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Cartes d’électeurs : La responsabilité pénale du Directeur de la DAF et des Maires fraudeurs

Dimanche 11 Novembre 2018

Le commissaire Ibrahima Diallo, directeur de l'automatisation du fichier (DAF)
Le commissaire Ibrahima Diallo, directeur de l'automatisation du fichier (DAF)
«Souvent, les gouvernants profitent de l’inattention des citoyens pour commettre leurs forfaits.»

Si le rapport des Experts de l’Union Européenne (Mission d’Audit du Fichier Electoral) n’a pas fait l’objet d’une attention particulière à l’époque, c’est parce que dès sa publication le 26 février 2018, les partisans du régime se sont épanchés dans les médias, pour circonscrire l’audit sur l’unique angle de la fiabilité du fichier électoral. La conclusion des Experts de la MAFE sur 1 volet de l’Audit précisant que « Le fichier électoral, bien que perfectible, est cohérent, de bonne qualité, et constitue une base solide pour l’organisation de prochaines élections » a fait l’objet d’une intense campagne de désinformation de la part du régime qui n’a extrait du rapport qu’un seul point : la fiabilité du fichier.

Une lecture attentive des 97 pages du rapport de la MAFE prouve que cette démarche est fausse, sélective et parcellaire. Le camouflage des révélations compromettantes du rapport de la MAFE (dispositif inédit de fraude par détournement des procédures par la Direction de l’Automatisation du Fichier en amont du scrutin du 30 juillet 2017, et révélation sur les pratiques illégales de Maires fraudeurs) n’échappe pas à la vigilance des citoyens. L’accent sera également mis sur les manquement graves de la CENA dans l’exercice de ses missions, et son éviction du processus électoral par le Ministère de l’Intérieur.Il sera démontré dans quelle mesure, l’organe, par un silence coupable a cautionné la forfaiture du 30 juillet 2017.

1). Le champ couvert par l’audit de la MAFE porte sur l’ensemble du processus électoral

D’emblée, à la page 9 du rapport, les Experts de l’Union Européenne ont tenu à préciser le champ de l’audit « Dans la définition de son approche de l’audit du fichier électoral, la MAFE 2018 a élargi le champ de ses travaux à l’ensemble des objectifs généraux et spécifiques spécifiés dans les TDR (Termes De Référence) de l’audit du fichier électoral. Une attention particulière a été accordée aux dysfonctionnements survenus en amont et durant le scrutin du 30 juillet 2017 ». C’est clair, net et précis, c’est le processus électoral (refonte partielle, couplage carte d’identité/carte d’électeur scrutin du 30 juillet 2017, fichier...) a fait l’objet d’une analyse fouillée.

2). Le Directeur de la DAF doit être traduit en Justice pour « atteinte au Droit de vote »

Un des points marquants du rapport de la MAFE (cf page 74 intitulée « Revue de la distribution des cartes ») concerne la distribution des cartes d’électeurs avant le scrutin faussé du 30 juillet 2017. C’est à partir des locaux du Ministère de l’Intérieur que la neutralisation du vote des sénégalais a été mise en œuvre. En modifiant frauduleusement la procédure de distribution des cartes d’électeurs, la Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF) a littéralement violé les dispositions de l’article L 11.5 du code électoral. Ce changement de procédure a été à l’origine de la privation de vote de 1 650 462 citoyens (45% du corps électoral au 30 juillet 2017).

Le rapport de la MAFE démontre clairement à la page 74 que la neutralisation du vote de millions de sénégalais a été voulue et mise en œuvre par le Ministère de l’Intérieur. Il est écrit à la page 74 : « Au niveau central (DAF), un changement de procédure a entraîné des perturbations majeures, les cartes produites sont conditionnées avant leur envoi vers les commissions de distribution. La phase de tri est capitale et était très bien organisée. Chaque équipe, sous l’œil vigilant d’au moins un contrôleur de la CENA, procédait au tri des cartes par commission d’enrôlement.

Malheureusement, les autorités du Ministère de l’Intérieur ont décidé par la suite d’expédier les cartes en vrac,vers les autorités locales désormais responsables du tri ». Plus grave, le rapport de la CENA sur les législatives (page 24) confirme que « la procédure initiale permettait de renseigner un citoyen sur le lieu de retrait de sa carte en lui indiquant même le numéro de la boîte contenant celle-ci ». Il est établi qu’au début, tout fonctionnait normalement jusqu’à ce que la DAF décide soudainement de changer la procédure et d’écarter la CENA, dans l’unique but de neutraliser le vote de millions de sénégalais. Au regard de ces éléments consignés dans le rapport de la MAFE, le Directeur de la DAF (Ibrahima DIALLO) doit être arrêté et traduit en justice pour les infractions suivantes : violation de l’article 3 de la Constitution (atteinte grave et délibérée au droit de vote), et violation de l’article L 11.5 du code électoral qui relève du délit d’entrave à l’exercice d’une mission d’un organe indépendant (CENA) chargé du contrôle et de la supervision des opérations électorales. Au-delà du Directeur de la DAF (un lampiste), une enquête doit être diligentée pour identifier les donneurs d’ordre de cette décision illégale (fraude indirecte par détournement de procédure) qui a faussé les résultats du scrutin 30 juillet 2017, une élection qui n’est ni transparente, ni sincère, ni démocratique, encore moins crédible.

