Les conjectures du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Quai d’Orsay sur un cataclysme qui va s’abattre sur l’Afrique, d’Ouest au Centre, provoquant une « onde de choc » dévastatrice et débouchant, pour certains Etats, sur une « crise finale » ont interpellé bien des consciences africaines. Selon cette cellule du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, la crise sanitaire mondiale née du coronavirus va balayer un certain nombre d’Etats africains mal outillés pour endiguer cette maladie et, surtout, condamnés à faire les frais des révoltes populaires plus ou moins violentes des masses africaines excédées par des montagnes d’incompétences sous un nid épais de corruption.
La (mauvaise) surprise dans cette « note diplomatique » est moins sa fonction classique d’aide à la décision au service des intérêts français en Afrique que le caractère peu pertinent de son contenu et les orientations brutales qu’elle suggère au point de citer, en les catégorisant, les bons et les méchants d’entre les Etats confrontés à la crise du coronavirus.
Une étude d’anticipation sur l’avenir à court terme de régimes politiques africains aurait supposé des éléments d’appréciation ne relevant pas seulement des conséquences alléguées du coronavirus. Le seul dénuement des systèmes sanitaires et hospitaliers de ces pays, le soulèvement des masses populaires, et même la fonction systémique qu’y joue cette autre pandémie qu’est la corruption suffisent-ils à accréditer des bouleversements aussi gigantesques que ceux prédits par le CAPS ? L’histoire à venir le dira.
Le désespoir dans l’analyse atteint un point critique quand les rédacteurs de la « note diplomatique » transforment leur cénacle en une entité extérieure de « Pôle Emploi » avec cet appel d’offres lancé à destination de certaines élites africaines priées de se mettre en situation pour présider à brève échéance les Etats dominos. Ce qui les placerait de facto sous l’influence et la protection de Paris. Un éternel recommencement !
L’Effet Pygmalion recherché saute aux yeux : on suggère aux hommes d’affaires fortunés (Tony Elumelu ?), artistes célèbres (Youssou Ndour ?), cadres religieux ((Mahmoud Dicko ?) et aux diasporas africaines de capturer et de canaliser les mécontentements généralisés pour prévenir le chaos et jouer un rôle de premier plan dans des transitions politiques qui seraient inévitables.
Il est difficile d’imaginer que ces prédictions abracadabrantesques soient celles de la France officielle, celle qui tente d’accompagner les mutations profondes, politiques et citoyennes, économiques et sociales, dans un continent en ébullition sur un rythme qui lui est propre. Mieux vaut alors ne pas condamner cette Afrique à la géhenne au moment où la crise du coronavirus dévoile de façon nette l’ampleur des incompétences, imprévoyances, corruptions et égoïsmes qui caractérisent les systèmes de gouvernance des pays occidentaux dans cette période de crise inédite.
Avec un système de santé publique gangrené par divers facteurs en termes d’efficacité dans la prise en charge, victime de la corruption de ses élites, l’Afrique parvient jusqu’ici à contenir les ravages du Covid-19 avec sans doute l’appui de partenaires soucieux de son salut. Cela prouve que ce continent porte en lui des ressorts insoupçonnés lui permettant d’organiser une certaine résistance aux fléaux ambiants. Ce qui ne présage en rien de l’issue de la plus gigantesque déprime sanitaire du XXIe siècle.
C’est pourtant à ce niveau que l’Afrique et les Africains sont en droit d’attendre de tous leurs partenaires et amis les soutiens pour traverser cette situation difficile. De là découle l’une des leçons fondamentales à tirer de cette crise inattendue. C’est la nécessité pour les dirigeants africains de refonder – s’ils en ont encore la légitimité – les termes de la gouvernance autour d’un principe longtemps galvaudé au Sénégal sans jamais trouver de traduction concrète : «moins d’Etat, mieux d’Etat».
La crise du coronavirus a démontré qu’un Etat aux prérogatives régaliennes bien comprises et mises en œuvre avec intelligence ne dépérit jamais. Les pays africains ont besoin en urgence de cette vision pour se construire en répondant aux préoccupations de leurs populations, en particulier dans le domaine de la santé. Sous cet angle, beaucoup d’anomalies ne devraient plus se perpétuer, comme celle qui rémunère 100 000 FCFA une infirmière sur la ligne de front contre le coronavirus alors qu’un parlementaire formé à applaudir s’en tape quinze à vingt fois plus en dormant!
