La vilaine mouche qui a piqué Kaïs Saïed l’incitant à cracher des énormités contre les migrants subsahariens présents en Tunisie est peut-être la même qui a quitté le palais de Carthage et survolé la Méditerranée pour venir tétaniser les chefs d’Etat africains en neutralisant toutes paroles de leur part. En fin de compte, la brutalité raciste du président tunisien contre ceux qu’il appelle « les hordes de migrants clandestins » venus de pays subsahariens et responsables des « violences, crimes et actes inacceptables » est restée sans réponse.
Ce silence passif qui fait les affaires du putschiste Saïed, vicieux et cynique, déterminé à substituer à l’enjeu de sa propre illégitimité politique et institutionnelle la question migratoire. Celle-ci devient ipso facto l’échappatoire qui l’éloigne (un moment) de ses agressions attentatoires aux principes élémentaires de la démocratie représentative et de la séparation des pouvoirs. Une dérive entamée au lendemain de son arrivée au pouvoir en décembre 2021. Par leur silence coupable, ses pairs subsahariens lui ont ouvert un boulevard inespéré en politique intérieure.
Derrière le paravent institutionnel qu’est la Commission de l’Union africaine, les chefs d’Etat de l’Afrique située au Sud du Sahara ont donc préféré se la jouer « Embedded » dans une embarcation diplomatiquement conçue et construite pour que marées hautes, houles et noyades ne soient jamais des risques de chavirement vers l’enfer des fonds marins, étape finale concrète de l’odyssée des migrants subsahariens.
A travers des formules alambiquées sans lien avec la gravité des propos racistes et xénophobes du président-putschiste Kaïs Saïed, certains de ces présidents ont quand même tenté de prendre le taureau par les cornes en organisant le rapatriement de leurs compatriotes. Ils l’ont fait certes avec un remarquable brin de communication à usage interne, mais qui peut le leur reprocher au vu des sévices et propos bouleversants dont certains de leurs ressortissants sont encore victimes en Tunisie ?
Lorsque des pays comme le Mali, la Côte d’Ivoire, la Guinée, entre autres, affrètent des avions pour rapatrier leurs ressortissants, le Sénégal se distingue d’une façon autre qui n’honore point ses dirigeants. Leur mutisme sur la négrophobie politicienne du putschiste Saïed est déjà un passif politique que le communiqué lapidaire du ministère des Affaires étrangères sur les « mesures » prises en faveur des ressortissants sénégalais ne comblera pas. Ce fut du service minimum contraint ! Le putschiste Saïed ne leur en tiendra sans doute pas rigueur. Et il leur en sera d’autant plus reconnaissant que la police sénégalaise s’est retrouvée en position de réprimer un député de la République du Sénégal (Guy Marius Sagna) et une quinzaine de militants politiques et associatifs présents devant l’ambassade tunisienne à Dakar pour « protester contre la chasse aux Africains noirs en cours en Tunisie après les propos racistes et haineux du président tunisien. » Que cherchent à prouver les autorités sénégalaises en poussant si loin le ridicule qui a consisté à faire passer une nuit entière au parlementaire Sagna et à ses camarades dans les locaux de la police centrale ? Quels gages veulent-elles donner aux autorités tunisiennes?
Il est réconfortant malgré tout de constater que tout le monde en Tunisie n’est pas tombé dans l’escroquerie politicienne du putschiste Saïed. Des secteurs critiques, progressistes ou simplement lucides de la société tunisienne ont dénoncé son irresponsabilité diabolique sur un sujet aussi complexe que la migration irrégulière, là où les présidents africains n’en ont pas eu le courage. Les autocraties se ressemblent dans leurs méthodes autoritaires de gouvernance, en Tunisie comme dans la plupart des Etats en Afrique au Sud du Sahara. C’est pourquoi les autocrates finissent souvent de la même façon.