"Israël est dans un état de panique en raison de la plainte pour génocide déposée devant la Cour internationale de justice (CIJ)", a assuré Zeki Ariturk, avocat et maitre de conférence à la faculté des sciences économiques, administratives et sociales de l'université Rumeli d'Istanbul.
Ariturk a commenté pour Anadolu (AA) la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la CIJ.
Il a tout d’abord voulu préciser la différence entre la Cour pénale internationale (CPI), créée par les États soumis au "Statut de Rome" et la Cour internationale de justice qui est un organe judiciaire des Nations Unies (ONU).
Les deux institutions sont situées à La Haye, aux Pays-Bas.
Précisant que l'affaire devant la CPI concernant les responsables de l'attaque israélienne contre Gaza du 27 décembre 2008 sous le nom d'"Opération Plomb Durci" est en cours depuis 2009, Ariturk a déclaré que les preuves des crimes commis par Israël jusqu'au 7 octobre 2023 ont également été soumises à ce dossier, mais qu'il n'y a pas eu de progrès à ce niveau.
Assurant qu’une procédure au sein de la CPI a très peu de chance d’aboutir en raison des pressions du lobby israélien, Ariturk a poursuivi :
"L'affaire de génocide portée devant la CIJ a mis fin à cette situation. Jusqu'à présent, aucun tribunal international n'avait réussi à poursuivre même un soldat israélien, sans parler de l'État d'Israël. Ils ne pouvaient être jugés nulle part. L’image forte de leurs lobbies et de leurs États y a contribuée. Parce qu'ils avaient des relations et grâce à ces relations, ils s'en sortaient à chaque fois. Dans l'affaire qui se déroule à la CPI depuis 2009, rien n'a été fait. Cependant, à la CIJ, une décision a été immédiatement prise et l'affaire a été instruite. L'importance de cette affaire réside dans le fait que l'État d'Israël est jugé. Il ne s'agit pas d'un simple soldat. Nous parlons d'un État qui a commis de nombreux crimes internationaux, violé et assassiné des enfants, tué des civils, et bien qu'il y ait eu de nombreux responsables civils et militaires, aucune mesure n'a été prise, et cet État est maintenant jugé devant la conscience de l'opinion publique mondiale. C'est une situation incroyable pour eux".
Ce dernier a notamment souligné que l'affaire portée devant la CIJ est une audience préliminaire visant à déterminer si une injonction urgente sera émise pour mettre fin aux actions d'Israël, et qu'un procès n'a pas encore eu lieu.
Rappelant que lors de l'audience qui a débuté la veille, l'Afrique du Sud a présenté son plaidoyer contre Israël concernant le crime de génocide ainsi que le rapport préparé par 15 groupes de travail spéciaux de l'ONU et le rapport de 21 observateurs de l'ONU, Ariturk a déclaré que les représentants israéliens, qui se sont défendus hier, ont ridiculement essayé de fonder le génocide sur la légitime défense et de se montrer comme la partie lésée, et ont accusé l'Afrique du Sud de ne pas agir de concert avec Israël.
Pour Ariturk, cet étape marque un tournant pour Israël qui doit rendre compte des atrocités qu'il a commises pendant plus de 70 ans, des personnes qu'il a massacrées et des enfants innocents devant la CIJ.
"En ce moment, Israël est en proie à la panique, à la fois en son sein et au niveau international. Il ne s'attendait pas à une telle chose. Il pensait qu'une telle plainte ne pouvait pas être déposée et ne pouvait pas être acceptée".
Le premier jour de l'audience, le 11 janvier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a déclaré qu'ils n'avaient pas l'intention d'annexer Gaza et que leurs objectifs n’étaient pas de cibler les civils, un virage à 180 degrés engagé par le leader israélien selon Ariturk.
"Il a fait une déclaration contraire à ses déclarations précédentes. La seule raison pour laquelle il y a une différence de 180 degrés entre les déclarations faites par le président et les responsables israéliens jusqu'à hier et cette déclaration est qu'ils sont jugés par la Cour internationale de justice et que s'ils reçoivent une peine liée à cela, la perception d'un Israël invincible et fort qu'ils ont créée pendant 70 ans sera détruite. Il est devenu clair qu'Israël est un tigre de papier, que c'est un État qui a perdu sa signification et qu'il a une image cruelle dans l'opinion publique mondiale".
La décision de la CIJ est contraignante et cette décision sera soumise au Conseil de sécurité de l'ONU, a rappelé Ariturk qui a précisé qu’un véto au Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni) par un membre permanent peut bloquer son application, mais que lorsqu'elle sera soumise à l'Assemblée générale de l'ONU, les États devront imposer des sanctions légales à Israël.
Ariturk a déclaré que la "Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide" donne cette obligation aux États.
"Bien qu'il n'y ait pas d'intervention militaire, les États peuvent fermer leurs ports à Israël et empêcher le passage des marchandises. Ils peuvent empêcher les citoyens israéliens d'entrer dans leur pays. Ils peuvent fermer la circulation internationale de l'argent. Ils peuvent imposer de nombreuses sanctions et, à la suite de ces sanctions, Israël sera isolé dans le monde. On sait à quel point un Israël qui est soudainement arrêté dans le monde dans le domaine économique, dans le domaine bancaire, n'a plus aucune chance de survie. C'est pourquoi la décision est si importante que, selon les fuites de la Maison Blanche, il semble que les Etats-Unis s'abstiendront de voter, qu'ils ne rejetteront pas la décision et qu'ils l'amèneront au point de son application.
Se référant à la vie du professeur John Dugard, l'un des principaux avocats représentant la partie sud-africaine dans le procès contre Israël, Ariturk a déclaré que les grands-pères de Dugard faisait partie de l'administration sous le régime raciste de l'apartheid, lorsque les Pays-Bas et la Grande-Bretagne colonisaient l'Afrique du Sud.
Soulignant que Dugard, qui est d'origine juive, est un défenseur des droits de l'homme anti-israélien et un activiste important, Ariturk a mis l'accent sur l'importance du rapport de 82 pages que lui et son équipe ont préparé pour l'affaire à la CIJ.
Par ailleurs, de nombreuses photographies recoupées par Anadolu (AA) ont également été présentées comme preuves dans l'affaire par l'équipe de Dugard.
Ariturk a affirmé qu'il faisait partie des fondateurs du Bureau de conseil juridique de l'AA et qu'il était fier d'être un ancien employé de cette institution. [AA]