Venezuela: Maduro en route vers la réélection malgré une profonde crise

Lundi 21 Mai 2018

Le président vénézuélien Nicolas Maduro se dirigeait dimanche vers une réélection malgré la profonde crise qui secoue ce pays, au terme d'un scrutin à la participation limitée, boycotté par l'opposition et condamné par la communauté internationale.

Plusieurs bureaux de votes à travers le pays demeuraient ouverts dimanche au Venezuela après l'heure officielle de fin du scrutin prévu à 18H00 locales (22H00 GMT), selon les médias d'Etat. Sur les images de la chaîne VTV, on pouvait voir des électeurs qui faisaient la queue dans plusieurs villes. Pour l'heure, la journée s'est déroulée sans incident majeur.
 
 
"Plus il y aura de votes, plus nous serons en paix", avait assuré un peu plus tôt le dirigeant socialiste en appelant son parti à se mobiliser pour "fournir des moyens de transports pour que le peuple aille voter", lors d'un discours télévisé.

Selon des journalistes de l'AFP dans plusieurs villes du pays, l'affluence semblait réduite dans de nombreux bureaux de vote. Seul chiffre officiel communiqué durant la journée par le directeur de campagne du président, Jorge Rodriguez: "plus de 2,5 millions d'électeurs" avaient voté en milieu de matinée sur les 20,5 millions d'inscrits.

Le prochain mandat présidentiel, d'une durée de six ans, doit démarrer en janvier 2019.

Maduro est le grand favori, bien que 75% des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion, lassés par les pénuries de nourriture, de médicaments, d'eau, d’électricité et de transports, pendant que l'insécurité et l'inflation flambent. Le tout avec un salaire minimum mensuel qui permet à peine d'acheter un kilo de lait en poudre. Des centaines de milliers de personnes ont préféré quitter le pays.

Pouvoirs électoral et militaire en main, opposition divisée: la route semble dégagée pour le dirigeant socialiste qui se dit héritier du chavisme, la doctrine politique créée par Hugo Chavez, prédécesseur de Nicolas Maduro de 1999 à 2013.

- "Un désastre" -

Face à Nicolas Maduro, le chaviste dissident Henri Falcon, 56 ans, s'est présenté en quittant la coalition d'opposition (MUD), qui boycotte le scrutin.

"Il n'y a aucun avantage qui tienne quand un peuple est déterminé à changer", a tweeté l'opposant.

M. Falcon et l'autre candidat de l'opposition, le pasteur évangélique Javier Bertucci, 48 ans, se disputent le vote sanction d'une population abattue, renforçant les chances de victoire de Maduro, ancien chauffeur de bus de 55 ans, corpulent et à la moustache noire fournie.

La plupart des instituts de sondages donnent Maduro et Falcon à égalité. Mais une forte abstention devrait être favorable au président sortant, qui peut compter sur un noyau dur chaviste représentant environ un quart de l'électorat.

"Je ne vais pas participer à cette fraude. Ce que nous vivons est un désastre", a témoigné Maria Barrantes, une enseignante à la retraite de 62 ans.

"Mes quatre enfants sont partis pour la Colombie pour pouvoir m'envoyer de l'argent", a témoigné pour sa part Maritza Palencia, 58 ans, qui a dit avoir voté pour le "changement".

L'opposition accuse le chef de l'Etat d'avoir promis des primes au vote aux détenteurs du "carnet de la patrie", carte qui permet de bénéficier des programmes sociaux. Samedi, la présidente du Conseil national électoral (CNE), Tibisay Lucena, a toutefois exclu la possibilité que des électeurs aient pu être achetés.

- Manifestations -

De Bogota à Lima, en passant par Santiago ou Madrid, des centaines de Vénézuéliens à travers le monde ont manifesté pour dénoncer "une fraude".

Outre l'opposition, les Etats-Unis, l'Union européenne et le groupe de Lima, une alliance de 14 pays d'Amérique et des Caraïbes, rejettent ce scrutin.

Tous accusent également Maduro de saper la démocratie. Quatre mois de manifestations quasi quotidiennes de l'opposition qui ont fait 125 morts à la mi-2017, ont été écartés d'un revers de main avec la mise en place d'une assemblée constituante, toute puissante arme politique au service du camp au pouvoir.

"Les élections truquées ne changent rien. Il faut que le peuple vénézuélien gouverne ce pays... une nation qui a tant à offrir au monde", a tweeté le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.

Le pape François a appelé les Vénézuéliens "à la sagesse pour emprunter le chemin de la paix et de l'unité". "Je prie aussi pour les détenus qui sont morts", a-t-il dit.

Touché par l'effondrement des cours du brut depuis 2014, le Venezuela, qui tire 96% de ses revenus du pétrole, souffre d'un manque de devises qui l'a plongé dans une crise aiguë. En cinq ans le PIB a fondu de 45% selon le FMI, qui anticipe une contraction de 15% en 2018 et une inflation de 13.800%.
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