Après avoir littéralement emporté le référendum constitutionnel du 20 mars, le président de la république devait être à l’aise aujourd’hui pour conduire tranquillement le Sénégal vers le cap qu’il lui a fixé en tant que dépositaire de la volonté populaire depuis mars 2012. C’est d’autant plus vrai que lui et nombre de ses collaborateurs, analysant les résultats d’une consultation populaire conduite à sens unique et dans les conditions abracadabrantesques que l’on sait, ont procédé à un glissement explicatif qui révélait en profondeur la perception essentielle qu’ils avaient tirée du vote, résumée ainsi : «Si c’était une élection présidentielle, j’aurais été élu dès le première tour.» Une antienne reprise et vendue à tours de bras médiatique pour, peut-être, commencer à installer dans la tête de l’opinion l’irréversibilité d’un second mandat à partir de 2019. Mais cela est une autre histoire que les Sénégalais trancheront – on l’espère – en toute liberté et transparence le moment venu.
Aujourd’hui, Macky Sall est au sommet d’une «puissance institutionnelle» que l’on trouve rarement dans une démocratie saine et crédible à travers le monde : président de la république avec tous les attributs qui vont avec, chef suprême d’une majorité parlementaire mécaniquement obéissante, patron d’un ordonnancement judiciaire implacablement soumis à ses desiderata, décideur final de tout acte économique ou financier lié au «développement» du pays, gestionnaire vigilant des richesses off-shore qui essaiment aux quatre coins de la façade atlantique du Sénégal.
Après quatre ans de pouvoir cahin-caha, avec dextérité et maestria, il a quasiment fini de parachever la soumission à son régime de toutes les entités qui auraient dû jouer le rôle fondamental de contre-pouvoir et de sentinelle : les partis politiques d’une coalition affaissée qui s’appelle encore Benno Bokk Yaakaar, une presse et des journalistes qui ont préféré le chemin de la soupe, des syndicats, organisations de la société civile et autorités religieuses convertis à la logique de survie quotidienne, etc.
C’est dans un contexte pareil, sur un terrain apparemment totalement déminé et expurgé de toute étincelle qui pourrait ouvrir la porte aux déflagrations, que le chef de l’Etat lance pourtant un appel au dialogue à la classe politique. D’aucuns ont vite fait d’y voir un signe d’ouverture et de décrispation après plusieurs phases d’affrontements avec une partie de l’opposition. Ceux-là ont sans doute raison car, d’une certaine manière, les Sénégalais sont exaspérés par la persistance des conflits strictement politiciens qui n’ont d’intérêt que pour les…politiciens eux-mêmes. Dans une démocratie moderne, le dialogue est systématiquement préférable aux quolibets et autres jeux de rôles pusillanimes qui n’apportent rien à la collectivité. Mais de quel dialogue devrait-il s’agir ?
Un acteur politique discret mais émergent a dit quelque chose d’essentiellement vrai et sensé qui mérite réflexion. «Au sens dialectique, le dialogue est un moteur démocratique. Peut-on être hégémonique sur l’essentiel et dialoguer sur l’accessoire ?»
La pertinence de cette assertion pose toute la question de la lisibilité et de l’acceptabilité de la démarche du président Sall. Que cherche-t-il vraiment, entre des discussions sérieuses sur l’état des pratiques démocratiques dans notre pays, d’une part, et un objectif de caporalisation de toux ceux qui, à ses yeux, seraient des adversaires potentiels de son pouvoir, d’autre part ? Il ne semble pas qu’il y ait du sens entre dire «je vais réduire l’opposition à sa plus simple expression» et inviter à des «discussions» autour de l’intérêt du Sénégal. Il n’y a aucune continuité intellectuelle entre le fait d’avoir mis entre parenthèses des libertés fondamentales minimales (toutes manifestations hostiles au pouvoir sont invariablement interdites depuis plus de trois ans), d’un côté, et la volonté de civiliser le champ politique, par ailleurs.
