Il n’est pas prêt de revenir dans son pays. Le salaud errant qui a régné sans partage sur le Sénégal pendant 12 ans s’est échappé du territoire national quelques dizaines de minutes seulement après avoir passé le témoin à son successeur. C’était en avril 2024. Pistonné par son mentor d’Hexagone - lui aussi en mauvaise posture politique mais avec moins de sang sur les mains - il a accepté la sucette d’un truc climato-machin destiné à rendre plus douce la déroute politique d’une fin de parcours humiliante pour son ego. Depuis, il en a rendu les clefs pour cause, dit-il, d’engagement dans les élections législatives anticipées du 17 novembre prochain. Mais en même temps, il ne juge pas utile de (re)descendre sur le terrain politique pour obtenir la seule chose dont il rêve depuis sa chute : l’immunité juridique et politique qui le couvrirait contre ses crimes et trahisons.
Macky Sall est une imposture de dimension industrielle sous tous les aspects : humaine, morale, éthique. Ceux qui le connaissent un tantinet le savent, ce n’est point un secret dans le landernau. Son torchon textuel balancé le 5 novembre sur la médiasphère pour justifier son engagement dans les législatives est une escroquerie intellectuelle tout à fait fidèle au délinquant politicien qu’il est. Pour sauver sa peau, il se fait l’auteur d’une ‘’profession de foi’’ dont le contenu est une insulte à sa propre conscience. Au lieu d’assumer et de défendre le bilan de sa gouvernance en solidarité avec ses collaborateurs, ses partisans et ses dames de compagnie, il choisit de s’opposer dans un fauteuil, loin du pays, « par WhatsApp », disent certains.
Derrière lui, qu’a laissé Macky Sall en héritage au peuple sénégalais ? Des universités fermées sur la base d’allégations mensongères construites de toutes pièces pour justifier une répression. Des dettes agricoles dans tous les sens. Le scandale à milliards des fonds Covid-19 pour lequel son régime n’a inquiété ou jugé personne. Des montagnes de détournements d’argent public dans la plupart des agences et institutions de la République. Des recrutements anarchiques massifs dans les organes de l’Etat aux fins de caser des personnels politiciens au service des baronnies et féodalités de son régime. Des contrats de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA signés aux forceps et en catimini à quelques jours ou semaines de son départ, pour divers secteurs de l’économie et des affaires. La disparition en quelques semaines - comme au ministère des Sports - de plus de 7 milliards de francs CFA de dotations pour les compétitions internationales sur toute l'annee 2024. La traficotage des comptes publics de l’Etat révélé par l’Inspection générale des finances (IGF) en attendant leur certification par la Cour des comptes. Le carnage financier opéré dans plusieurs programmes dont celui du PRODAC… Et ne parlons même pas des meurtres et disparitions perpétrés par ses sicaires dans des proportions inédites que le Sénégal n’a jamais connues….
De qui se moque Macky Sall ? En réalité, l’ancien président de la République était bien à la tête d’une micro-économie mafieuse taillée pour servir son gout immodéré d’argent et celui de ses courtisan.e.s. Il en tirait les ficelles en en contrôlant le fonctionnement. Avec ses propres canaux de renseignement et grâce aux rapports des organes de contrôle de l’Etat dont il a pu disposer de manière exclusive, il a exactement fait ce qu’il souhaitait faire en tant que tout-puissant chef de l’Etat. Il a protégé tous les délinquants qui étaient susceptibles de rendre compte de leur délinquance en mettant tous les dossiers compromettants sous son coude… Cet homme est un monstre de mauvaise foi.
