Visites en Afrique de l'Ouest : la diplomatie des tâches partagées entre Diomaye et Sonko

Mardi 7 Mai 2024

Le « modéré » à Abidjan, le « radical » dans les capitales de l’Alliance des Etats du Sahel. Les deux têtes de l’Exécutif sénégalais sont décidés à observer une posture d’équilibre politique entre les clans de la Cedeao afin de pouvoir jouer un rôle efficace dans la reconstitution de l’espace communautaire.

Le Président Faye (d) et son Premier ministre

Bassirou Diomaye Faye est en Côte d’Ivoire mardi 7 mai 2024 pour y rencontrer son homologue Alassane Dramane Ouattara. Une annonce qui intervient moins de 24 heures après qu’Ousmane Sonko a fait part d’une tournée en Guinée et dans les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES : Mali, Burkina Faso et Niger) pour renforcer les relations avec les partenaires politiques de Pastef dans la sous-région ouest-africaine. Ce télescopage médiatique, accidentel ou mis en scène, entre l’agenda immédiat du Président de la République et celui en perspective du Premier ministre ressemble á une quête de cet équilibre que le duo de l’Exécutif veut imprimer à la diplomatie « panafricaniste » du Sénégal. 

 

Dans son premier discours officiel du 3 avril 2024, Bassirou Diomaye Faye avait fait part de son souhait de faire revenir le Mali, le Niger et le Burkina dans le giron communautaire. Si cette intention est encore à l’ordre du jour, c’est Ousmane Sonko qui devrait en porter les premiers pas auprès des autorités militaires des trois pays de l’AES.

 

Vrai ou faux, le « radical » Ousmane Sonko est considéré comme un sympathisant des politiques de rupture menées par les colonels Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et par le général Abdourahamane Tiani pour donner à leur pays respectif une vraie autonomie après plus de soixante ans d’indépendance formelle. Dans le fond, la vision déclinée par les Etats de l’AES semble compatible avec l’orientation « souverainiste » du nouveau pouvoir sénégalais. Des convergences naturelles en découleront à plusieurs niveaux : politique, économique, social, sécuritaire, etc. Mais c’est peut-être dans la mise en oeuvre de cette idéal de « rupture » que les divergences se feront jour entre ces panafricanistes au pouvoir. 

 

Mais au-delà des questions bilatérales, la mission d’Ousmane Sonko serait alors de convaincre le trio de l’AES de former ensemble et sans doute avec d’autres pays, au coeur de la Cedeao, une mouvance radicale porteuse d’un projet de réformes en profondeur dans la gouvernance politique et institutionnelle de l’organe communautaire.  

 

Le Mali, le Niger et le Burkina ont solidairement claqué les portes de la Cedeao, établi l’Alliance des Etats du Sahel et tendent maintenant à mettre en place une Confédération, sans doute avec le soutien de la Russie. C’est la recommandation fondamentale faite aux trois chefs d’Etat dans la Déclaration issue de la rencontre des ministres des Affaires étrangères tenue les 30 novembre et 1er décembre 2023 à Bamako. Cette démarche de retrait est en partie justifiée par l’extrême dureté des sanctions que les chefs d’Etat leur ont infligées sans tenir compte de leurs conséquences économiques et sociales désastreuses, alors même que les dites sanctions ont été jugées illégales par la Cour de justice de la Cedeao. 

 

A Abidjan, le premier rendez-vous du « modéré » Bassirou Diomaye Faye avec Alassane Ouattara va comporter une part d’assurance sur l’engagement du Sénégal à poursuivre l’expérience communautaire en tant que membre fondateur. Mais du point de vue de Dakar, l’organisation devra améliorer son fonctionnement et sa gouvernance, être plus et mieux à l’écoute des peuples et traiter les questions politiques nationales avec plus de justice, d’équité et de fermeté en bannissant les « deux poids deux mesures » et favoritismes habituels entre pays. Elle devra aussi et surtout faire des pas significatifs dans le domaine de l’intégration économique, en particulier pour la monnaie commune. 

 

Le Sénégal n’est peut-être pas prêt de quitter la Cedeao mais dans l’optique du binôme aux commandes du pays, un début de parachèvement de l’intégration économique communautaire comme sur le modèle de l’Union européenne constituerait une vraie monnaie d’échange dont se suffirait bien peut-être le projet souverainiste.

 

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