Depuis 2012, le président de la république, mû on ne sait par quels diablotins, applique une politique d’autoritarisme sans concession, reclus dans ses certitudes quant à la justesse de ses choix et orientations. Une posture qui a débouché naturellement sur une culture de clan élevée au statut de gouvernance nationale, avec des projets et programmes à la mise en œuvre généralement non transparente, sanctionnés par une distribution sélective et «fraternelle» des marchés de gré à gré, des plus lucratifs aux plus modestes. Les règlements de comptes politiciens, archives rongées d’une vie antérieure moins arrogante au service de Wade, ont pris en otage une assemblée nationale devenue un lieu symbolique de revanche contre un ex «père». C’est ici que des sièges de député gagnés par le Pds sont arrachés à leurs détenteurs légitimes et légaux pour être confiés à des politiciens plus accommodants avec la ligne du chef de l’Etat. Le référendum constitutionnel de mars 2016 était le temps politique idéal pour Macky Sall de partager ses bonnes intentions avec la communauté nationale. Quel excellent prétexte, en effet, qu’un consensus national large autour de la charte fondamentale de la république pour inviter les Sénégalais à regarder dans la même direction !
Pour le moment, on ne sait rien des desseins (peut-être sincères) du chef de l’Etat qui devra donc clarifier sa conception du «dialogue politique» dans le contexte actuel du pays. Si sa vision consiste à vendre à l’opinion un futur gouvernement d’union nationale (Gun) pour mieux phagocyter les ultimes poches de défiance, il ne rendrait pas service à la patrie, ni à lui-même d’ailleurs.
Pour l’heure, ce que l’on constate en termes d’annonce autour de ce dialogue manque gravement de transparence. Rien n’est spécifié en public – on nous dira que c’est normal - à part des bouts de verbiages automatisés lâchés par voie de presse. Tout est dans l’opacité. Ce qui amène à penser que ceux qui se feront face n’aborderont entre eux – et dans le secret de leurs deals - que des considérations crypto-personnelles. Un sujet favori et incontournable : la traque des biens mal acquis. On évoquait ici-même la liste «disparue» des vingt-cinq dignitaires du Parti démocratique sénégalais recensés par le procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). C’est l’occasion pour un autre «procureur», le président Sall, de faire les comptes avec ses «ennemis», lui qui confiait à des média étrangers en 2014 : «(Dans la traque des biens mal acquis), il n’y a pas d’acharnement sur qui que ce soit. Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné suite.» Oui, le dialogue politicien interpersonnel peut bien commencer.
Aujourd’hui, Macky Sall est au sommet d’une «puissance institutionnelle» que l’on trouve rarement dans une démocratie saine et crédible à travers le monde : président de la république avec tous les attributs qui vont avec, chef suprême d’une majorité parlementaire mécaniquement obéissante, patron d’un ordonnancement judiciaire implacablement soumis à ses desiderata, décideur final de tout acte économique ou financier lié au «développement» du pays, gestionnaire vigilant des richesses off-shore qui essaiment aux quatre coins de la façade atlantique du Sénégal.
Après quatre ans de pouvoir cahin-caha, avec dextérité et maestria, il a quasiment fini de parachever la soumission à son régime de toutes les entités qui auraient dû jouer le rôle fondamental de contre-pouvoir et de sentinelle : les partis politiques d’une coalition affaissée qui s’appelle encore Benno Bokk Yaakaar, une presse et des journalistes qui ont préféré le chemin de la soupe, des syndicats, organisations de la société civile et autorités religieuses convertis à la logique de survie quotidienne, etc.
C’est dans un contexte pareil, sur un terrain apparemment totalement déminé et expurgé de toute étincelle qui pourrait ouvrir la porte aux déflagrations, que le chef de l’Etat lance pourtant un appel au dialogue à la classe politique. D’aucuns ont vite fait d’y voir un signe d’ouverture et de décrispation après plusieurs phases d’affrontements avec une partie de l’opposition. Ceux-là ont sans doute raison car, d’une certaine manière, les Sénégalais sont exaspérés par la persistance des conflits strictement politiciens qui n’ont d’intérêt que pour les…politiciens eux-mêmes. Dans une démocratie moderne, le dialogue est systématiquement préférable aux quolibets et autres jeux de rôles pusillanimes qui n’apportent rien à la collectivité. Mais de quel dialogue devrait-il s’agir ?