Il est plausible que les nouvelles autorités aient pu commettre des erreurs de jugement et d’action lors de la prise en main du pays en avril 2024. Il est possible que la complexité des magouilles de la gouvernance économique et financière héritée du régime déchu ait été sous-estimée. Ce qui est important aujourd’hui, c’est que la Rectification soit poursuivie avec courage, méthode et résilience. Faut-il rappeler que, même deux ans après son arrivée au pouvoir en 2012, Macky Sall devait encore encaisser les bruissements d’une complainte « Deuk-bi dafa Macky » (le pays est morose) imputée alors à l’héritage de son prédécesseur Abdoulaye Wade ?
Face à l’évidence d’une remise en cause probable de sa loi d’amnistie imposée à ses centaines de victimes, Macky Sall a décidé de jouer la carte de la survie virtuelle dans un affrontement direct et à distance avec le pouvoir en place. Sans frais. Sans se mouiller. Avec des mots. En droite ligne d’un ADN politique qui a juré de se nourrir des actifs du pouvoir (argent, honneur, puissance et volonté de puissance, jouissances diverses, etc.) et jamais ou rarement de ses passifs (interpellations policières, garde à vue, bastonnades, prison dans le cas extreme). Alors, depuis Marrakech, Paris ou…La Barbade, il tente de mobiliser ce qu’il lui reste de bras armés et de serviteurs pour donner quelque visibilité et de la tonalité à une campagne électorale compliquée en tout point de vue.
De quoi Macky Sall peut-il être le nom ? A peu près de tout et de rien. Mais pour l’heure, il a (r)amassé assez de tunes pour vivre, lui et sa famille, dans l’opulence jusqu’à la fin de leur…vie. Le reste, c’est cynisme et mépris pour ceux et celles qui acceptent encore de souffrir pour la bonne étoile d’un salaud errant. C’est leur problème !
On ignore si la main du président Bassirou Diomaye Faye a tremblé à l’instant où il apposait sa signature sur le décret de nomination du sieur Samba Ndiaye comme président du conseil d’administration de la Société nationale des habitations à loyer modéré (SN-HLM). Mais on sait que cette mesure, impopulaire et combattue chez ses camarades du parti Pastef, pourrait être un vrai marqueur dans un contexte politique sénégalais sous influence des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. Il est prévisible que les militants du parti au pouvoir, ravalant leur colère par pragmatisme, votent en masse, aux cotés de leurs alliés, pour obtenir le quota de députés qui permettra à l’Exécutif de dérouler la « Vision 2050 » déclinée le 14 octobre dernier à Diamniadio. Mais on retiendra que c’est la première grande secousse interne qui vise le couple de l’exécutif depuis son arrivée au pouvoir le 2 avril 2024. A la date du 25 octobre, plus de vingt mille signatures auraient été déjà consignées à travers une pétition virale qui dénonce une certaine forme de pratique politique.
Samba Ndiaye, ingénieur en génie civil, est un ancien maire de Ndoffane, une localité située non loin de Kaolack au centre du Sénégal. Il appartient à cette race de politiciens dotés d’un sens intuitif de la mobilité entre les arcanes du Pouvoir, sous tous les régimes. Il a vécu sous les prairies successives d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall. Un pari de longévité à durée déterminée qu’il est en train de gagner sous le régime Pastef avec sa nomination surprise par le chef de l’Etat comme PCA de la SN-HLM. Le situationnisme paie.
S’ils avaient tenu leur promesse de rupture sur une certaine façon de faire de la politique au Sénégal, le président Faye et le premier ministre Sonko n’auraient jamais propulsé Samba Ndiaye au poste qu’il occupe aujourd’hui. Avec une solennité digne de leurs fonctions suprêmes, ils font exactement le contraire de ce qu’il faut faire pour révolutionner les pratiques politiques dans un sens qui améliore la relation avec les citoyens. Car, en fin de compte, que signifie cette promotion de la transhumance ? Elle dit aux gens : écoutez ce que je vous dis, ne faites pas attention à ce que je fais ! Ceci est une agression caractérisée et délibérée contre le bon sens et l’engagement dont le peuple sénégalais a fait preuve pour dégager la racaille mackyste le 24 mars 2024.