3). La CENA a failli gravement à sa mission de contrôle avant et pendant le scrutin du 30 juillet 2017

Un des scandales mis en exergue par la MAFE réside dans le fait que la CENA ait été entravée et dépouillée de l’une de ses prérogatives essentielles en matière électorale (supervision de la distribution des cartes d’électeurs). Pour choisir librement leurs gouvernants, les citoyens doivent pouvoir exercer leur Droit de vote. Cette exigence préalable (mise à disposition des cartes d’électeurs aux ayants droits) n’a pas été satisfaite, car le Ministère de l’Intérieur a géré l’édition, le tri, et l’expédition en vrac des cartes d’électeurs aux autorités administratives, sans aucune supervision de la CENA. L’organe a été complètement écarté du processus (cf pages 74 et 75).

De fait, la CENA a été dépouillée de sa mission consistant à superviser et contrôler l’impression, la distribution et la conservation des cartes d’électeur conformément à l’article L.11 5 du code électoral. En constatant l’impossibilité de réaliser sa mission, la CENA devait appliquer les dispositions prévues à l’article L.6 du code électoral « En cas de non-respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux élections ou référendums par une autorité administrative, la C.E.N.A, après une mise en demeure, peut prendre des décisions immédiatement exécutoires d’injonction, de rectification, de dessaisissement, de substitution d’action dans le cadre des opérations électorales et référendaires, nonobstant son pouvoir de saisine des juridictions».

Les dispositions de l’article L.6 du code électoral sont confortées par L’article L.13 du code électoral (pouvoir de saisine du Procureur de la République). En n’exerçant pas les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles L.6 et L.13 du code électoral pour engager des poursuites judiciaires à l’encontre du Directeur de la DAF, la CENA a manqué à ses obligations, commis une faute lourde et cautionné la forfaiture du 30 juillet 2017.

A la page 24 du rapport de la MAFE, de nombreux manquements graves ont été relevés (retrait des cartes par des tiers, non affichage des listes électorales, non remise dans les délais des listes d’électeurs par bureaux de vote sur supports électroniques et papier…) qui prouvent l’éviction de la CENA, sur les aspects essentiels du processus électoral. Dans son rapport sur les élections législatives du 30 juillet 2017, la CENA reconnait elle-même (page 34) « qu’elle n’a pas été associée à l’envoi du matériel électoral et des documents électoraux aux autorités administratives ».

Dans une lettre en date du 07 juillet 2017, référencée N° 667/CENA/PDT/CDE et adressée au Ministère de l’Intérieur de l’époque, Abdoulaye Daouda Diallo, le Président de la CENA, Doudou NDIR écrivait: « il nous a été donné de constater que le CENA qui doit être présente à toutes les étapes du processus électoral n’a pas été associée aux choix des couleurs des bulletins des candidats aux élections législatives du 30 juillet 2017, pas plus qu’elle n’a reçu copie des bons à tirer de ces bulletins ».Mais le plus grave est à venir.

Dans son rapport (page 46), la CENA précise avoir « noté le manque, et l’absence totale de bulletins de certaines coalitions dans des bureaux de vote tant au plan national qu’à l’extérieur ». Un aveu de taille qui prouve que le scrutin du 30 juillet 2017 (même en amont) a été piloté directement par le Ministère de l’Intérieur (cartes d’électeurs,matériel électoral, impression des bulletins, liste électeurs..».

Au lieu d’attendre la fin des législatives de 2017 pour alerter l’opinion sur les dysfonctionnements graves qui ont faussé la régularité et la sincérité du scrutin du 30 juillet 2017, les membres de la CENA auraient dû marquer leur désapprobation totale quant à la mainmise du Ministère de l’Intérieur sur le processus électoral, par un acte d’une haute portée : une démission collective actant leur retrait. Le récent communiqué par lequel la CENA « annonce le démarrage de la distribution des cartes d’électeurs sous sa supervision, suivant les dispositions de l’article L11.5 du code électoral » suscite un questionnement : au vu de ce qui s’est passé le 30 juillet 2017, le doute est permis sur la capacité de la CENA à exercer sa mission de contrôle et de supervision du scrutin présidentiel du 24 février 2019.

