Les patriotes panafricains se sont réjouis à juste titre de l’expulsion des troupes françafricaine, eurafricaine et usafricaine du Mali, du Burkina et du Niger, trois pays qui ont ensuite souverainement fondé la Confédération des États du Sahel (AES). Le Tchad puis le Sénégal ont par la suite annoncé le départ des bases militaires françaises.
Jusque là, il n'y avait que des raisons de se réjouir de ces décisions souveraines de mettre fin à l’occupation militaire française qui perdure depuis les années 60 sur la base des « accords de défense militaire » partie intégrante des « accords de coopération » incluant la pérennisation du franc colonial CFA, le monopole de l’exploitation par les Multinationales que De Gaulle avait imposé aux renégats de la lutte anticoloniale faisant passer nos pays de colonies en néo-colonies.
Mais voilà que celui qui a été fait président de la Côte d’Ivoire sur les chars du 43éme BIMA et du bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët piliers de l’armada occupante française vient de jeter le trouble lors de son message de fin d’année en déclarant : « Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire … Ainsi, le camp du 43ème BIMA, le bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux forces armées de Côte d’Ivoire dès ce mois de janvier 2025 ».
Nos camarades du Parti Communiste du Bénin (PCB) attire l’attention sur l’audition parlementaire, en janvier 2024, du Chef d’État-major français des Armées (CEMA), le général Thierry Burkhard, qui recommandait la nécessité d’invisibiliser l’occupation militaire de l’Afrique par l’impérialisme françafricain, eurafricain et usafricain ainsi : « Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités ». Et le président Macron de préciser aux « armées françaises » à Djibouti le 20 décembre 2024 que « Notre rôle change en Afrique […] parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent... vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, à l’équipement, en renseignement, pour des opérations spécifiques ».
Nos camarades du Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d’Ivoire (PCRCI) informent que « Créé en 1914, le 43ème Régiment d’Infanterie (RI) est un détachement de l’armée coloniale qui a servi de poste pour les deux guerres mondiales, la guerre d’Indochine, d’Algérie. Il a été rebaptisé en 1978, 43ème BIMA (Bataillon d’Infanterie de la Marine à Abidjan) sans changer la mission principale à lui assignée, à savoir, veiller sur les intérêts des puissances impérialistes en particulier français, surveiller les pouvoirs néocoloniaux et intervenir militairement si nécessaire pour imposer l’ordre néocolonial ».
Nos camarades communistes de Côte d’Ivoire précisent : « il ne s’agit pas d’une décision de Ouattara de faire partir l’armée française, mais d’une rétrocession du patrimoine foncier de la France à la Côte d’Ivoire. Pour que le peuple de Côte d’Ivoire considère que c’est une décision de faire partir le 43ème BIMA, il eut fallu d’abord rompre les accords de défense de 1961, qui octroient la propriété de cette terre à la France ».
Ils ajoutent :« Basée à Port Bouet, cette armée française, selon les accords de défense entre la Côte d’Ivoire et la France de 1961, a le droit d’importer et d’exporter tous matériels sans autorisation de la douane. Elle a le droit de faire des opérations militaires sur toute l’étendue du territoire, sans autorisation des autorités militaires et politiques nationales ou régionales… L’armée française, a créé une école internationale de lutte contre le terrorisme à Jacqueville. De même, les militaires américains chassés du Sahel ont eu l’autorisation de créer une base militaire dans la région d’Odienné, une région près de la frontière avec le Mali et la Guinée. La décision de récupération du 43ème BIMA ne mentionne pas ces autres bases militaires ».
Le PCRCI mentionne que « Le mot d’ordre du départ sans condition des armées françaises de Côte d’Ivoire est devenu, depuis 2011, un mot d’ordre du peuple de Côte d’Ivoire en lutte pour sa souveraineté totale. En effet, les combats contre la rébellion de 2002 à 2011, armée par la France, le bombardement du palais présidentiel par l’armée française pour déloger Gbagbo et installé Ouattara, ont mis à l’ordre du jour cette revendication longtemps propagée par les communistes et les panafricanistes ».
Important le rappel suivant du PCRCI : « En 1958, Houphouët a dit oui à la communauté pour tuer le désir d’indépendance et le panafricanisme. Aujourd’hui ce combat reste entier en Afrique et en Côte d’Ivoire où il s’exprime par la violence avec des millions de morts. Les pays membres de la CEDEAO ont décidé en 2014, de mettre en place une monnaie unique non arrimée à une quelconque monnaie. En 2019, Alassane Ouattara propose à grande pompe avec Macron la création de l’ECO-CFA. Le projet ECO, tel que voulu par les peuples est mort… Hélas pour ces charlatans, les peuples ont largement gagné en maturité dans le combat contre l’impérialisme. Le verdict dans les rues d’Abidjan est sans appel; cette décision est du pipeau (une sorte d’arnaque politique) disent les Ivoiriens ».
Il apparaît donc que la sortie de l’actuel président Ivoirien est une conséquence des mobilisations populaires pour dire « Non à l'occupation de nos pays par les bases militaires françafricaine, eurafricaine et usafricaine. Mais c’est là aussi un stratagème partie prenante de la nouvelle manœuvre néocoloniale qui ressemble fort à une tentative de transformer nos armées africaines en une nouvelle « force noire de tirailleurs » au service du maintien de la domination et de l’hégémonie de l’impérialisme françafricain, eurafricain, usafricain. Ils partent tout en restant tout comme L.S. Senghor voulait « l’indépendance immédiate mais pas immédiatement » avant 1960.
Le nouveau pouvoir souverainiste du Sénégal doit clairement adosser sa décision de faire partir les bases militaires françaises et étrangères à la rupture donc à l’annulation, y compris par voie parlementaire, « des accords de défense » de 1960.
Diagne Fodé Roland