Le contenu du verdict de cette élection présidentielle mouvementée a été sans équivoque : moraliser la vie politique, tracer des frontières étanches entre pouvoir, opposition et société civile, aider au renouvellement de la classe politique, ne rien céder au trafic d’influence et à la transhumance… Or, c’est ce dernier projet qui, contre toute attente chez des centaines de milliers de Sénégalais, que le pouvoir Diomaye-Sonko semble vouloir banaliser.
Car le même jour où l’éternel transhumant Samba Ndiaye entrait dans les grâces de l’exécutif, Déthié Fall, ex ponte reconnu et respecté de la résistance contre l’autoritarisme de Macky Sall, revenait dans l’enceinte présidentielle après s’être fourvoyé dans une coalition électorale d’opposition d’où il espérait rebondir. Diomaye et Sonko tolèrent-ils ce jeu de yoyo de personnalités politiques qui pataugent si aisément dans les méandres de la fourberie ? Ce que le chef du parti républicain du peuple (PRP) a fait avec cynisme n’a qu’un seul nom : trahison. Et avec la bataille des législatives, la boucle n’est pas prête d’être bouclée.
La quête d’une seconde légitimité le 17 novembre prochain et les incertitudes qui l’entourent sont certes un véritable cauchemar qui empêcheraient de dormir tout exécutif. C’est une bataille capitale au terme de laquelle le paysage politique serait éclairci d’une manière ou d’une autre. Pour un régime comme celui de Diomaye-Sonko qui a besoin de moyens législatifs consolidés pour gouverner sereinement, une telle pression ne peut valider le principe de la fin qui justifie les moyens. Cette avalanche d’élus locaux qui est en train de déferler vers les prairies Pastef est politiquement et stratégiquement importante, mais elle ne garantit rien de pérenne : les transhumants sont des vadrouillards sans foi ni loi qui n’obéissent qu’aux pulsions de leurs intérêts personnels.
Héritiers d’une montagne de scandales sans nom et d’une situation économique et financière préoccupante, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont heureusement impulsé une série de réformes et d’actions essentielles dont on espère un redressement national durable. L’immensité de ces chantiers ne devrait pas donner de temps ni d’espace à des cafouillages moraux grotesques qui obèrent l’incontestable légitimité tirée du peuple en mars 2024.
La Rectification doit être de rigueur au cours de ce quinquennat, au moins en souvenir des dizaines de jeunes gens tués par l’ancien régime, avec l’assentiment de politiciens que l’on recycle aujourd’hui dans les entrailles du nouveau pouvoir.
Neuf jours après les révélations du premier ministre sénégalais contre 4 hauts dignitaires de l’ancien régime nommément accusés d’avoir falsifié, par écritures, des indicateurs substantiels de l’économie nationale pour des besoins fondamentalement politiques, c’est le silence total. Motus et bouche cousue chez ces présumés trafiquants des comptes publics de l’Etat qui semblent mesurer, a posteriori, l’extrême gravité des actes qui leur sont reprochés.
Contrairement à des pratiques en vogue dans les médias locaux, ces révélations n’ont pas été fuitées par quelque gorge-profonde de l’Administration publique décidée à régler des comptes avec des ennemis politiques pris la main dans le sac. Ni par un quelconque lanceur d’alerte indigné, dans sa posture d’insider, par l’ampleur d’une gouvernance corrompue. Deux méthodes - délation intéressée et dénonciation d’intérêt public - qui diluent les responsabilités dans des généralités sans toujours en identifier les auteurs.
Ces révélations du PM Ousmane Sonko ont été astucieusement partagées, en live, avec le peuple sénégalais en même temps qu’avec les institutions et partenaires économiques et financiers du Sénégal. Ce format de communication dissipe toute incompréhension sur la nature véritable des faits inédits reprochés à l’ancien président Macky Sall, à son ex-premier ministre Amadou Ba et aux anciens ministres des Finances et du Budget, Moustapha Ba et Abdoulaye Daouda Diallo. Peuvent-ils continuer à se murer dans le silence assourdissant qui leur sert, pour le moment, de bunker ?