(Texte écrit le 8 avril 2020)
La (mauvaise) surprise dans cette « note diplomatique » est moins sa fonction classique d’aide à la décision au service des intérêts français en Afrique que le caractère peu pertinent de son contenu et les orientations brutales qu’elle suggère au point de citer, en les catégorisant, les bons et les méchants d’entre les Etats confrontés à la crise du coronavirus.
Une étude d’anticipation sur l’avenir à court terme de régimes politiques africains aurait supposé des éléments d’appréciation ne relevant pas seulement des conséquences alléguées du coronavirus. Le seul dénuement des systèmes sanitaires et hospitaliers de ces pays, le soulèvement des masses populaires, et même la fonction systémique qu’y joue cette autre pandémie qu’est la corruption suffisent-ils à accréditer des bouleversements aussi gigantesques que ceux prédits par le CAPS ? L’histoire à venir le dira.
Le désespoir dans l’analyse atteint un point critique quand les rédacteurs de la « note diplomatique » transforment leur cénacle en une entité extérieure de « Pôle Emploi » avec cet appel d’offres lancé à destination de certaines élites africaines priées de se mettre en situation pour présider à brève échéance les Etats dominos. Ce qui les placerait de facto sous l’influence et la protection de Paris. Un éternel recommencement !
L’Effet Pygmalion recherché saute aux yeux : on suggère aux hommes d’affaires fortunés (Tony Elumelu ?), artistes célèbres (Youssou Ndour ?), cadres religieux ((Mahmoud Dicko ?) et aux diasporas africaines de capturer et de canaliser les mécontentements généralisés pour prévenir le chaos et jouer un rôle de premier plan dans des transitions politiques qui seraient inévitables.
Il est difficile d’imaginer que ces prédictions abracadabrantesques soient celles de la France officielle, celle qui tente d’accompagner les mutations profondes, politiques et citoyennes, économiques et sociales, dans un continent en ébullition sur un rythme qui lui est propre. Mieux vaut alors ne pas condamner cette Afrique à la géhenne au moment où la crise du coronavirus dévoile de façon nette l’ampleur des incompétences, imprévoyances, corruptions et égoïsmes qui caractérisent les systèmes de gouvernance des pays occidentaux dans cette période de crise inédite.
Avec un système de santé publique gangrené par divers facteurs en termes d’efficacité dans la prise en charge, victime de la corruption de ses élites, l’Afrique parvient jusqu’ici à contenir les ravages du Covid-19 avec sans doute l’appui de partenaires soucieux de son salut. Cela prouve que ce continent porte en lui des ressorts insoupçonnés lui permettant d’organiser une certaine résistance aux fléaux ambiants. Ce qui ne présage en rien de l’issue de la plus gigantesque déprime sanitaire du XXIe siècle.
C’est pourtant à ce niveau que l’Afrique et les Africains sont en droit d’attendre de tous leurs partenaires et amis les soutiens pour traverser cette situation difficile. De là découle l’une des leçons fondamentales à tirer de cette crise inattendue. C’est la nécessité pour les dirigeants africains de refonder – s’ils en ont encore la légitimité – les termes de la gouvernance autour d’un principe longtemps galvaudé au Sénégal sans jamais trouver de traduction concrète : «moins d’Etat, mieux d’Etat».
La crise du coronavirus a démontré qu’un Etat aux prérogatives régaliennes bien comprises et mises en œuvre avec intelligence ne dépérit jamais. Les pays africains ont besoin en urgence de cette vision pour se construire en répondant aux préoccupations de leurs populations, en particulier dans le domaine de la santé. Sous cet angle, beaucoup d’anomalies ne devraient plus se perpétuer, comme celle qui rémunère 100 000 FCFA une infirmière sur la ligne de front contre le coronavirus alors qu’un parlementaire formé à applaudir s’en tape quinze à vingt fois plus en dormant!
(Texte écrit le 8 avril 2020)