Pr Ndiaga LOUM, UQOO
1. Comment le juge d’instruction a pu renvoyer en jugement un dossier dans lequel l’accusatrice avoue être l’auteure de propos enregistrés par son « Marabout » dans lesquels elle confesse que son accusation est fallacieuse et procède d’un complot au terme duquel elle devait recevoir une récompense promise par un homme politique identifié au sein du pouvoir?
2. Comment le juge d’instruction ayant constaté l’absence de crédibilité de l’accusatrice qui tantôt dit « je m’amusais », en racontant avoir « couché » (disons-le crument mais directement et durement) avec une liste 16 personnalités publiques, ose considérer comme sérieuse l’accusation de viol portée contre le principal leader de l’opposition?
3. Pourquoi se prêter au rôle de « l’idiot de service » : qui écoute avec attention une « actrice » et lui dit : « si tu dis la vérité je te crois, si tu dis un mensonge aussi, je te crois », alors libre à toi de me dire que tu es enceinte et de revenir 2 ans après me dire, c’était un « artifice »?
4. Comment croire d’un côté que l’accusatrice « s’amuse » en racontant des bobards sur les uns et d’un autre côté considérer qu’elle dit la vérité à propos d’un autre?
5. Pourquoi cet entêtement à vouloir faire croire aux spectateurs les plus naïfs des « scénario-fictions » qu’un homme politique, opposant farouche au régime, est capable de violer 5 fois, à des jours différents, une jeune fille innocente, doublement fragilisée parce que manipulable et déjà « maltraitée » par les aléas d’une vie sociale malchanceuse, et tout cela, à la demande de la victime auto-désignée?
6. Pourquoi courir le risque d’un chaos politique (avec son lot de dégâts) qui ne vous épargnera pas, ni vous les exécutants judiciaires, ni vos chefs politiques, juste parce qu’obnubilés par le désir de vengeance à l’endroit d’un adversaire que vous imaginez incapable de pardonner demain vos travers en matière de gouvernance?
La démocratie sénégalaise vit peut-être ses dernières heures. Le moment est grave. Mais au-delà des autorités politiques qui instrumentalisent allègrement l’institution judiciaire, commanditaires de cette sentence dont l’objectif est d’éliminer (le mot n’est pas fort tant tout cela exhale les odeurs nauséabondes de la haine) un adversaire, il faut avoir l’honnêteté de désigner ici les principaux responsables :
** un président de la république infatué de sa toute-puissance, méprisant et condescendant, gérant ce pays comme une succession monarchique, imbu de sa personne sans doute grisée par une légende griotte insincère qui lui a inventé une lignée biologique guerrière, et qui ne supporte pas d’avoir un opposant à sa hauteur, mais surtout animé par un désir de revanche pour effacer un supposé affront subi un certain mois de mars 2021;
** un juge d’instruction qui assume avec tant de légèreté la décision de renvoyer en jugement ce dossier manifestement vide au point que son collègue « désigné » pour juger daigne emprunter la voie d’un délit sorti de nulle part dans le code pénal (corruption de la jeunesse applicable que dans les cas de proxénétisme) pour justifier une condamnation visant en effet une invalidation de candidature, passant ainsi du crime au délit (sans farce!) ;
** les 3 derniers procureurs qui se sont succédé dans ce dossier, pressés de livrer la commande politique pour envoyer à la guillotine un opposant gênant et populaire auprès de la frange majoritaire (la jeunesse), et dont l’un a falsifié le dossier d’enquête préliminaire de la gendarmerie pour y inclure des éléments à charge et a contrario, en extraire d’autres à décharge.
Finalement, ceux qui disent que le problème de la justice sénégalaise tourne autour de 5 personnes « instrumentalisées » par le régime en place, n’ont pas tort.
Tout ça pour ça!
Ndiaga Loum, professeur titulaire, UQO