Yémen: percée des forces pro-gouvernementales dans Hodeida, des civils pris au piège

Jeudi 8 Novembre 2018

Des forces pro-gouvernementales yéménites ont réalisé jeudi une percée à l'intérieur même de Hodeida, cité portuaire contrôlée par les rebelles Houthis, au milieu de combats meurtriers qui font planer de graves risques pour des milliers de civils pris au piège, selon des ONG.

Après une semaine d'intenses combats aux abords de Hodeida, ville stratégique sur la mer Rouge (ouest), ces unités pro-gouvernementales ont pénétré dans des zones résidentielles, au volant de camionnettes et de tracteurs, sur des routes que les Houthis --qui disent vouloir défendre leurs positions à tout prix-- ont parfois minées.
 
Depuis 2015, les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, appuyées par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, tentent de chasser ces rebelles, soutenus par l'Iran, des vastes régions qu'ils ont conquises, dont Hodeida et la capitale Sanaa.

La bataille pour Hodeida dure depuis des mois, mais s'est récemment intensifiée alors que l'ONU et les Etats-Unis pressent pour la reprise de négociations de paix.

Selon des sources médicales, au moins 250 combattants ont été tués au cours de la semaine écoulée, dont 197 Houthis et 53 membres des forces loyalistes.

- Tranchées et mines -

Trois sources militaires ont affirmé jeudi à l'AFP que des forces pro-gouvernementales s'approchaient désormais du port de Hodeida, par le sud via une route côtière, et par l'est via une route principale reliant l'intérieur du pays au littoral.

Ces forces ont avancé de deux kilomètres dans Hodeida en empruntant la route de Sanaa, qui relie l'est du Yémen au port, et de trois kilomètres en passant par l'avenue al-Duraihimi, le long du littoral au sud du port, ont précisé ces sources.

Faisant le "V" de la victoire, des combattants pro-gouvernementaux, qui portaient des armes automatiques et des lance-roquettes, ont paradé à bord de pick-ups sur lesquels étaient inscrits "al-Amaliqa" ("Les géants" en arabe), du nom d'une des brigades soutenues par les Emirats arabes unis.

Les rebelles "nous donneront la ville pacifiquement ou nous la prendrons de force", a dit à l'AFP un commandant de cette brigade, Mouammar al-Saidi.

Les rebelles ont creusé des tranchées et posé des mines sur des routes en périphérie, afin de ralentir l'avancée de leurs adversaires, avait indiqué mercredi une source militaire loyaliste.

Toujours selon des sources pro-gouvernementales, les Houthis ont positionné des snipers sur les toits de certains bâtiments et derrière de grands panneaux publicitaires.

Mercredi, le chef rebelle Abdel Malik al-Houthi a assuré que les Houthis ne se rendraient "jamais".

"L'ennemi bénéficie du nombre (de troupes) qui a encore augmenté pour mettre sous pression la ville de Hodeida", a-t-il ajouté.

Selon des sources médicales, au cours des dernières 24 heures, au moins 47 rebelles Houthis et 11 combattants pro-gouvernementaux ont été tués.

Un garçon de 15 ans est également décédé mercredi dans un hôpital de la ville après avoir été blessé par des éclats d'obus, selon l'ONG Save the Children. Mais d'autres victimes civiles n'ont peut-être pas été dénombrées.

La cité, aux mains des rebelles depuis 2014, reste par ailleurs soumise à un pilonnage intensif.

Point d'entrée de trois quarts des importations et de l'aide internationale au Yémen, Hodeida compte quelque 600.000 habitants, mais une partie des civils a fui ces derniers mois.

- " Militarisation des hôpitaux" -

De nombreuses organisations humanitaires s'inquiètent du sort de dizaines de milliers de ces civils.

Amnesty International a condamné les raids aériens de la coalition pro-gouvernementale et accusé les Houthis de recourir "délibérément à la militarisation des hôpitaux" et de poser des mines.

L'ONG s'est en particulier inquiétée du déploiement de combattants Houthis sur le toit d'un hôpital "rempli de civils blessés", dans le quartier du 22-Mai.

Par ailleurs, les combats actuels ont bloqué les possibilités de s'échapper vers le sud et les rebelles "ont miné d'autres voies vers l'extérieur".

Trente-cinq ONG au total ont appelé mercredi à "une cessation immédiate des hostilités" au Yémen, où selon elles "14 millions" de personnes sont "menacées par la famine".

Jeudi, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui vit en exil à Ryad, a nommé un nouveau ministre de la Défense, Mohammed al-Maqdishi, et un nouveau chef d'état-major, Abdallah al-Nakhi.

M. Maqdishi remplace Mahmoud al-Soubaïhi, détenu par les rebelles Houthis dans la capitale.

La bataille de Hodeida s'intensifie au moment où Washington, allié des Saoudiens, et l'ONU cherchent à relancer le processus de paix.

"Nous continuons d'exhorter toutes les parties à se réunir et à admettre qu'il n'y a pas de victoire militaire possible", a réaffimé un porte-parole de la diplomatie américaine, Robert Palladino.

"On a dit clairement aux responsables saoudiens, émiratis et yéménites, à tous les niveaux, que la destruction d'infrastructures vitales, ou les actes contre l'acheminement d'aide humanitaire vitale et de biens commerciaux, étaient inacceptables", a-t-il ajouté.

Selon des analystes, la pression diplomatique pourrait avoir incité les Saoudiens à chercher à obtenir le maximum de gains militaires avant d'éventuelles discussions. En septembre, un processus de consultations prévu par l'ONU à Genève avait échoué.

Depuis 2015, la guerre a fait quelque 10.000 morts et provoqué selon l'ONU la pire crise humanitaire au monde dans le plus pauvre pays de la péninsule arabique. Des responsables humanitaires estiment que le bilan réel des victimes est bien plus élevé.
 
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