Tchad: jour d’élection, zéro suspense

Dimanche 11 Avril 2021

Le président Idriss Déby Itno, candidat sortant ultra-favori pour un 6e mandat
Le maréchal-président Idriss Déby Itno, au pouvoir sans partage depuis 30 ans au Tchad, brigue dimanche un 6e mandat face à six candidats sans envergure.
 
Les électeurs votent dimanche pour la présidentielle au Tchad où le maréchal-président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, brigue un 6e mandat qu’il est assuré de remporter face à six candidats sans envergure, après avoir écarté, parfois violemment, les rares ténors d’une opposition divisée qui pouvaient lui faire un peu d’ombre.
 
Le chef de l’Etat, âgé de 68 ans, a voté dans la matinée, aux côtés de son épouse Hinda, omniprésente durant la campagne. «J’appelle tous les Tchadiennes et Tchadiens où qu’ils se trouvent à venir voter massivement pour exercer leur devoir et le droit de choisir le candidat qu’ils pensent être le meilleur pour eux», a déclaré M.Déby, devant une nuée de journalistes, de militaires et de policiers en armes. «Un boycott? A vous de dire s’il y a boycott mais tout se passe dans la sérénité, la sécurité, dans un pays en paix et stable», a-t-il poursuivi.
 
Dans la capitale, les urnes et isoloirs arrivent progressivement, et de nombreux bureaux visités par l’AFP n’ont pas ouvert à l’horaire prévu. «Je vote pour le Maréchal car grâce à lui, je suis libre de me promener où je veux», déclare Bernadette, une jeune commerçante.
L’enjeu de la participation
 
Le véritable enjeu de ce scrutin reste la participation. Quelque 7,3 millions d’électeurs, sur une population de 15 millions d’habitants, sont appelés aux urnes. L’opposition la plus critique au président Déby a appelé au boycott du scrutin. A N’Djamena, les rues étaient quasi vides à l’ouverture du scrutin, avec un important déploiement de policiers et de militaires quadrillant la ville.
 
Le maréchal Déby a fait campagne sur la «paix et la sécurité» dont il dit être l’artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée: le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan, la Centrafrique entre autres, est un contributeur de poids au combat contre les jihadistes au Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu’au Mali et parfois au Nigeria. La majorité des habitants semblent cependant se désintéresser d’un scrutin «joué d’avance» et tentent péniblement de joindre les deux bouts, entre deux coupures d’eau et d’électricité, parfois plusieurs jours d’affilée.
 
Le Tchad est classé au 187e rang sur 189 au classement selon l’Indice de Développement Humain (IDH) du programme de l’ONU pour le développement (Pnud) en 2020. En 2018, 42% de la population vivait sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
 
Depuis plusieurs mois, le régime interdit systématiquement les «marches pacifiques pour l’alternance» que tentent d’organiser les partis d’opposition les plus virulents. Et la redoutable police anti-émeute disperse manu militari chaque début de rassemblement, lesquels n’attirent pas plus que quelques dizaines de téméraires. Human Rights Watch a qualifié jeudi de «répression implacable» cet usage de la force.
 
Bérets rouges et policiers
 
Les policiers anti-émeute ont patrouillé samedi dans N’Djamena dans des pick-ups, blindés légers et camions massifs surmontés de canons à eau. Des soldats d’élite aux bérets rouges de la Garde républicaine, la redoutable garde prétorienne du régime, sont positionnés massivement aux endroits les plus sensibles. Des policiers et militaires sont stationnés près des sièges des partis appelant au boycott du scrutin. Les résultats provisoires sont prévus le 25 avril, et les résultats définitifs le 15 mai.
 
Il y a deux mois encore, 15 partis d’opposition regroupés dans une Alliance victoire propulsaient un «candidat unique» face à M. Déby, qui a volé en éclats. La Cour suprême a invalidé les candidatures de sept des 16 prétendants. Puis trois candidats, dont le rival «historique» Saleh Kebzabo, se sont retirés pour protester contre les violences et ont appelé au boycott du scrutin, mais la Cour a maintenu leurs noms sur les bulletins de vote qui affichent donc 10 candidats.
 
Six seulement défieront le président: Félix Nialbé Romadoumngar, Albert Pahimi Padacké, Théophile Yombombe Madjitoloum, Baltazar Aladoum Djarma, Brice Mbaïmon Guedmbaye et, première femme candidate de l’histoire du Tchad, Lydie Beassemda. «Qui les empêche de se présenter? Personne», rétorque Jean-Bernard Padaré, porte-parole du puissant Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de M. Déby, fustigeant ceux qui se sont retirés, comme M. Kebzabo.
 
«La seule chose qui compte aux yeux de Déby, c’est de l’emporter dès le premier tour avec une participation importante, pour qu’on ne lui objecte pas qu’il a été mal élu», résume un diplomate sous couvert d’anonymat. (AFP)
 
 
 
 
 
 
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