Le renchérissement des tarifs se poursuivra dans le secteur aérien alors que les compagnies retrouvent quasiment le nombre de passagers d’avant-crise.
Les prix élevés des billets d’avion risquent de s’installer dans la durée, malgré la baisse récente des cours du pétrole, s’accordent à dire professionnels et experts du secteur aérien.
En 2022, le retour graduel de la demande de voyages après la levée des restrictions de déplacement liées au Covid-19 dans plusieurs régions du monde avait déjà donné le signal d’un renchérissement des tarifs.
Mais cette année, alors que les compagnies aériennes pensent retrouver quasi le nombre de passagers d’avant-crise, la valse des étiquettes atteint son paroxysme.
En France en avril, il fallait débourser en moyenne 32,6% de plus que quatre ans plus tôt pour le même trajet en avion, selon la Direction générale de l’aviation civile. Cette hausse atteignait même 51% pour voler vers l’Asie-Pacifique.
«Perdre de l’argent»
Aux États-Unis, l’indice des prix des billets d’avion publié par la Réserve fédérale de Saint-Louis montre quant à lui une hausse de 11% entre les mois d’avril 2019 et avril 2023.
Et ce, bien que les cours du kérosène aient connu une accalmie, après le pic atteint dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Russie début 2022. L’Association internationale du transport aérien (Iata) estime qu’ils descendront à 98,5 dollars le baril cette année, contre 135,6 dollars l’année dernière.
Représentant entre 25 et 30% des coûts des compagnies, les carburants ont normalement un effet sensible sur les prix des billets, à la hausse comme à la baisse. Pourtant, la décrue se fait attendre.
Au-delà du carburant, «les coûts de la main-d’oeuvre, d’autres coûts liés à la chaîne d’approvisionnement (…) sont plus élevés ou sont en train d’augmenter», a observé en début de semaine à Istanbul Marie Owens Thomsen, économiste en chef de l’Iata.
«Il faut que les compagnies trouvent une façon de couvrir ces coûts ou elles vont recommencer à perdre de l’argent», alors qu’elles reviennent à peine dans le vert et doivent rembourser les dettes colossales contractées pendant le Covid-19, a-t-elle ajouté lors de l’assemblée générale de son association qui fédère 300 transporteurs aériens du monde entier.
Pénuries et inflation
Le sujet principal, pour Vik Krishnan, spécialiste du secteur aérien au sein du cabinet de conseil en stratégie McKinsey, réside désormais «moins dans les prix du pétrole que dans le fait qu’il n’y a pas assez de sièges d’avions disponibles, et trop de monde qui veut s’y asseoir».
Malgré leurs carnets de commandes parfois pleins jusqu’à la fin de la décennie, les fabricants d’avions peinent à atteindre leurs objectifs de livraisons en raison de pénuries de pièces ou de matériaux chez leurs fournisseurs.
En outre se pose le sujet du «coût de la main-d’oeuvre, de nombreuses compagnies ont dû renégocier à la hausse leurs accords salariaux avec leurs pilotes et personnels de cabine», observe Geoffrey Weston, consultant du cabinet de conseil Bain & Company. C’est aussi le cas des sociétés d’opérations au sol qui ont «dû payer des salaires bien plus élevés en sortant du Covid» aux bagagistes ou aux mécaniciens, selon lui.
«Il n’y a pas beaucoup de facteurs qui vont faire baisser les prix des billets», résume Pascal Fabre, spécialiste du secteur aérien chez AlixPartners.
«Salaires bien plus élevés»
Ces tarifs ne semblent pas avoir entamé la demande en voyages jusqu’à présent. «Avec mes homologues, on a tous la même impression, ça reste très fort, malgré les vents macroéconomiques» contraires, affirme Carlos Muñoz, PDG de la compagnie low cost espagnole Volotea.
Et alors que le secteur aérien va devoir investir des centaines, voire des milliers de milliards de dollars pour espérer atteindre son objectif de décarbonation à l’horizon 2050, entre nouveaux avions et carburants renouvelables, Marie Owens Thomsen, de l’Iata, ne voit pas de répit pour les consommateurs.
«Les coûts devraient augmenter jusqu’à ce que ces solutions deviennent viables d’un point de vue commercial et produites à grande échelle», affirme-t-elle. À quelle échéance ? «Je ne peux pas le dire précisément, mais je serais tentée de dire 2040.» (AFP)