. Cet événement est, de bout en bout, une stratégie française de sauvetage d'une entreprise française, Alstom, d’une faillite annoncée. Ceci d’autant qu’un tel projet n’est inscrit nulle part dans le portefeuille de projets soumis à l’Assemblée nationale ;
 
Le ballet des autorités françaises à Dakar
Tout le monde comprend dès lors pourquoi notre Président a été reçu à l’aéroport par la Ministre du travail de France puisqu’il s’agit bien de sauvetage d’une entreprise et de ses emplois.
 
La commande des TER consacre assurément la « part de la France » dans les gros marchés de l’aéroport et des autoroutes, qui lui ont échappé sous Wade.
 
Ce contrat est une des décisions les plus graves prises par le régime de Macky SALL depuis son installation en 2012. Nous savons tous qu’une des raisons pour lesquelles la France a travaillé pour la chute du Président Wade a été l’entêtement de celui-ci à assurer l’indépendance politique et économique de notre pays, en signant notamment des accords de partenariat importants avec des prestataires autres que des entreprises publiques françaises, notamment avec la Chine, l’Inde, les pays Arabes, les autres pays européens, les USA etc., en se basant exclusivement sur l’intérêt du Sénégal.
 
Ce n’est pas pour rien que Macky SALL a consacré sa première visite officielle à la France de Sarkozy - entre les deux tours de la présidentielle française en 2012 - et signé à cette occasion des accords remettant notre pays  sous tutelle militaire française, accords qui, jusque là, n'ont pas été soumis à l’Assemblée Nationale du Sénégal.
 
Le contrat avec Alsthom devait être élargi à la « zone africaine sous influence française », et était prévu pour participer à la campagne et à la réélection de François Hollande. Le PDG d'Alsthom a dit espérer que ce train bi-mode soit porteur en terme de contrats, "à la fois en Afrique du Nord, mais aussi en Afrique sub-saharienne" et a annoncé victorieusement : "La charge du site de Reichshoffen grâce à cette commande, grâce aux commandes en cours (...) grâce aux commandes qui ont été annoncés sur l'équilibre du territoire, a maintenant une visibilité correcte pour les prochaines années". Tout est dit.
 
Silence de la France sur les « modifications » dans les marchés publics
Ce marché est un des plus gros scandales depuis l’indépendance du Sénégal en 1960 à plus d’un titre :
1) La signature des contrats de ce type constitue une des raisons pour lesquelles la France, souvent si bavarde au Sénégal au temps de Wade,  n’a pipé mot sur les modifications catastrophiques de notre code des marchés. Seule la Banque Mondiale avait exprimé son inquiétude en 2014 et s’est vite tue par la suite. En effet, l’article 81 du code des marchés permet systématiquement, à travers des offres dites « spontanées » mais en réalité suscitées et préfabriquées, de signer des marchés gré à gré au-delà de 50 milliards Cfa. Cela a tué toutes les procédures saines de concurrence et mis fin à la transparence dans les marchés publics. Certains de ceux qu'on appelle les PTF (partenaires techniques et financiers) utilisent ce procédé ignoble pour se goinfrer et s’octroyer tous les marchés juteux qu’ils veulent s'adjuger et aux conditions qu’ils veulent. Et avec cela, les dirigeants du pays osent encore parler de « gestion transparente et vertueuse » !
 
Alstom, des soupçons de corruption
 
2) En analysant les coûts avancés pour le moment (Eiffage a annoncé un contrat de plus de 373 millions d'euros soit près de 250 milliards F CFA pour les travaux de la voie ferrée, et la partie Alsthom avoisinerait les 220 millions d'euros soit près de 150 milliards), les experts parlent d’une surévaluation sans précédent des coûts au kilomètre. Ça sent la corruption à mille lieues d’autant plus que l’entreprise sélectionnée est marquée au fer dans ce domaine. On rappelle à toutes fins utiles que :
- Alstom est soupçonné d'avoir versé 5 milliards CFA de pot de vin à Slim Chiboub, gendre de l'ancien dictateur de Tunisie, Ben Ali.

- En 2002, les filiales Alsthom Hydro et Alsthom Network (Suisse) ont également été condamnées à verser plus de 5 milliards CFA de compensation et ont été interdites d'appel d'offre par la Banque mondiale, pour avoir versé des pots-de-vin afin d'obtenir un marché en Zambie.

3) Le projet des TER n’est envisagé ni dans le cadre des dépenses sectorielles à moyen terme (Cdstm) ni dans le programme triennal des investissements publics (Ptip). Ce n’est donc pas un projet du Sénégal mais un projet de la France réalisé au Sénégal, pour sauver une de ses industries phares. La Banque Mondiale avait raison d’avertir qu’avec le code des marchés de Macky SALL, il y avait un «risque d’encourager des urgences non justifiées».
 
D’autres urgences ferroviaires
Au total, un tel projet n’est ni prioritaire, ni  urgent. D’ailleurs, il concurrence l’autoroute à péage et remet en cause sa rentabilité économique.

Le chemin de fer, qui constitue un instrument fondamental de développement économique et social est plus que nécessaire au Sénégal mais pas dans les conditions du TER. Réhabiliter Dakar-Bamako avec écartement standard, réhabiliter Dakar–St-Louis, réhabiliter Louga-Linguère, Diourbel-Touba et Guinguinéo-Kaolack sans oublier la dorsale Tamba-Ziguinchor, etc., c’est cela une politique véritablement orientée vers la résolution des problèmes de développement du pays.

Le FPDR appelle les Sénégalais à se ceindre les reins pour aller s’inscrire massivement sur les listes électorales et se préparer à renvoyer la majorité de Macky Sall à l’Assemblée nationale pour frayer la voie d’une véritable politique de souveraineté, de dignité, d’indépendance qui serve les intérêts du pays.
 
Dakar le 21 décembre 2016, La Conférence des leaders
NB : Les intertitres sont d’Impact.sn
 
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