Le prononcé du verdict de la Cour de répression de l’enrichissement illicite contre Karim Wade et ses complices, ce lundi 23 mars 2015, a été accueilli par une immense clameur de désolation dans la salle 4 du Palais de justice Lat Dior de Dakar. Celle des partisans de l’ancien ministre d’Etat, finalement condamné à six ans de prison ferme, une amende de 138,293 milliards de francs Cfa, la confiscation de tous ses biens identifiés par l’enquête, mais gardant ses droits civils et politiques.
A dire vrai, cette sentence n’a surpris personne en dehors de ceux qui avaient la naïveté de croire que la machine judiciaire, sur ce dossier de la traque dite des biens mal acquis, avait les moyens de « négocier » quelque arrangement spécifique au statut du fils de l’ancien président de la république. Patatras ! Quoique modérée, la main des juges du tribunal de la Crei n’a pas tremblé, même si le président Henri Grégoire Diop a paru s’essouffler au terme de deux heures de lecture d’une sentence historique.
En soi, nous ne nous réjouissons pas de la condamnation de monsieur Karim Wade à six années de prison. Simplement, nous avons le devoir de saluer la détermination politique du pouvoir sénégalais à aller, pour une fois, au bout d’une logique saine et salutaire : la protection des ressources de la collectivité nationale contre les criminels économiques et financiers de passage dans les hautes (ou basses) sphères de l’Etat.
Karim Meïssa Wade, ancien tout-puissant ministre d’Etat aux responsabilités stratosphériques, paie aujourd’hui les pots cassés d’une ascension irréfléchie, brutale, sans commune mesure avec le vécu réel qui était le sien au moment de l’accession de son père à la magistrature suprême. Plastronnant sous une littérature directement extraite d’un conte de faits pour enfants, l’ex-ministre d’Etat s’est vu trop beau trop tôt, trop fort trop vite, ignorant volontairement ou naïvement les ingrédients de base constitutifs de la carapace d’un vrai homme d’Etat.
Sans base ni éducation politique, dépourvu de charisme, sans relais structuré dans le Sénégal des profondeurs, il avait fait le choix de vivre sur l’énorme capital politique et humain de son père, Abdoulaye Wade. Or ce dernier, faut-il le rappeler, s’est assujetti à endurer vingt six ans de carrière dans l’opposition avant de toucher le Graal de son engagement et de ses sacrifices. Le fils, lui, se forgeant des ambitions phénoménales avec la complicité irresponsable des ascendants, s’est laissé embarquer dans ces réseaux inextricables d’intérêts et de magouilles que seule l’immersion dans le pouvoir permet.
Novice dans la manipulation du principe de puissance, imprudent face aux conséquences imprédictibles permises par la volonté démocratique des peuples, Karim Wade s’est aveuglé avec l’aide des siens, intransigeant contre ceux qu’il considérait à tort ou à raison comme des ennemis bruts de son ascension, n’écoutant que ceux qui lui contaient sornettes pour tirer profits et avantages de son propre éclosion, autour d’une tasse de thé ou de café, quelque part entre Dubaï et Monaco, mais aussi dans Dakar intra muros.
Victime, Karim Wade l’a aussi été de ses avocats et conseils. La plupart de ceux-ci, donc pas tous, sont reconnus comme des professionnels aguerris des prétoires. Des hommes d’expérience aux capacités tactiques qui peuvent être utiles à leurs clients. Mais ne se sont-ils pas trompés de procès au bout du compte ? Le caractère exceptionnel de la Crei, ses procédures aux antipodes des juridictions classiques, sa résurgence en ces temps de la maturité des peuples et des exigences morales liées au principe de la reddition des comptes, ne suffisaient-ils pas à leur imposer une démarche plus efficace pour sauver leur client ? Comment expliquer que des manquements inhérents à ce type de procès aient pu servir de motif pour déserter ainsi le prétoire ?
