Ukraine : Poutine ordonne de continuer la guerre, conférence sur la reconstruction en Suisse

Lundi 4 Juillet 2022

Vladimir Poutine a ordonné lundi aux forces russes de poursuivre leur offensive dans l'est de l'Ukraine, au lendemain de la prise de Lyssytchansk, au moment où Kiev évaluait à 750 milliards de dollars le coût de la future reconstruction du pays.
 
Cette dernière sera "la tâche commune de tout le monde démocratique", a souligné le président ukrainien Volodymyr Zelensky, s'exprimant à distance à l'ouverture d'une conférence internationale organisée à Lugano, en Suisse, pour préparer l'immense chantier.
 
Son Premier ministre Denys Chmygal, qui, quant à lui, avait pu faire le déplacement, a exposé un plan "d'ores et déjà estimé à 750 milliards de dollars".
 
La conférence, qui doit s'achever mardi, se déroule alors que l'issue de la guerre déclenchée le 24 février par l'invasion russe de l'Ukraine reste incertaine.
 
A Moscou, au cours d'un entretien avec son ministre de la Défense Sergueï Choïgou, le président russe a de son côté donné l'ordre aux troupes russes de "mener à bien leur mission" en application des "plans déjà approuvés".
 
Dimanche soir, l'état-major de l'armée ukrainienne avait annoncé le retrait des unités engagées à Lyssytchansk, le dernier bastion de Kiev dans la région de Lougansk, que Moscou dit désormais contrôler totalement.
 
Pour les forces ukrainiennes, l'urgence est désormais de contenir la progression russe vers l'ouest et deux villes majeures de la région voisine de Donetsk : Sloviansk et Kramatorsk.
 
- "Débordement progressif" -
 
Après la prise de Lyssytchansk, une pièce maîtresse du plan de conquête du Donbass, un bassin industriel en partie contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014, "l'effort principal de l'ennemi [...] vise à un débordement progressif" des militaires ukrainiens sur cet axe, a déclaré lundi l'état-major ukrainien.
 
Selon le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kirilenko, dix personnes, dont deux enfants, ont péri dimanche dans des frappes russes, à Sloviansk et dans ses environs.
La ligne de front se rapprochant de cette cité, les autorités ukrainiennes appellent sa population à la quitter.
 
Les rues de Sloviansk étaient presque désertes lundi matin, selon des journalistes de l'AFP sur place. Sur le marché du centre-ville ravagé par un incendie provoqué par une frappe russe, quelques vendeurs proposaient des produits de première nécessité tandis que d'autres déblayaient des débris calcinés.
 
Des vendeurs et des habitants faisaient part de leur inquiétude pour les jours et semaines à venir, tandis que l'on pouvait entendre les déflagrations dues aux bombardements.
 
"Je crois que ce qui nous attend va être encore pire, j'ai déjà pensé à partir", a dit Andriï Gerassimenko, 38 ans, qui ramasse les débris du marché.
"Rien de bien ne va se passer, le mieux c'est de partir", a renchéri Viktoria Koloty, une femme de 33 ans qui a confié avoir déjà fait partir ses enfants.
 
A Siversk, entre Lyssytchansk et Sloviansk, les militaires ukrainiens semblent vouloir tenir une ligne de défense entre cette ville et Bakhmout, plus au sud. Ses habitants interrogés par l'AFP évoquent des bombardements de plus en plus intenses ces derniers jours.
 
"L'ennemi a intensifié ses bombardements sur nos positions dans la direction de Bakhmout", a confirmé l'état-major de l'armée ukrainienne.
 
L'armée russe a de son côté affirmé avoir détruit "sept postes de commandement" ukrainiens au cours des dernières 24 heures, "dont celui de la 25e brigade aéroportée dans la région de Siversk". Des affirmations impossibles à vérifier de source indépendante.
 
- Milliards de dollars -
 
A Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, dans le nord-est, trois civils sont morts dans des bombardements survenus lundi avant l'aube, selon les autorités locales.
 
A Boutcha, une cité-martyre de la banlieue de Kiev, même si certains se sont remis à planter
des fleurs au pied des immeubles ou à s'affairer dans leur potager, la population n'ose pas encore penser à la reconstruction, quand l'issue de la guerre reste si incertaine. Ici, les stigmates des combats sont encore visibles partout : vitres brisées, impacts de balles, murs éventrés...
 
"On va se coucher sans savoir si on se réveillera demain", soupire Vera Semeniouk, 65 ans. "Tout le monde est revenu, commence à réparer les maisons, beaucoup posent de nouvelles fenêtres. Ce serait terrible si ça recommençait et qu'il fallait à nouveau tout quitter".
 
Dans ce contexte, la conférence de Lugano doit tenter lundi et mardi de dessiner les contours de la future reconstruction de l'Ukraine.
 
La "tâche est vraiment colossale", ne serait-ce que dans les territoires libérés, a reconnu dimanche Volodymyr Zelensky. Les organisateurs de la conférence espéraient sa présence physique mais il a participé, comme il en a désormais l'habitude, par visioconférence à cette réunion rassemblant les responsables des alliés de l'Ukraine, des institutions internationales mais aussi le secteur privé.
 
La conférence avait été planifiée bien avant la guerre et devait initialement se concentrer sur les réformes en Ukraine et notamment la lutte contre la corruption. 
 
Le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal et le président du Parlement, Rouslan Stefantchouk, sont arrivés à Lugano dès dimanche. Ils ont rencontré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, afin de poser les bases d'un "Plan Marshall" pour l'Ukraine.
 
L'urgence est d'aider la population touchée par la guerre avant, dans un deuxième temps, de financer des milliers de projets de reconstruction et, à long terme, de préparer une Ukraine européenne, verte et numérique, a expliqué M. Chmygal.
 
Robert Mardini, le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge, a jugé sur la chaîne publique de télévision suisse RTS qu'il était vital de donner dès maintenant "une perspective positive" aux Ukrainiens.
 
La Banque européenne d'investissement (BEI) doit proposer la création d'un nouveau fonds pour l'Ukraine, qui pourrait atteindre 100 milliards d'euros, selon des sources informées. Et pour M. Chmygal, les avoir russes gelés dans les pays occidentaux sont à eux seuls évalués à entre 300 et 500 milliards de dollars. (AFP)
 
 
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