En médaillon, la ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Mme Aïssata Tall Sall
Pour marquer le premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (‘’Opération militaire spéciale’’, selon Moscou), l’Assemblée générale des Nations unies a voté hier 23 février 2023 une résolution « non contraignante » pour réaffirmer son « attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et « exiger » de la Russie de retirer « immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires du territoire ukrainien…».
Au total, 141 (dont 27 africains) des 193 Etats membres de l’Onu ont voté pour la résolution contre 7 (Russie, Belarus, Corée du Nord, Mali, Syrie, Nicaragua et Erythrée). Au rayon des abstentions, 32 pays (dont 16 d'Afrique) ont refusé de prendre partie dont la Chine, l’Iran et l’Inde.
Le Sénégal ? Il a courageusement séché la séance de vote. Une absence diplomatique de haute volée qui ne peut qu’être une consigne impérative du président de la République et visant à ne déplaire ni à l’Ukraine et à ses alliés, ni à la Russie.
Pris entre le marteau de l’Occident (Etats-Unis, France et autres) et l’enclume de Moscou, le Sénégal avait pourtant assumé ses responsabilités en mars 2022 en optant pour une abstention franche lors de la première résolution de l’Assemblée générale de l’Onu exigeant « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine. » Pas moins de 16 pays africains avaient fait idem, déclenchant la colère de Washington et des autres alliés de Kiev. A cette période, le président sénégalais Macky Sall venait tout juste de prendre la présidence tournante de l’Union africaine.
Neutralité ?
Pour justifier la position sénégalaise, un communiqué du conseil des ministres rappelait d’abord « l’attachement du Sénégal au respect de l’indépendance et de la souveraineté des Etats, ainsi qu’à l’application sans discrimination des règles du droit international humanitaire, notamment en situation de conflit. » Ensuite la ministre des Affaires étrangères Aïssata Tall Sall clarifiait le tout en invoquant le principe de neutralité historiquement porté par la diplomatie sénégalaise. « Chaque pays défend ses intérêts », avait-elle indiqué, décomplexée.
Des questions se posent néanmoins à propos de cette « neutralité » apparemment à géométrie variable. En février 2022, le président en exercice et le président de la Commission de l’Union africaine (Macky Sall et Moussa Faki Mahamat) avaient pourtant paraphé une déclaration qui exigeait « le respect de l’intégrité territoriale (et de) la souveraineté nationale de l’Ukraine. » ! Le mois suivant, le Sénégal avait également voté à Genève une résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en faveur de la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur l’invasion russe de l’Ukraine.
La neutralité du Sénégal n’aura donc pas été assumée jusqu’au bout. L’absence remarquée et remarquable au vote du 23 février 2022 à New York peut être vue comme une conséquence des fortes pressions occidentales et surtout américaines visant à pousser notre pays à rallier le camp anti-russe. Plusieurs responsables du département d’Etat ont séjourné à Dakar pour aborder le sujet avec les autorités sénégalaises au cours de l’année écoulée.
Finalement, quelle est la différence entre « être présent et s’abstenir » et « s’absenter pour ne pas voter » ?