Un acteur politique discret mais émergent a dit quelque chose d’essentiellement vrai et sensé qui mérite réflexion. «Au sens dialectique, le dialogue est un moteur démocratique. Peut-on être hégémonique sur l’essentiel et dialoguer sur l’accessoire ?»
La pertinence de cette assertion pose toute la question de la lisibilité et de l’acceptabilité de la démarche du président Sall. Que cherche-t-il vraiment, entre des discussions sérieuses sur l’état des pratiques démocratiques dans notre pays, d’une part, et un objectif de caporalisation de toux ceux qui, à ses yeux, seraient des adversaires potentiels de son pouvoir, d’autre part ? Il ne semble pas qu’il y ait du sens entre dire «je vais réduire l’opposition à sa plus simple expression» et inviter à des «discussions» autour de l’intérêt du Sénégal. Il n’y a aucune continuité intellectuelle entre le fait d’avoir mis entre parenthèses des libertés fondamentales minimales (toutes manifestations hostiles au pouvoir sont invariablement interdites depuis plus de trois ans), d’un côté, et la volonté de civiliser le champ politique, par ailleurs.
Depuis 2012, le président de la république, mû on ne sait par quels diablotins, applique une politique d’autoritarisme sans concession, reclus dans ses certitudes quant à la justesse de ses choix et orientations. Une posture qui a débouché naturellement sur une culture de clan élevée au statut de gouvernance nationale, avec des projets et programmes à la mise en œuvre généralement non transparente, sanctionnés par une distribution sélective et «fraternelle» des marchés de gré à gré, des plus lucratifs aux plus modestes. Les règlements de comptes politiciens, archives rongées d’une vie antérieure moins arrogante au service de Wade, ont pris en otage une assemblée nationale devenue un lieu symbolique de revanche contre un ex «père». C’est ici que des sièges de député gagnés par le Pds sont arrachés à leurs détenteurs légitimes et légaux pour être confiés à des politiciens plus accommodants avec la ligne du chef de l’Etat. Le référendum constitutionnel de mars 2016 était le temps politique idéal pour Macky Sall de partager ses bonnes intentions avec la communauté nationale. Quel excellent prétexte, en effet, qu’un consensus national large autour de la charte fondamentale de la république pour inviter les Sénégalais à regarder dans la même direction !
Pour le moment, on ne sait rien des desseins (peut-être sincères) du chef de l’Etat qui devra donc clarifier sa conception du «dialogue politique» dans le contexte actuel du pays. Si sa vision consiste à vendre à l’opinion un futur gouvernement d’union nationale (Gun) pour mieux phagocyter les ultimes poches de défiance, il ne rendrait pas service à la patrie, ni à lui-même d’ailleurs.
Pour l’heure, ce que l’on constate en termes d’annonce autour de ce dialogue manque gravement de transparence. Rien n’est spécifié en public – on nous dira que c’est normal - à part des bouts de verbiages automatisés lâchés par voie de presse. Tout est dans l’opacité. Ce qui amène à penser que ceux qui se feront face n’aborderont entre eux – et dans le secret de leurs deals - que des considérations crypto-personnelles. Un sujet favori et incontournable : la traque des biens mal acquis. On évoquait ici-même la liste «disparue» des vingt-cinq dignitaires du Parti démocratique sénégalais recensés par le procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). C’est l’occasion pour un autre «procureur», le président Sall, de faire les comptes avec ses «ennemis», lui qui confiait à des média étrangers en 2014 : «(Dans la traque des biens mal acquis), il n’y a pas d’acharnement sur qui que ce soit. Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné suite.» Oui, le dialogue politicien interpersonnel peut bien commencer.