Tiraillée entre sa tradition libertaire et ses prétentions d'eldorado numérique embourgeoisé, Berlin voit exploser ses contradictions avec l'arrivée contestée d'un avant-poste du géant californien Google dans le quartier de Kreuzberg.
"Fuck off Google": entre manifestations mensuelles et tags rageurs, aucun des six projets de campus de Google à travers le monde n'a été accueilli aussi froidement que dans la capitale allemande.
Le géant du net prévoit d'installer en octobre, dans une friche industrielle de l'ouest de Berlin, 3.000 m2 de bureaux, cafés et espace de coworking, une vitrine locale de l'esprit californien de Mountain View, où siège Google.
Mais si à Séoul, Madrid, Varsovie ou Tel-Aviv le groupe a pu surfer sur son image d'employeur "cool", distribuant à volonté snacks, massages et pauses billard, Berlin le voit débarquer avec méfiance.
"Que cette méga-corporation dont le modèle économique est basé sur la surveillance de masse et qui spécule à tout va débarque ici, alors que la gentrification s'accélère et que des tas de gens sont en train de se faire virer (de leur logement), est d'une arrogance et d'une violence extrême", tempête auprès de l'AFP l'un des organisateurs de la campagne "Fuck off Google", un hackeur connu sous le pseudo de Larry Pageblank.
Le collectif organise chaque premier vendredi du mois une manifestation devant le futur campus. Un nouveau tag a fait son apparition sur les murs décatis et les ponts du canal, appelant, selon l'expression consacrée en anglais, Google à aller voir ailleurs.
- "Ferme industrielle à idées" -
Pour Ralf Bremer, le porte-parole de Google Allemagne, cette diabolisation est exagérée. Il assure que "ce lieu sera ouvert au public extérieur, à ceux intéressés par l'entrepreneuriat et les start-up". Le campus, ajoute-t-il, sera doté d'une "mezzanine" destinée à accueillir les "résidents" d'un programme d'incubation et seuls cinq employés de la firme californienne y travailleront à plein temps.
Mais pour ses détracteurs, Google joue la stratégie du cheval de Troie: "ils vont installer ici une ferme industrielle pour récolter les idées, les talents et les projets puis les intégrer à l'empire Google, en passant par l'Irlande et les Pays-Bas pour ne pas payer d’impôts", affirme le militant Larry Pageblank.
Le maire de Berlin, le social-démocrate Michael Müller, est pour sa part convaincu que le projet va stimuler l'économie et l'emploi dans une ville encore à la traîne par rapport au sud et à l'ouest du pays, mais en passe de s'imposer parmi les capitales mondiales de la tech.
Le site de mode en ligne Zalando, l'incubateur Rocket Internet et même Google avec son vaste espace de coworking baptisé Factory y ont déjà pignon sur rue. En termes d'investissements, les start-up berlinoises ont d'ailleurs levé en 2018 plus que Paris ou Londres, soit 3,1 milliards d'euros selon le classement annuel du cabinet EY.
- "Silicon Allee" -
Mais en gagnant son titre de "Silicon Allee", Berlin a pris un virage sociologique et laissé dans le rétroviseur l'époque des grands lofts d'artistes loués pour quelques centaines d'euros, voire squattés.
Selon une étude menée par le cabinet Knight Fox, c'est à Berlin que les prix de l'immobilier augmentent le plus au monde en ce moment, avec un bond de 20,5% entre 2016 et 2017 et jusqu'à 71% pour le quartier de Kreuzberg.
Naguère limitrophe du mur, cette vaste zone de Berlin ouest où se côtoient barres d'immeubles et bars à cocktails est historiquement un bastion de l'underground et des mouvances antifasciste et anarchiste, déjà rodé aux luttes anti-expulsion.
La direction de Google, qui a reporté pour des raisons logistiques l'ouverture du site, initialement prévue cet été, refuse de servir de bouc émissaire pour l'embourgeoisement de Berlin, qu'elle considère comme irréversible.
"Nous sommes aussi des Berlinois. On habite ici, on sait que les loyers augmentent depuis les années 2000. On ne peut pas lutter contre cette gentrification (...) mais nous pouvons proposer des choses attractives aux habitants, comme des ateliers et des événements ouverts à tous et gratuits", se défend M. Bremer.