On peut respecter leur stratégie, cela n’empêche pas d’avancer le propos qui fâche : ils ont opté pour la facilité, plaidant plus dans les médias que devant le tribunal, arc-boutés à des principes universels de droit qui ne font pas tout le droit, finissant par boycotter un procès que la lourdeur des charges contre Karim Wade rendait ingagnable à leurs yeux, oubliant même que, « en matière pénale, la preuve est libre », ainsi que leur rappelait un de leurs confrères.
Le principal concerné n’a pas été exemplaire non plus ! Emmuré dans le silence face aux accusations précises et accablantes de ses contradicteurs, Karim Wade ne s’est pas révélé courageux, en droite ligne d’ailleurs de l’ascension couvée dont il a bénéficié durant sa (brève) carrière politique. Son mutisme, il le voulait sélectif : en extase quand il fallait parler du fameux compte de Singapour et des bijoux de sa défunte femme, deux dossiers sur lesquels il savait qu’il aurait gain de cause ; aphone lorsqu’il était question de AHS, ABS, Blackpearl Finance, etc.
Mais le nœud gordien de notre salut à tous réside dans l’émancipation du pouvoir judiciaire, garant de nos libertés, arbitre de nos turpitudes. Car, si nous laissons les politiciens de ce pays conduire seuls nos destinées selon leurs agendas, des centaines d’énoncés de verdict comme celui de ce 23 mars 2015 nous sont d’ores et déjà promis. Encore que, dans l’attente, il y en a qui méritent le sort de Karim Wade.
A dire vrai, cette sentence n’a surpris personne en dehors de ceux qui avaient la naïveté de croire que la machine judiciaire, sur ce dossier de la traque dite des biens mal acquis, avait les moyens de « négocier » quelque arrangement spécifique au statut du fils de l’ancien président de la république. Patatras ! Quoique modérée, la main des juges du tribunal de la Crei n’a pas tremblé, même si le président Henri Grégoire Diop a paru s’essouffler au terme de deux heures de lecture d’une sentence historique.
En soi, nous ne nous réjouissons pas de la condamnation de monsieur Karim Wade à six années de prison. Simplement, nous avons le devoir de saluer la détermination politique du pouvoir sénégalais à aller, pour une fois, au bout d’une logique saine et salutaire : la protection des ressources de la collectivité nationale contre les criminels économiques et financiers de passage dans les hautes (ou basses) sphères de l’Etat.
Karim Meïssa Wade, ancien tout-puissant ministre d’Etat aux responsabilités stratosphériques, paie aujourd’hui les pots cassés d’une ascension irréfléchie, brutale, sans commune mesure avec le vécu réel qui était le sien au moment de l’accession de son père à la magistrature suprême. Plastronnant sous une littérature directement extraite d’un conte de faits pour enfants, l’ex-ministre d’Etat s’est vu trop beau trop tôt, trop fort trop vite, ignorant volontairement ou naïvement les ingrédients de base constitutifs de la carapace d’un vrai homme d’Etat.
Sans base ni éducation politique, dépourvu de charisme, sans relais structuré dans le Sénégal des profondeurs, il avait fait le choix de vivre sur l’énorme capital politique et humain de son père, Abdoulaye Wade. Or ce dernier, faut-il le rappeler, s’est assujetti à endurer vingt six ans de carrière dans l’opposition avant de toucher le Graal de son engagement et de ses sacrifices. Le fils, lui, se forgeant des ambitions phénoménales avec la complicité irresponsable des ascendants, s’est laissé embarquer dans ces réseaux inextricables d’intérêts et de magouilles que seule l’immersion dans le pouvoir permet.
