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Fin de l’Accord de pêche de 2019-2024 : L’Union européenne anticipe le refus du Sénégal

Mardi 12 Novembre 2024

En s’appuyant sur les défaillances présumées des autorités sénégalaises dans la lutte contre la pêche frauduleuse, l’Union européenne annonce la fin de l’Accord de partenariat qui la liait au Sénégal depuis 2019 et qui expire ce 17 novembre 2024. Une décision qui donne à Dakar l’occasion de tirer meilleur parti des ressources d’un secteur névralgique pour l’économie et la vie sociale d’un pays aux prises avec la crise des migrants.

Dans la journée 17 novembre 2024, tous les navires européens auront quitté les eaux sénégalaises pour se replier en zone internationale avant de regagner leurs bases. Ce retrait marque la fin (provisoire ?) des accords de pêche en vigueur entre le Sénégal et l’Union européenne (UE) depuis 2019. Dans un communiqué du 12 novembre 2024, Bruxelles juge impossible de renouveler le partenariat de pêche avec Dakar au regard des « défaillances constatées dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » du coté sénégalais. 

 

Le 8 novembre dernier, la ministre sénégalaise des Pêches et des Infrastructures maritimes avait annoncé la tenue d’une conférence (ou point) de presse pour « une importante communication sur l’Accord de partenariat dans le Domaine de la pêche durable (APPD) entre la République du Sénégal et l’Union européenne ». Dans le communiqué publié à cet effet, Dr. Fatou Diouf rappelle que les accords de pêche entre les deux parties signés le 18 novembre 2019 arrivent « à terme le 17 novembre 2024 à minuit ».  

 

Depuis l’arrivée au pouvoir d’un nouveau régime en avril 2024, les autorités sénégalaises ont plusieurs fois exprimé leurs intentions : le non renouvellement automatique des accords de pêche avec l’UE et, potentiellement, leur renégociation sur des bases financières plus profitables au Sénégal. Dans le communiqué du ministère cité plus haut, la ministre Fatou Diouf la publication des « nouvelles orientations stratégiques du gouvernement pour une gestion durable de nos ressources halieutiques » qui mettent « en avant nos intérêts nationaux ». 

 

En annonçant la fin des accords de pêche avec le Sénégal, l’Union européenne a-t-elle anticipé cette volonté ? Apparemment, le « dialogue formel » entamé par les deux parties pour trouver solutions aux « défaillances » sénégalaises n’a pas abouti malgré les « échanges constructifs » de la commission mixte tenue dans la capitale belge les 5 et 6 novembre 2024.  

 

« Les partenaires se sont mis d’accord pour utiliser cette période de non-renouvellement, afin d’évaluer les résultats obtenus dans le cadre de l'accord actuel. L’UE reste disposée à soutenir le Sénégal dans ses efforts de lutte contre la pêche INN et à l’aider à remédier aux défaillances constatées », rassure le communiqué de l’UE.

 

Entre Dakar et Bruxelles, les « hostilités » avaient repris le 27 mai 2024, soit moins de deux mois après l’arrivée de Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République. Dans un communiqué, la Commission européenne, organe exécutif et dirigeant de l’Union européenne, annonçait avoir infligé un « carton jaune » au Sénégal. Le pays est alors « présélectionné en tant que pays non coopérant dans la lutte contre la pêche INN », accusé de trainer avec « de graves lacunes (…) ces dernières années » et à la peine pour « se conformer à ses obligations internationales en tant qu’Etat du pavillon, Etat du port, Etat côtier, ou Etat de commercialisation ».  

 
A LIRE : Accord de pêche : l’Union européenne veut-elle faire chanter le nouveau pouvoir sénégalais ?
 

La pêche INN est une forme illicite de pêche dont les prises ne sont pas déclarées et les moyens de capture non réglementés ou non homologués. Elle est considérée comme une menace contre la durabilité des ressources et les écosystèmes marins. A cet effet, « seuls les produits de la pêche capturés légalement peuvent accéder au marché » que représente l’espace des 27 pays membres de l’Union. 

  

Selon l’UE qui revendique le titre de premier importateur mondial de produits de la pêche, la pêche INN génère un chiffre d’affaires estimé entre 10 et 20 milliards d’euros par an. L’équivalent de prises comprises entre 11 et 26 millions de tonnes de poissons, soit 15% des captures mondiales annuelles. 

 

Le 9 mai 2024, environ 3 semaines avant le « carton jeune », Jean-Marc Pisani, chef de la Délégation de l’UE au Sénégal, avait fait part de la disponibilité de Bruxelles à « renégocier avec le gouvernement sénégalais (l’) accord de pêche ». Ce qui pouvait sous-entendre une perspective pour Dakar d’obtenir plus que la redevance annuelle de 1,115 milliards de francs CFA (environ 1,7 million d’euros) reçue en contrepartie des captures des bateaux européens. Un montant que l’UE juge raisonnable car les autorités sénégalaises ont également pu bénéficier d’une enveloppe annuelle de 590 millions de francs CFA (900 000 euros) pour des projets soutenant le secteur de la pêche. 

 

Que vont faire le président Bassirou Diomaye Faye et le premier ministre Ousmane Sonko ? L’espace maritime ainsi libéré par l’Union européenne laisse place certes à des possibilités réelles de donner un nouveau souffle au secteur de la pêche. Des ententes pourraient être scellées avec des pays ayant une expérience mondiale de la pêche, comme les Pays Bas, la Norvège, la Chine, la Russie… Des accords bilatéraux restent possibles avec des Etats comme la France et l’Espagne. Mais seraient-ils mieux rémunérés que ceux qui arrivent à terme avec l’UE ? C’est le grand défi des autorités sénégalaises à partir du 18 novembre 2024. 

 

Ce défi semble d’autant périlleux que sur la période 2019-2024, « les captures de la flotte européenne dans les eaux sénégalaises représentent moins de 1% des captures totales déclarées et réalisées par l’ensemble des flottes dans les eaux sénégalaises, soit près de 10 000 tonnes de poissons. Ces captures, visant uniquement le thon et le merlu noir, ont été réalisées dans les eaux sénégalaises au-delà de 12 milles nautiques des côtes, évitant ainsi une interférence avec les activités de la pêche artisanale sénégalaise », souligne le communiqué européen. 

 

Pour Bruxelles, c’est une manière, peut-être, de rejeter toutes responsabilités sur la crise migratoire qui s’est intensifiée depuis plusieurs mois avec des départs de plus en nombreux de jeunes sénégalais vers les Îles Canaries… Mais du point de vue des autorités sénégalaises, la rareté des ressources halieutiques imputable aux prises des grands navires étrangers dont chinois et européens serait justement une des causes de cette effervescence migratoire. 

 
 
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