4). La MAFE alerte sur le risque de fraude massive aux élections de 2019 (Maires fraudeurs - page 35)

A la page 35 du rapport de la MAFE, les experts de l’Union Européenne signalent que dans « plusieurs localités, des certificats de complaisance ont été délivrés frauduleusement par des maires afin d’opérer des transferts d’électeurs fictifs dans leurs circonscriptions ». Et la MAFE d’alerter clairement sur le fait que « ces tentatives de fraudes qui sont souvent allées de pair avec la production de faux extraits de naissance pourraient influencer les élections locales prévues en 2019 ». Les termes sont clairs : c’est écrit noir sur blanc à la page 35 du rapport.

En réalité, l’ampleur des fraudes influencera les élections locales de 2019, et impactera directement le scrutin présidentiel de 2019. Cette révélation extrêmement grave des Experts de la MAFE sur le risque de fraude électorale en 2019, contredit les déclarations mensongères du régime selon lesquelles il est impossible de frauder au Sénégal. Elle prouve qu’il est parfaitement possible de frauder avec un fichier fiable. Compte tenu de la gravité des infractions (les faits sont prouvés et établis), le Procureur de la République doit ordonner l’arrestation de tous les Maires fraudeurs concernés pour faux, faux en écriture et production de documents administratifs frauduleux, en vue d’influencer le résultat des scrutins à venir. Au-delà des sanctions pénales, les citoyens sont en droit d’exiger la publication intégrale de la liste de tous les Maires fraudeurs ainsi que les localités concernées.

5). Le FAKE NEWS du régime : le rapport de la MAFE concerne la fiabilité du fichier électoral
La fureur du bruit ne se substitue nullement aux faits. Dans notre analyse intitulée « Cartes d’électeurs : le rapport compromettant des Experts de l’Union Européenne », le point 5 est libellé : « La fiabilité du fichier électoral ne garantit nullement la sincérité d’un scrutin ». En effet, si dans le rapport de la MAFE, il est écrit que « Le fichier électoral, bien que perfectible, est cohérent, de bonne qualité, et constitue une base solide pour l’organisation de prochaines élections », les révélations compromettantes des Experts de l’Union Européenne ont permis :

a). De dévoiler les pratiques frauduleuses de la DAF, liées à la modification de la procédure de distribution des cartes d’électeurs, qui ont faussé le scrutin du 30 juillet 2017,

b). De démontrer l’éviction de la CENA des aspects majeurs de l’électoral, processus, une CENA dépouillée de ses prérogatives essentielles, et qui a cautionné la forfaiture du régime,

c). D’alerter sur le risque de fraude massive pour les élections 2019.

Il ne faut pas confondre fichier électoral et processus électoral. C’est une des raisons pour lesquelles la MAFE a recommandé (page 24 du rapport) de « Confier la gestion du fichier électoral à une autorité différente de la DAF ». Tous ces éléments qui figurent en bonne place dans le rapport de la MAFE du 26 février 2018 n’ont jamais fait l’objet d’un débat public, ni d’une communication appropriée, du fait d’une propagande du régime. Quelle est l’information prioritaire à retenir par l’opinion publique dans le rapport d’audit de la MAFE du 26 janvier 2018 ? L’information selon laquelle le fichier électoral est fiable ? Ou l’alerte de la MAFE sur le risque de fraude, concernant la production massive de faux documents (extraits de naissance) par des Maires fraudeurs, en vue fausser les résultats des présidentielles et des locales de 2019 ?

En conclusion, la démarche du régime visant à circonscrire l’Audit de la MAFE sur l’unique angle de la fiabilité du fichier électoral constitue un grossier FAKE NEWS.

Rappel aux citoyens :
  • Lors du référendum du 20 mars 2016, le fichier était fiable :  il y a eu un écart considérable de 1213 bureaux de votes (différence entre les chiffres du Ministre de l'Intérieur (12 381 bureaux de vote) et ceux donnés par le Président de la Commission nationale de recensement des bureaux de vote, Demba KANDJI, « 13 954 bureaux de vote »). 
 
  • Lors du scrutin faussé du 30 juillet 2017, le fichier était fiable : 1 650 462 électeurs ont été volontairement privés du droit de vote par la DAF ; le scrutin a été saboté à Touba (147 bureaux de vote saccagés) ; et des ordres de missions, ont déversés par milliers à Dakar, pour inverser le sens du scrutin. Le député Khalifa SALL est une des victimes des transferts fictifs d’électeurs.
 
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

Sources
  • Rapport de la MAFE du 26 juillet 2018,
  • Rapport de la CENA sur les législatives du 30 juillet 2017,
  • Loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral, et Loi n° 2018-22 du 04 juillet 2018 portant révision du Code électoral.
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