« Malheureusement, nous sommes dans une sorte d’impasse sur ces deux questions, car nous avons des divisions sur la première et il y a clairement un manque de volonté sur la deuxième », a déclaré le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba vendredi lors d’une conférence internationale à Kyiv, des propos sous embargo jusqu’à samedi soir.
Les pays du « G7 sont fermement en faveur d’un tribunal […] hybride » basé sur la législation ukrainienne et qui ne permet pas selon Kyiv de lever l’immunité des dirigeants russes, dont le président Poutine, son premier ministre Mikhaïl Michoustine et le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, a assuré le ministre.
L’autre dossier épineux entre les Ukrainiens et leurs alliés concerne l’idée d’utiliser les actifs russes gelés en Occident depuis le début de l’invasion russe pour la reconstruction de l’Ukraine, ravagée par la guerre. Ce redressement est évalué à des centaines de milliards de dollars.
« Si un an et demi plus tard, j’entends toujours de l’Europe et de l’Amérique du Nord : nous travaillons là-dessus, […] je sais ce qui se passe. Il y a un manque de volonté pour arriver à une conclusion », a martelé M. Kouleba.
Les alliés occidentaux ont gelé plus de 300 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe et plusieurs dizaines de milliards d’euros de biens divers appartenant à des personnes ou des entités sanctionnées.
L’Ukraine, qui dépend énormément de l’aide occidentale militaire et financière face à Moscou, demande que ces fonds soient mis à sa disposition, mais les Occidentaux évoquent des difficultés juridiques.
Ces reproches interviennent alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a admis vendredi que la Russie ralentissait la contre-offensive militaire ukrainienne et que le temps jouait contre son pays.
« Si nous ne sommes pas dans le ciel et que la Russie y est, elle nous arrête depuis le ciel », a-t-il déclaré, lors de cette même conférence annuelle Yalta European Strategy (YES) à Kyiv.
Selon lui, la Russie mise sur une victoire républicaine à la présidentielle de 2024 pour affaiblir le soutien américain à Kyiv.
420 000 troupes russes en territoire ukrainien
Il a réclamé à nouveau plus d’armes, de plus longue portée, et plus vite. Et des sanctions contre Moscou.
Quelques heures plus tard, son nouveau ministre de la Défense Roustem Oumerov en a remis une couche, remerciant « pour tout le soutien fourni », mais pointant le « besoin de davantage d’armes lourdes ». « Nous en avons besoin aujourd’hui. Nous en avons besoin maintenant », a-t-il ajouté.
L’Ukraine se plaint notamment depuis des mois de la lenteur des négociations sur la livraison de chasseurs F-16.
Plusieurs dizaines de ces appareils américains seront finalement livrés par des pays européens, mais il faut maintenant former les équipages durant des mois.
La contre-offensive ukrainienne lancée en juin s’est heurtée à de puissantes lignes de défense construites par les Russes, faites notamment de champs de mines et de pièges antichars.
Une percée s’est dessinée ces dernières semaines dans le sud, pouvant permettre à l’armée ukrainienne d’avancer pour couper les lignes de communication russes entre le nord et la Crimée, un de ses objectifs.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui était à Kyiv mercredi et jeudi, a évoqué des « progrès importants » de l’offensive « très, très encourageants » promettant une nouvelle aide d’un milliard de dollars et la fourniture d’obus à l’uranium appauvri.
Le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov a de son côté affirmé samedi que les frappes contre la Russie visent essentiellement des entreprises militaires de ce pays.
Les attaques visent « avant tout des entreprises du complexe militaro-industriel russe », a-t-il déclaré lors d’une rare apparition publique pendant la conférence YES.
M. Boudanov a notamment dit qu’une usine russe fabriquant des puces électroniques pour des missiles Iskander, souvent utilisés par Moscou pour bombarder l’Ukraine, avait « récemment » été attaquée.
Des attaques de drones et actes de sabotage se sont multipliées en Russie ces derniers mois touchant Moscou et diverses régions russes, parfois en profondeur du pays, Kyiv s’est de plus en plus souvent impliqué en revendiquant la responsabilité.
La Russie continuant ses bombardements de l’Ukraine, la Roumanie, membre de l’OTAN, a annoncé la découverte samedi près de la frontière ukrainienne de débris de drone « similaire à ceux utilisés par l’armée russe » et dénoncé une violation de son espace aérien.
« Rien n’indique qu’il y a eu intention de frapper l’OTAN, mais les attaques sont déstabilisantes », a réagi le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg sur le réseau X (anciennement Twitter).
La Russie a aussi « concentré plus de 420 000 militaires » dans les territoires ukrainiens occupés, dont la Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014, selon Vadym Skibitsky, adjoint de M. Boudanov. (AFP)