La vice-présidente américaine Kamala Harris, le premier ministre chinois Li Qiang et le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov se sont réunis jeudi au sommet de l’Asie de l’Est, lors duquel le dirigeant de l’Indonésie, qui préside l’ASEAN, a mis en garde contre les rivalités croissantes entre puissances.
Le sommet a mis autour de la même table les hauts responsables de Washington et Pékin, un jour après que le premier ministre chinois a averti que les grandes puissances devaient contenir leurs différends pour éviter une « nouvelle Guerre froide ».
La réunion dans la capitale indonésienne Jakarta rassemblait les dirigeants de 18 pays, dont ceux de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) et des principales puissances impliquées dans la région.
Les échanges entre les responsables des deux plus grandes économies mondiales étaient scrutés dans un contexte de tensions sur des questions allant de Taïwan aux relations avec Moscou en passant par la rivalité dans le Pacifique, quelques jours avant le sommet du G20 qui se tiendra à New Delhi samedi et dimanche.
« Chaque dirigeant a une égale responsabilité pour ne pas créer de conflits, ne pas provoquer de nouvelles tensions, et en même temps […] réduire les points de friction », a déclaré le président indonésien Joko Widodo après le sommet.
« Je peux garantir que si nous ne sommes pas capables de gérer nos différends, nous serons détruits ».
Kamala Harris a dénoncé au sommet « l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie », les défis sécuritaires en mer de Chine méridionale et la menace des missiles nord-coréens, a indiqué Daniel Kritenbrink, le sous-secrétaire d’État américain pour l’Asie de l’Est à des journalistes.
Mais le communiqué conjoint du sommet, vu par l’AFP, a omis toute mention de la mer de Chine méridionale, revendiquée en grande partie par la Chine, au grand dam de ses voisins, ou de la guerre en Ukraine.
Un paragraphe faisant référence à cette zone maritime disputée a été supprimé, a indiqué un diplomate à l’AFP.
« La Chine a refusé, or ce texte est négocié. C’est aussi pour cela qu’il n’y a pas de paragraphe sur l’Ukraine, parce que la Russie s’y est opposée », a-t-il indiqué sous couvert de l’anonymat.
Le sommet de jeudi était aussi la première occasion pour de hauts responsables américain et russe de se rencontrer, près de deux mois après une précédente réunion de l’ASEAN tendue en juillet à Jakarta lors de laquelle les Occidentaux avaient demandé des comptes à Sergueï Lavrov sur l’invasion de l’Ukraine.
Le ministre russe des Affaires étrangères a dénoncé jeudi le risque d’une militarisation de l’Asie orientale, accusant l’OTAN d’avoir la volonté de pénétrer dans la région. Il a aussi mis en garde contre l’alliance militaire Aukus entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, décrite comme « conflictuelle », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères russe.
Le premier ministre indien Narendra Modi, le premier ministre japonais Fumio Kishida, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol, le premier ministre canadien Justin Trudeau et le premier ministre australien Anthony Albanese, assistaient au sommet aux côtés des responsables de l’ASEAN.
Avertissements sur la mer de Chine
Le dirigeant sud-coréen a déclaré que toute tentative unilatérale de changer le statu quo en mer de Chine méridionale était « inacceptable » et réclamé « un ordre maritime basé sur le droit » pour réguler cette zone maritime stratégique pour les échanges mondiaux.
Le président philippin Ferdinand Marcos a appelé ses partenaires à s’opposer à « l’utilisation dangereuse des garde-côtes » et de tous navires utilisés par les autorités chinoises, après plusieurs incidents avec des bateaux chinois ces derniers mois, selon un discours publié par le palais.
En marge du sommet, le premier ministre australien a rencontré son homologue chinois et confirmé qu’il se rendrait en visite officielle en Chine « plus tard cette année », alors que Canberra travaille à un réchauffement des relations avec Pékin.
Li Qiang a indiqué que Pékin était prêt à relancer les échanges bilatéraux, après plusieurs années de gel, selon l’agence étatique Xinhua.
Le premier ministre indien Narendra Modi s’est adressé à ses partenaires du sommet, indiquant qu’il était essentiel de « construire un ordre mondial post-COVID-19 fondé sur le droit » et a appelé à des efforts collectifs en faveur d’un espace « Indo-Pacifique libre et ouvert ».
Au cours du sommet de l’ASEAN, organisé en début de semaine et dominé par la crise en Birmanie, les dirigeants avaient dénoncé les attaques de la junte contre les civils.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a dénoncé jeudi « la répression systématique » qui sape les espoirs de retour de la démocratie en Birmanie, représentée par une chaise vide au sommet.
« La violence brutale, la pauvreté qui s’accroît et la répression systématique brisent les espoirs d’un retour à la démocratie », a déclaré M. Guterres. [AFP]