La gravité et la solennité des accusations portées à leur encontre peuvent nécessiter un temps de réflexion, à l’image d’un boxeur groggy auquel l’arbitre offre dix secondes de répit avant de mettre un terme au combat. Mais leur mutisme ne saurait être éternel. Et il ne saurait être remplacé par les élucubrations d’appareils et de politiciens souvent idiots. Ni par les commentaires et bavardages de sous-fifres soucieux de voler au secours de décideurs politiques dont ils étaient - et sont encore - de précieux obligés. Des gens calfeutrés dans la posture souvent irrationnelle d’opposants systématiques dont l’« idéologie » semble assise sur un agrégat d'opinions subjectives définitivement institutionnalisées.
Dans ce dossier, il doit être exclusivement question de la responsabilité individuelle d’hommes au service de l’Etat et des intérêts de la Collectivité nationale toute entière. Le reste n’est que politique politicienne classique… On en a marre !
La manipulation des comptes publics de l’Etat pour embellir des agrégats économiques en lambeaux tout en sachant que ces malversations auront des conséquences désastreuses - à un moment où à un autre, d’une manière ou d’une autre - sur le fonctionnement réel du pays n’est pas seulement irresponsable de la part de gouvernants. C’est de la trahison. La dulcinée ‘’Sénégal ‘’ que l’on offrait en mariage à un cupide FMI - lequel ne voit jamais plus loin que sa poche - n’était pas si belle que cela: derrière sa blanche robe immaculée, elle luttait nuit et jour contre plusieurs maladies accumulées en douze ans d'autoritarisme, de répression et d'arbitraire : mpox, diarrhée, rhumatisme… Le malheureux élu de Bretton Woods le savait-il ?
Selon plusieurs médias, le traficotage présumé des comptes publics par Macky Sall et ses agents aurait immédiatement frappé les intérêts de notre pays, en particulier dans le paiement de ses obligations libellées en eurobonds sur certains marchés financiers. Cela relève naturellement du conjoncturel au regard de nos connexions fortes avec les économies spéculatives.
Le plus important aujourd’hui, au-delà du retour à la réalité macro-économique et de la gestion des conséquences potentielles de ce trafic sur le quotidien des populations, c’est de faire LA lumière sur l’affaire. Désigner les 4 responsables politiques ne suffira pas : il faudra remuer le karcher dans la plaie ouverte au cœur des différentes administrations impliquées.
Si Macky Sall était le donneur d’ordre exécutif de ce « carnage » en intelligence active avec ses trois autres collaborateurs subordonnés, les exécutants opérationnels ne sauraient être hors du coup. Le PM actuel Ousmane Sonko qui a donné des gages en promettant de ne protéger personne au sein de l’Administration dont il est le chef joue forcément sa crédibilité.
C'est toute une chaine de responsabilités à l'intégrité compromise qui doit être débusquée pour le danger qu'elle constitue désormais pour le pays. Le ministre de la Justice Ousmane Diagne a assuré de sa détermination à débusquer tous les auteurs et autrices de la cabale contre les intérêts des Sénégalais. Le peuple attend de voir. En espérant surtout ne pas être le dindon d’une nouvelle farce.
