UMS : poursuivre le chantier du Juge TELIKO pour réhabiliter la Justice sénégalaise (Seybani Sougou)

Vendredi 13 Aout 2021

« Le Juge a un devoir d’ingratitude » (Robert BADINTER)
 
Lorsque le Juge TELIKO a été élu Président de l’Union des magistrats sénégalais en 2017, la justice sénégalaise était malmenée, critiquée, vilipendée, décrédibilisée, et totalement vouée aux gémonies. Durant les 4 années de son mandat (de 2017 à 2021), le Juge TELIKO s’est constamment évertué à exercer dignement sa mission, à défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels des magistrats, et à agir conformément à l’article 4 des statuts de l’UMS dont « l’objet est de défendre et d’illustrer l’indépendance de la Magistrature telle qu’elle a été proclamée par la Constitution sénégalaise ».
 
Tout au long de son mandat, le Juge Souleymane TELIKO a été la cible d’attaques malveillantes, et de manœuvres de déstabilisation d’une extrême violence, émanant directement du pouvoir exécutif (Ministre de la Justice, Malik Sall) et d’individus peu scrupuleux agissant par procuration. Il a également eu à faire face à la trahison de certains de ses pairs, membres du Conseil de discipline qui ont sacrifié un des leurs pour privilégier leur carrière, au prix du déshonneur.
 
En dépit d’un environnement toxique, malsain et de conditions extrêmement défavorables qui en auraient dissuadé plus d’un, le Juge Souleymane TELIKO a parfaitement tenu la barque, affiché fermement ses convictions, fait preuve de droiture, d’exemplarité, de solidité et formulé des propositions audacieuses pour préserver les magistrats des pressions de l’exécutif et garantir l’indépendance de la justice sénégalaise. Une démarche noble mais empreinte de risques, face à un régime déviant, liberticide dont le sombre dessein est d’assujettir les magistrats sénégalais.
 
Si le Juge TELIKO a incontestablement contribué à améliorer l’image de la justice auprès du public, son chantier est inachevé et il reste encore beaucoup à faire pour enrayer la défiance des Sénégalais envers leur justice. Le successeur de TELIKO a une mission titanesque, car comme le disait remarquablement Robert Badinter, « le juge a un devoir d’ingratitude ». La vocation du juge n’est pas de plaire ou de déplaire au pouvoir exécutif : il doit appliquer la loi, avec une main ferme, sans trembler. Les juges qui rendent la justice au nom du peuple sénégalais doivent avoir une compétence irréprochable, une impartialité, une éthique et une déontologie sans faille.
 
Au Sénégal, de hauts magistrats sont totalement soumis au pouvoir exécutif, violant éhontément leur serment, s’affranchissent de la loi, et rendent des décisions arbitraires dépourvues de base légale, en violation totale des textes, des normes et des dispositions de la Constitution. Le Conseil Constitutionnel, la plus haute instance judiciaire du pays, (devenu une instance de non droit et de validation des forfaitures de l’exécutif) est touché de plein fouet par le discrédit général qui entache l’institution judiciaire dans sa globalité. Plus grave, des magistrats sont affectés arbitrairement, en dépit du principe sacro-saint de l'inamovibilité du juge. L’exemple du Juge Ngor Diop est édifiant ; lui qui a été affecté illégalement Conseiller à la Cour d’appel de Thiès pour avoir appliqué la loi en plaçant sous mandat de dépôt un dignitaire religieux poursuivi pour des faits répétés et reconnus de dévastation de récole, menaces et voies de faits.
 
Il urge de restaurer l’Etat de droit au Sénégal. L’UMS doit être une force de propositions et exiger sans tarder des réformes inédites pour redorer le blason de la justice sénégalaise dont la crédibilité est gravement atteinte sur la scène régionale et internationale. Le nouveau Président de l’UMS doit faire preuve de conviction pour poursuivre et amplifier le chantier engagé par leJuge TELIKO : il en va de l’honneur de la justice sénégalaise et de la crédibilité de l’Union des magistrats sénégalais. Mission accomplie pour TELIKO qui quitte l’UMS la tête haute.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr
 
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