Violences au Kasaï : l'Université de New York appelle Kinshasa à "enquêter" sur l'implication des autorités (rapport)

Mardi 17 Juillet 2018

Lambert Mende, porte-parole du gouvernement de la RDC
Kinshasa - Le gouvernement de Kinshasa a été invité mardi à "enquêter" sur l'implication de certaines autorités congolaises dans le soutien aux milices qui ont ensanglanté la région du Kasaï, dans le centre de la République démocratique du Congo en 2016-2017, selon un rapport.

Le gouvernement congolais est appelé à "enquêter sur l'implication des autorités provinciales et nationales dans le soutien des milices" dans le conflit qui a fait plus de 3.000 morts entre septembre 2016 et juillet 2017 au Kasaï, écrit le Groupe d'étude sur le Congo (GEC) de l'Université de New-York.

Alors que l'insurrection "était extrêmement brutale, la réponse militaire étroite et disproportionnée du gouvernement a aggravé la crise", selon ce rapport intitulé "Mettre le feu à sa propre maison: la crise au Kasaï, la manipulation du pouvoir coutumier et l'instrumentalisation du désordre".

La région du Kasaï a basculé dans la violence en août 2016 après la mort d'un chef traditionnel, Kamuina Nsapu, tué dans un assaut des forces de sécurités congolaises après s'être ouvertement opposé au pouvoir de Kinshasa.

Une lutte localisée pour le pouvoir coutumier s'est rapidement répandue dans quatre provinces, et a fait plus de 3.000 morts - dont deux experts de l'ONU qui enquêtaient sur ces violences -, causé le déplacement de 1,4 million de personnes en l'espace d'une année.

Malgré la complexité de la violence, un thème commun émerge: "la manipulation du conflit par les élites pour se positionner", note le GEC.

L'incertitude générée par la bataille pour la succession du président Joseph Kabila a contribué à cette dynamique, selon le rapport. M. Kabila est arrivé en fin de mandat en décembre 2016 et la présidentielle censée élire son successeur est prévue le 23 décembre 2018.

Selon le GEC, "le conflit au Kasaï a vu de nombreux politiciens - dont Évariste Boshab, Hubert Mbingho, Maker Mwangu et Alex Kande - manoeuvrer pour des positions d'intermédiation entre conflits +locaux+ et pouvoir politique +national+".

M. Boshab était ministre de l'Intérieur lors du déclenchement des violences et M. Kande occupait le poste du gouverneur du Kasaï central d'où est partie l'insurrection.

Ancien ministre de l'Enseignement primaire, M. Mwangu est originaire de la province voisine du Kasaï comme M. Mbingho, actuel vice-gouverneur de cette entité. Les quatre hommes sont membres de la majorité présidentielle.

"Ces luttes intestines au sein de la coalition au pouvoir illustrent les tentatives de Boshab et de Mwangu pour se positionner comme la figure dominante de la province - l'incontournable sur lequel Kabila, ou tout successeur potentiel, peut compter pour y maintenir son contrôle".

"Je suis étonné qu'ils ignorent que c'est à la justice et non au gouvernement qu'il revient de poursuivre les infractions. A moins qu'il y ait eu une reforme accordant au gouvernement des compétences judiciaires", a ironisé le porte-parole du gouvernement Lambert Mende (photo).

Bien que le conflit dans le Kasaï ait diminué, les niveaux de souffrance restent extrêmement élevés et le potentiel pour de nouvelles violences subsiste.

"Trois personnes accusées de délation avec l'armée ont été tuées dimanche par des présumés miliciens Kamuina Nsapu" à Tshinsuyi (Kasaï central), a déclaré mardi un représentant de la société civile locale.

"Plusieurs villages de mon secteur sont vidés de leurs habitants car ils ont été récemment incendiés par les miliciens", a déclaré Kapinga Kamba, chef de Dibatayi.
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