Il y a tendance à l’oublier mais ce ne serait pas raisonnable. Les conditions dans lesquelles cette Assemblée nationale de la 14e législature a été fabriquée par la « Fraud Team » de Macky Sall et imposée aux Sénégalais le 31 juillet 2022 resteront gravées dans la mémoire politique de la République. La saga qui a entouré les « erreurs » sur les listes de candidats des deux grandes coalitions de l’époque, Benno Bokk Yaakaar (BBY, alors au pouvoir) et Yewwi Askan Wi (YAW, alors dans l’opposition) et les sanctions que la justice constitutionnelle a appliquées étaient en soi une première indication sur la nature de la légitimité de la 14e législature, toutes tendances partisanes confondues. Le sauvetage politique forcé de la liste des candidats députés titulaires de BBY et le purgatoire infligé à la liste des candidats titulaires de YAW ont enfanté une originalité dans l’histoire parlementaire du Sénégal : une liste de candidats députés suppléants est invitée à prendre la place d’une liste de candidats députés titulaires aux législatives du 31 juillet 2022.
L’ordre politique était diffus mais assumé : Macky Sall était prêt à tout pour s’éviter tout blocage dans ce qu’il lui restait de temps au pouvoir. Il espérait encore le miracle d’un retournement de situation et de contexte pour s’offrir cet insaisissable troisième mandat tapi au coeur d’une aventure présidentielle dont la suite était déjà largement compromise. La violence systématique qui accompagne ses actes politiques contestables allait se traduire également par une autre première : le débarquement de plusieurs dizaines de gendarmes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le jour de l’installation des députés et de l’élection du président de l’institution. Il était question pour lui d’acter définitivement la 14e législature dans le schéma institutionnel.
Sa course contre la montre ne devait jamais s’arrêter. Elle installa une gouvernance de crises et de répressions qui fit boire à la démocratie sénégalaise le calice jusqu’à la lie. En chemin, celle qui fut la tête de liste de BBY aux législatives et qui lui donna une courte majorité, l’ancienne première ministre Aminata Touré, fut déchue de son mandat parlementaire aux premières heures de la législature pour rébellion contre la dictature du Tsar. L’oukaze ad hoc fabriqué par le palais fut prestement exécuté par le groupe mécanique de la Place Soweto.
Cette Assemblée nationale enfin mise à mort aura porté jusqu’au bout les stigmates d’une institution misérablement corrompue, de sa conception jusqu’au dernier souffle qu’il libéra le 12 septembre de l’an 2024. Dans une synchronisation savamment orchestrée avec le palais en février 2024, elle imposa le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 à décembre 2024. La loi du report fut votée sur la base de suppositions aussi ridicules que mafieuses que Macky Sall s’était empressé de clamer au soir du 3 février dernier avec une inconsistance indigne de ses responsabilités suprêmes. Mais le fin mot de cette histoire rocambolesque revint au peuple sénégalais.
Aujourd’hui, la seule et unique lettre de noblesse que cette Assemblée nationale croupion pourra revendiquer devant l’histoire, ce ne serait même pas d’avoir corrigé - en y étant contrainte - les tripatouillages de son propre Règlement intérieur. C’est d’avoir fondamentalement enclenché le début de la fin d’un pouvoir tyrannique et obsolète dont tous les leviers et argumentaires convergeaient ‘’systémiquement’’ vers ses capacités de répression contre l’adversité politique et citoyenne qui lui faisait face.
La guérilla parlementaire dans laquelle les députés de Benno Bokk Yaakaar voulaient se spécialiser pour sauver les résidus de leurs propres turpitudes était le baroud d’horreur qui faisait le lit de la guillotine qui attendait. C’était de l’agitation politicienne prélude à un retour devant le peuple souverain. La réponse - dissolution de l’Assemblée nationale - était inscrite à la fois dans le temps politique et dans l’ordre légal dans lesquels fonctionne notre démocratie.
