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Achat d’armes à un trafiquant - La position du gouvernement accrédite le soupçon de surfacturation sur le contrat offert à « Petit Boubé »

Vendredi 4 Novembre 2022

Révélé le 26 octobre 2022 par OCCRP, le marché d’un trafic d’armes international passé par l’Etat du Sénégal avec un célébré trafiquant du Niger n’a pas encore livré tous ses secrets. Au-delà de la faiblesse de la défense du gouvernement consistant à brandir un décret qui contredit ses dires et un autre qui reste introuvable, une possible surfacturation est plus que jamais plausible.


Le président Macky Sall protège-t-il ses deux anciens ministres dont l'un est devenu son directeur de cabinet ?
Le président Macky Sall protège-t-il ses deux anciens ministres dont l'un est devenu son directeur de cabinet ?
  
Le scandale du trafic d’armes international dont le Sénégal semble s’être rendu coupable peine à être élucidé. Le communiqué de circonstance balancé par le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, le 27 octobre 2022 pour éteindre un début d’incendie a davantage crédibilisé et consolidé les investigations du consortium Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP).
 
Le recours au « Secret défense » ressemble à un artifice pour dissimuler une vaste entreprise de corruption à l’échelle internationale et protéger les bénéficiaires effectifs sénégalais et étrangers de ce coup tordu infligé aux contribuables sénégalais et à la transparence publique des actes de l’Etat. Le Président de la République est aphone – comme d’habitude – sur une question majeure de bonne gouvernance et a choisi de noyer sa responsabilité fondamentale dans cet acte de corruption présumé dans un mutisme sans appel. L’un des deux ex-ministres mis en cause, Abdoulaye Daouda Diallo, est devenu son plus proche collaborateur depuis sa nomination comme directeur de cabinet – le bureau d’à côté. L’autre, Abdou Karim Sall, après ses « exploits » dans l’affaire des Oryx du ministère de l’Environnement, en est à quelques semaines de repos sabbatique en attendant un poste ( ?) dans l’appareil d’Etat - à moins qu’il soit éloigné de la scène intérieure avec un poste d’ambassadeur.
 
Le deal co-organisé par l’Etat du Sénégal avec le sulfureux Aboubacar Hima alias « Petit Boubé » et ses amis trafiquants d’un écosystème israélien de trafic d’armes est donc sur la place publique. L’instrument juridique et administratif de la transaction nébuleuse est une société dénommée « Lavie Commercial Brokers », créée deux mois avant les opérations et ayant son siège à Fann Résidence, à Dakar. Elle-même est présentée comme la filiale d’une entité de même nom opérant à Dubaï, Emirats arabes unis. Entre la dissimulation du contrat, sa soustraction autoritaire au Code des marchés publics sénégalais, le mensonge consistant à dire que le ministère de l’Environnement « est fondé à passer des contrats d’armement au profit des Direction en charge des Eaux, Forêts, Chasse… », la qualité vieillotte et hors d'âge d'une partie du matériel commandé, etc., il existe tant d’éléments accréditant des actes de corruption à divers niveaux de la chaîne commerciale. De fait, le postulat de surfacturation du marché avancé par OCCRP à hauteur de 25 milliards de francs CFA environ se rapproche d’une vraie réalité.
 
A l’Imprimerie nationale, un décret de mai 2021 introuvable…
 
Ce postulat est d’autant plus plausible que le décret n°2021-563 du 10 mai 2021 invoqué par le « soldat » Fofana – porte-parole du gouvernement envoyé au front pour transformer le scandale en acte de gouvernance normal – n’existe pas jusqu’à preuve du contraire. Pour un document d’Etat d’une si grande importance, le fait qu’il n’ait pas encore été inscrit dans un numéro quelconque du Journal officiel de la République du Sénégal (JORS) depuis 18 mois est pour le moins curieux – même si cela arrive souvent.
 
A L’imprimerie nationale de Rufisque qui assure l’édition des JORS sous l’égide du Secrétariat général du gouvernement (SGG), le fameux décret du 10 mai 2021 ressemble à une véritable arlésienne. D’un agent à un autre, les seules réponses que l’on nous a servies pendant une semaine d’appels et d’échanges téléphoniques se résument à celles-ci : « Monsieur, veuillez nous préciser par mail tous les éléments liés au décret…», « Monsieur, nous sommes en train de chercher dans nos archives, nous vous reviendrons bientôt…», « Monsieur, le bureau en charge de la recherche cherche toujours…», etc.
 
Avec autant de cachotteries et de faux-fuyants, la tendance naturelle au sommet de l’Etat est de faire le dos rond. Après, il y a toujours moyen de détourner l’attention de l’opinion et des médias intéressés par ce scandale vers d’autres sujets plus ‘’sexy’’. Alors, la suite de l’interminable feuilleton « Sweet Beauté » est imposée dans l’espace public. Le président de la république et son gouvernement veulent passer à autre chose en reléguant une affaire gravissime et rocambolesque dans un Etat de droit à la périphérie des actualités sénégalaises. Il s’agit d’un contrat d’achat d’armes de 45 milliards 300 millions de francs CFA conclu avec un trafiquant qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international mais l’impunité transfrontalière lui permet de se balader comme il veut à Dakar.
 
 
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