Novice dans la manipulation du principe de puissance, imprudent face aux conséquences imprédictibles permises par la volonté démocratique des peuples, Karim Wade s’est aveuglé avec l’aide des siens, intransigeant contre ceux qu’il considérait à tort ou à raison comme des ennemis bruts de son ascension, n’écoutant que ceux qui lui contaient sornettes pour tirer profits et avantages de son propre éclosion, autour d’une tasse de thé ou de café, quelque part entre Dubaï et Monaco, mais aussi dans Dakar intra muros.
L’échec d’une défense
Wade Jr. n’a pas été seulement victime de faux-amis qui, incapables d’assumer par eux-mêmes leurs propres ambitions, avaient fini de dissoudre leur destin politique dans le sien. Il l’a été également d’un père devenu dieu de ses obligés mais qui avait envisagé que seule une double succession monarchique dans « son » parti et dans un Etat capturé depuis 2000 était en mesure de lui assurer la postérité qu’il revendiquait à la hauteur de son égo. De fait, il ferma peut-être les yeux – s’il était au courant – sur tous les stratagèmes que son fils développait à partir de ses positions de pouvoir au sommet de l’Etat. Abdoulaye Wade était-il informé des pratiques peu orthodoxes auxquelles se livrait Karim Wade et que l’énoncé du verdict de la Crei a mises en lumière ce 23 mars ? Victime, Karim Wade l’a aussi été de ses avocats et conseils. La plupart de ceux-ci, donc pas tous, sont reconnus comme des professionnels aguerris des prétoires. Des hommes d’expérience aux capacités tactiques qui peuvent être utiles à leurs clients. Mais ne se sont-ils pas trompés de procès au bout du compte ? Le caractère exceptionnel de la Crei, ses procédures aux antipodes des juridictions classiques, sa résurgence en ces temps de la maturité des peuples et des exigences morales liées au principe de la reddition des comptes, ne suffisaient-ils pas à leur imposer une démarche plus efficace pour sauver leur client ? Comment expliquer que des manquements inhérents à ce type de procès aient pu servir de motif pour déserter ainsi le prétoire ?
On peut respecter leur stratégie, cela n’empêche pas d’avancer le propos qui fâche : ils ont opté pour la facilité, plaidant plus dans les médias que devant le tribunal, arc-boutés à des principes universels de droit qui ne font pas tout le droit, finissant par boycotter un procès que la lourdeur des charges contre Karim Wade rendait ingagnable à leurs yeux, oubliant même que, « en matière pénale, la preuve est libre », ainsi que leur rappelait un de leurs confrères.
Le principal concerné n’a pas été exemplaire non plus ! Emmuré dans le silence face aux accusations précises et accablantes de ses contradicteurs, Karim Wade ne s’est pas révélé courageux, en droite ligne d’ailleurs de l’ascension couvée dont il a bénéficié durant sa (brève) carrière politique. Son mutisme, il le voulait sélectif : en extase quand il fallait parler du fameux compte de Singapour et des bijoux de sa défunte femme, deux dossiers sur lesquels il savait qu’il aurait gain de cause ; aphone lorsqu’il était question de AHS, ABS, Blackpearl Finance, etc.
Et maintenant ?
Dans notre entendement, si ce procès historique ne devait pas être l’amorce d’une transformation radicale des modes de gouvernance en vigueur dans notre pays depuis cinquante cinq ans, il n’aura servi à strictement rien, sauf à donner bonne conscience à des politiciens professionnels. C’est le moment pour les politiques au pouvoir de confirmer leur détermination à promouvoir un Sénégal en lutte perpétuelle contre la corruption. Les Sénégalais les ont à l’œil, patients. Mais le nœud gordien de notre salut à tous réside dans l’émancipation du pouvoir judiciaire, garant de nos libertés, arbitre de nos turpitudes. Car, si nous laissons les politiciens de ce pays conduire seuls nos destinées selon leurs agendas, des centaines d’énoncés de verdict comme celui de ce 23 mars 2015 nous sont d’ores et déjà promis. Encore que, dans l’attente, il y en a qui méritent le sort de Karim Wade.