Ce 13 août 2024, une bonne partie des médias sénégalais est en grève sous le label « Journée sans presse ». Selon la note produite par les éditeurs de presse, « l’objectif visé (par le pouvoir) n’est autre que le contrôle de l’information et la domestication es acteurs des médias » à travers différents actes: « blocage des comptes bancaires, production d’état exécutoire de saisie de matériels de production, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mise en demeure, refus de concertation ». C’est en réactions à ces craintes que seuls quatre quotidiens sont parus ce jour : Le Soleil (public), Yoor-Yoor Bi (proche du régime), Walfadjri et Le Témoin (presse privée indépendante). Ce dernier journal, dirigé par Mamadou Oumar Ndiaye, n'est pas paru aujourd'hui à cause d'un problème d'imprimerie, signale sa direction dans une note rendue publique. Le Témoin précise « qu'elle se démarque totalement du mouvement de grève lancé par une partie de la presse pour ce jour ».
Sur l’échelle des paliers de la lutte syndicale ou de survie, la démarche des éditeurs de presse est frontale : c’est la grande tronçonneuse au premier coup, une stratégie qui interroge sur ce qui pourrait rester comme moyen de pression sur le pouvoir si les choses restent en l’état.
Cette subite radicalité des patrons de presse avec un pouvoir qui n’a pas encore cinq mois de vie tranche d’avec l’extrême compréhension que la plupart d’entre eux ont manifestée à l’endroit du régime précédent.
Durant toute période de répression instaurée par Macky Sall contre la presse et les journalistes, ces patrons « emblématiques » avaient fait le choix de se terrer, limitant leur indignation feinte à des rhétoriques auto-protectrices qui avaient le don de ne pas les compromettre avec des ennemis imaginaires identifiés par les tyrans en place. Certains n’osaient même plus (re)mettre les pieds aux rencontres de la CAP (Coordination des associations de presse) à la Maison de la Presse par peur d’un signalement des RG à la hiérarchie.
Déjà, le principe d’une « journée sans presse » avait été agité à plusieurs reprises afin de pousser l’ex régime à mettre un terme aux brutalités psychopathes qu’il exerçait contre les journalistes et certains médias. Ces braves patrons de presse y ont fait barrage systématiquement en usant de subterfuges et de dilatoires. Mais le fond de leur position commune sautait aux yeux : ne pas se faire taper par la cravache de l’intransigeant Macky Sall. Objectif ? Ne pas fâcher les bailleurs officiels et leur capacité de nuisance financière et, surtout, capter des ressources additionnelles occultes qui ne manquaient pas de gicler des tunnels scabreux de la connivence établie. Une soif d’aisance matérielle qui, en contrepartie, ouvrait la porte à toutes les folies, même contre des confrères. Contre l’un des nôtres, Pape Alé Niang, certains ont ouvertement applaudi à ses déboires et justifié même le principe de sa mise à mort éditoriale : ils devaient être en phase avec la ligne alors répressive en vigueur.
Les difficultés de la presse ne datent pas d’aujourd’hui. Elles explosent hic et nunc car des éditeurs se retrouvent subitement à devoir faire face au principe de réalité face à un régime qui tente de les (re)mettre à l’endroit d’une gestion d’entreprise orthodoxe ou, à tout le moins, acceptable et éloignée du vagabondage qui a mis à genoux certains d’entre eux et précarisé leurs employés. Abus de biens sociaux ?
Le pouvoir en place, quant à lui, serait irresponsable et mal inspiré de vouloir - comme on l’en accuse - tuer la liberté de presse et d’expression en usant d’artifices déloyaux servant des objectifs politiciens de musellement des médias. Rien n’indique - pour le moment - que cela soit un argument sérieux d’un point de vue factuel.
Si la précarité de l’environnement médiatique ne se discute pas, si donc la perfection n’est clairement pas atteignable d’une manière ou d’une autre dans le domaine des médias, il y a au moins une case à remplir en dormant : l’obligation de transparence et de sincérité dans la gestion des comptes des entreprises de presse. Dans un pays démocratique normal où l’autorité est soumise à la loi, l’aide de l’Etat aux groupes médiatiques ne se ferait pas attendre. On l’espère pour le Sénégal afin que tous les journalistes vivent dignement du plus beau métier du monde !
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