"Chez Google, rien n'est jamais gratuit, votre café vous allez le payer en données personnelles", s'indigne le militant du comité anti-Google, assurant que Kreuzberg ne se laissera pas "imposer un mode de vie copié-collé de la Silicon Valley".
"Fuck off Google": entre manifestations mensuelles et tags rageurs, aucun des six projets de campus de Google à travers le monde n'a été accueilli aussi froidement que dans la capitale allemande.
Le géant du net prévoit d'installer en octobre, dans une friche industrielle de l'ouest de Berlin, 3.000 m2 de bureaux, cafés et espace de coworking, une vitrine locale de l'esprit californien de Mountain View, où siège Google.
Mais si à Séoul, Madrid, Varsovie ou Tel-Aviv le groupe a pu surfer sur son image d'employeur "cool", distribuant à volonté snacks, massages et pauses billard, Berlin le voit débarquer avec méfiance.
"Que cette méga-corporation dont le modèle économique est basé sur la surveillance de masse et qui spécule à tout va débarque ici, alors que la gentrification s'accélère et que des tas de gens sont en train de se faire virer (de leur logement), est d'une arrogance et d'une violence extrême", tempête auprès de l'AFP l'un des organisateurs de la campagne "Fuck off Google", un hackeur connu sous le pseudo de Larry Pageblank.
Le collectif organise chaque premier vendredi du mois une manifestation devant le futur campus. Un nouveau tag a fait son apparition sur les murs décatis et les ponts du canal, appelant, selon l'expression consacrée en anglais, Google à aller voir ailleurs.
- "Ferme industrielle à idées" -
Pour Ralf Bremer, le porte-parole de Google Allemagne, cette diabolisation est exagérée. Il assure que "ce lieu sera ouvert au public extérieur, à ceux intéressés par l'entrepreneuriat et les start-up". Le campus, ajoute-t-il, sera doté d'une "mezzanine" destinée à accueillir les "résidents" d'un programme d'incubation et seuls cinq employés de la firme californienne y travailleront à plein temps.
Mais pour ses détracteurs, Google joue la stratégie du cheval de Troie: "ils vont installer ici une ferme industrielle pour récolter les idées, les talents et les projets puis les intégrer à l'empire Google, en passant par l'Irlande et les Pays-Bas pour ne pas payer d’impôts", affirme le militant Larry Pageblank.
Le maire de Berlin, le social-démocrate Michael Müller, est pour sa part convaincu que le projet va stimuler l'économie et l'emploi dans une ville encore à la traîne par rapport au sud et à l'ouest du pays, mais en passe de s'imposer parmi les capitales mondiales de la tech.
Le site de mode en ligne Zalando, l'incubateur Rocket Internet et même Google avec son vaste espace de coworking baptisé Factory y ont déjà pignon sur rue. En termes d'investissements, les start-up berlinoises ont d'ailleurs levé en 2018 plus que Paris ou Londres, soit 3,1 milliards d'euros selon le classement annuel du cabinet EY.
- "Silicon Allee" -
Mais en gagnant son titre de "Silicon Allee", Berlin a pris un virage sociologique et laissé dans le rétroviseur l'époque des grands lofts d'artistes loués pour quelques centaines d'euros, voire squattés.
Selon une étude menée par le cabinet Knight Fox, c'est à Berlin que les prix de l'immobilier augmentent le plus au monde en ce moment, avec un bond de 20,5% entre 2016 et 2017 et jusqu'à 71% pour le quartier de Kreuzberg.
Naguère limitrophe du mur, cette vaste zone de Berlin ouest où se côtoient barres d'immeubles et bars à cocktails est historiquement un bastion de l'underground et des mouvances antifasciste et anarchiste, déjà rodé aux luttes anti-expulsion.
La direction de Google, qui a reporté pour des raisons logistiques l'ouverture du site, initialement prévue cet été, refuse de servir de bouc émissaire pour l'embourgeoisement de Berlin, qu'elle considère comme irréversible.
"Nous sommes aussi des Berlinois. On habite ici, on sait que les loyers augmentent depuis les années 2000. On ne peut pas lutter contre cette gentrification (...) mais nous pouvons proposer des choses attractives aux habitants, comme des ateliers et des événements ouverts à tous et gratuits", se défend M. Bremer.
"Chez Google, rien n'est jamais gratuit, votre café vous allez le payer en données personnelles", s'indigne le militant du comité anti-Google, assurant que Kreuzberg ne se laissera pas "imposer un mode de vie copié-collé de la Silicon Valley".