Tigré: crise humanitaire «aggravée» et pas de retrait érythréen

Jeudi 15 Avril 2021

L’ONU s’alarme de la situation au Tigré, région d’Éthiopie où les forces militaires érythréennes accusées d’exactions ne semblent pas s’être retirées.
 
«La crise humanitaire s’est aggravée» dans la région du Tigré en Éthiopie avec des premiers cas de personnes mourant de faim, a affirmé jeudi au Conseil de sécurité de l’ONU le secrétaire général adjoint de l’Organisation pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock.
 
Sur le terrain, «aucune preuve» n’est venue confirmer un retrait de la région des forces militaires érythréennes, accusées d’exactions, comme l’avait annoncé fin mars le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, a-t-il ajouté lors d’une session à huis clos du Conseil de sécurité, selon son discours obtenu par l’AFP.
 
Cette réunion, la première depuis plus d’un mois, avait été demandée par les États-Unis. «Malheureusement, je dois dire que ni l’ONU ni aucune des agences humanitaires avec lesquelles nous travaillons n’ont vu la preuve du retrait de l’Érythrée», a-t-il précisé.
 
Washington donne de la voix
 
Dans un communiqué après la réunion, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a affirmé que «le gouvernement érythréen devait retirer ses forces d’Éthiopie immédiatement». «Nous sommes horrifiés par les informations faisant état de viols et d’autres violences sexuelles d’une cruauté indescriptible qui continuent de faire surface», a-t-elle ajouté, en réclamant aussi le départ du Tigré des forces régionales Amhara, accusées également d’exactions.
 
«Le conflit n’est pas terminé et les choses ne s’améliorent pas. Sans un cessez-le-feu, cette crise humanitaire déjà grave ne fera que s’aggraver», a averti Mark Lowcock. «Je réitère à nouveau la nécessité pour les Forces de défense érythréennes de mettre un terme aux atrocités et de se retirer. L’annoncer n’est pas la même chose que le faire», a-t-il insisté.
 
«Nous avons entendu certaines informations faisant état de soldats érythréens portant désormais des uniformes des forces de défense éthiopiennes», a aussi affirmé le responsable de l’ONU. «Et indépendamment de l’uniforme ou de l’insigne, le personnel humanitaire continue de signaler de nouvelles atrocités qui, selon lui, sont commises par les forces de défense érythréennes», a-t-il indiqué. «Mais les Érythréens ne sont pas le seul acteur. Selon certaines informations, des civils auraient été attaqués et chassés de leurs maisons dans l’ouest du Tigré par les milices Amhara, et les autorités de ce groupe ethnique restreignent les accès à ces personnes», a dit le responsable.
 
Viol, arme de guerre
 
Selon lui, la violence sexuelle a aussi redoublé dans la région du Tigré. «La majorité des viols sont commis par des hommes en uniforme. Les cas signalés concernaient les forces de défense nationale éthiopiennes, les forces de défense érythréennes, les forces spéciales d’Amhara et d’autres groupes armés irréguliers ou des milices alignées», a-t-il précisé.
 
«Il ne fait aucun doute que la violence sexuelle est utilisée dans ce conflit comme une arme de guerre, comme un moyen d’humilier, de terroriser et de traumatiser une population entière aujourd’hui et dans sa prochaine génération». «Les combats doivent cesser!», a lancé Mark Lowcock.
 
«Nous devons encore intensifier considérablement l’aide humanitaire aux populations de tout le Tigré. Nous savons déjà qu’au moins 4,5 millions de personnes sur près de six millions au Tigré ont besoin d’une aide humanitaire. Le gouvernement lui-même estime que 91% de la population du Tigré a besoin d’une aide alimentaire d’urgence», a-t-il plaidé.
 
Déplacés
 
Le responsable de l’ONU a indiqué avoir «reçu cette semaine un premier rapport sur quatre personnes déplacées qui meurent de faim». «L’amélioration de l’accès et la réduction des combats et des atrocités se sont souvent révélées temporaires et sporadiques. Il n’y a pas assez d’aide pour atteindre les personnes qui en ont besoin. Alors elles deviennent de plus en plus affamées et malades», a-t-il déploré.
 
«Depuis le début du conflit (en novembre), les civils ont subi des bombardements aveugles de villes, des violences ciblées, des meurtres et exécutions de masse et des violences sexuelles systématiques comme arme de guerre», a souligné le responsable onusien. Selon lui, «le nombre de personnes déplacées augmente» pour avoir atteint fin mars «1,7 million de personnes au Tigré».
 
Début novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait annoncé l’envoi de l’armée fédérale au Tigré pour arrêter et désarmer les dirigeants du TPLF (Front de libération du peuple du Tigré), dont les forces sont accusées par Addis Abeba d’avoir mené des attaques contre des camps militaires des forces fédérales. (AFP)
 
 
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