Le président désigné de Taïwan Lai Ching-te a remercié lundi les États-Unis pour leur soutien lors d’une rencontre avec une délégation américaine, Pékin réagissant immédiatement pour s’opposer à tout échange officiel entre Taipei et Washington.
« Je suis reconnaissant envers les États-Unis pour leur soutien fort à la démocratie taïwanaise, qui témoigne du partenariat étroit et solide entre Taïwan et les États-Unis », a déclaré Lai Ching-te, deux jours après son élection, « même si la Chine continue de harceler Taïwan par des activités militaires ou autres ».
En réaction, Pékin s’est dit « fermement opposé » à tout contact officiel entre Taïwan et les États-Unis, assurant aussi « rejet(er) toute interférence des États-Unis dans les affaires de Taïwan, de quelque manière que ce soit et sous quelque prétexte que ce soit ».
Sous intense pression de la Chine, qui considère Taïwan comme l’une de ses provinces, l’île a par ailleurs perdu un de ses rares alliés diplomatiques avec l’annonce par Nauru, un micro-État du Pacifique, de la rupture des liens avec Taipei.
Taïwan n’est désormais plus reconnu officiellement que par 12 pays dans le monde.
Dénonçant une « attaque-surprise », Taipei a accusé Pékin d’avoir versé des « aides économiques » à Nauru pour l’influencer et de vouloir ainsi « asphyxier Taïwan » sur la scène internationale.
« Alors que le monde entier félicite Taïwan pour la réussite des élections, Pékin a lancé une répression diplomatique, qui constitue une riposte aux valeurs démocratiques et un défi flagrant à la stabilité de l’ordre international », a déclaré Olivia Lin, porte-parole de la présidence.
À Taipei, le drapeau de Nauru a été enlevé à l’extérieur de l’ambassade dès la mi-journée, quand l’annonce a été rendue officielle. Peu après, Pékin a dit « saluer » la décision de Nauru.
« Félicitations »
Un peu plus tôt, la délégation américaine présentée comme informelle avait rencontré la présidente sortante Tsai Ing-wen, issue comme Lai Ching-te du Parti démocrate progressiste (DPP), qui a salué une « visite très significative ».
Composée de l’ancien conseiller à la Sécurité nationale Stephen Hadley, de l’ex-secrétaire d’État adjoint James Steinberg et de la présidente de l’Institut américain à Taïwan Laura Rosenberger, la commission doit quitter Taïwan mardi.
« Nous sommes ici pour vous adresser, ainsi qu’au peuple taïwanais, nos félicitations pour les élections présidentielle et législatives », a déclaré Stephen Hadley, saluant la démocratie taïwanaise comme « un exemple pour le monde entier ».
En 2016, Washington avait déjà envoyé une délégation informelle à Taïwan après un scrutin présidentiel.
Cette visite survient à l’issue d’une campagne électorale marquée par les pressions croissantes, diplomatiques comme militaires, de la Chine, qui considère Taïwan comme l’une de ses provinces, à réunifier par la force si nécessaire.
Lai Ching-te, vice-président sortant, considère que l’île est indépendante de facto et a promis de la protéger des « menaces et intimidations » de Pékin.
Le statut de Taïwan est sans doute le sujet le plus explosif dans les relations entre la Chine et les États-Unis.
Si Washington reconnaît Pékin au détriment de Taipei depuis 1979, le Congrès américain impose parallèlement de fournir des armes à Taïwan, dans le but affiché de dissuader la Chine de toute volonté expansionniste.
Durant la campagne, la Chine avait exhorté Washington à « ne pas se mêler » de l’élection présidentielle à Taïwan.
« Impasse »
La Chine a martelé dès samedi soir que l’issue de ce scrutin ne changeait rien à « l’inévitable tendance vers la réunification de la Chine ».
Lai Ching-te, 64 ans, prendra ses fonctions le 20 mai, aux côtés de sa vice-présidente, Hsiao Bi-khim, ancienne représentante de Taipei à Washington.
Celui qui, par le passé, s’était défini comme « un artisan pragmatique de l’indépendance de Taïwan », a depuis adouci son discours : désormais, à l’instar de Tsai Ing-wen, il adopte une position plus nuancée, affirmant qu’un processus d’indépendance n’est pas nécessaire, car l’île a, selon lui, de facto ce statut.
Promettant d’être « du côté de la démocratie », le président désigné prévoit aussi de « poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine », le premier partenaire commercial de Taïwan, territoire de 23 millions d’habitants situé à 180 kilomètres des côtes chinoises et considéré par la Chine comme l’une de ses provinces.
Un conflit dans le détroit les séparant serait désastreux pour l’économie mondiale : plus de 50 % des conteneurs transportés dans le monde y transitent et l’île produit 70 % des semi-conducteurs de la planète. [AFP]