MONTREUIL, Seine-Saint-Denis (Reuters) - Penché sur son écran d’ordinateur, Julian Durdur (photo) se concentre sur le prochain code qu’il va devoir écrire. Son formateur lui a demandé de créer un programme pour prédire la météo du lendemain. A lui de trouver le moyen de réussir. “Ici, on nous apprend à apprendre”, explique ce réfugié originaire d’Irak de confession chrétienne dans un français un peu hésitant. “On nous a expliqué comment bien chercher sur internet, comment trouver les réponses par nous-mêmes.”
Julian Durdur, 23 ans, arrivé avec sa famille sur le sol français il y a un an et demi pour échapper aux persécutions, suit depuis le mois de janvier une formation à l’école Simplon, spécialisée dans les métiers du numérique pour des publics éloignés de l’emploi (59% des élèves y ont un niveau bac ou inférieur au bac et 80% sont des demandeurs d’emplois).
L’école Simplon fait partie des organismes de formation que le gouvernement souhaite subventionner dans le but de former un million de jeunes éloignés de l’emploi et un million de chômeurs peu qualifiés d’ici la fin du quinquennat dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Le cursus de huit mois intensifs que suit Julian Durdur lui permettra de devenir développeur web. Il poursuivra ensuite en alternance avec un contrat de professionnalisation de 13 mois.
“C’était mon but de venir en France, avoir une vie sans guerre, aller à l’école pour apprendre de nouvelles choses, une nouvelle culture, avoir un travail”, dit-il, une motivation forte partagée par les réfugiés qui bénéficient du programme de formation Hope lancé par les autorités.
Son projet, c’est de créer une application portable qui lui permettrait d’apprendre sa “langue maternelle”, l’araméen, “la langue de Jésus”. “Il n’y a pas beaucoup de monde qui le parle.”
La France connaît l’un des taux de chômage des jeunes les plus élevés des pays de l’OCDE. Il était de 22,3% en 2017, contre 16,9% en moyenne dans l’Union européenne.
La part des jeunes et des adultes ayant un faible niveau de compétences élémentaires y est plus élevée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Les possibilités de formation offertes aux adultes sont aussi plus limitées, en particulier pour les personnes ayant de faibles compétences, selon l’OCDE.
Sur cette enveloppe, 13,8 milliards iront à l’accompagnement de jeunes décrocheurs et aux demandeurs d’emplois. Le reste vise à rénover le premier cycle universitaire et favoriser l’innovation pédagogique au sein de l’Éducation nationale.
Des appels à projet ont été lancés. Le ministère du Travail a déjà signé des conventions d’amorçage avec les régions pour 148.700 entrées en formation en 2018, soit un montant de 670 millions d’euros. Il a aussi annoncé des programmes spécifiques dans les métiers du numérique ou à finalité environnementale.
Simplon a été retenu pour une dizaine de nouvelles formations dans le numérique.
Mais si le plan d’investissement dans les compétences est présenté par l’exécutif comme ambitieux, les partenaires sociaux sont plus sceptiques quant à ses réelles retombées.
“On est un peu inquiets”, a déclaré à Reuters Florence Poivey, jusqu’à tout récemment présidente de la commission éducation, formation et insertion du Medef. “Ça fait un an que le projet est dans les tuyaux sans qu’on en ait encore les grandes lignes directrices”.
Elle dit voir un “saupoudrage” de formations, mais “rien de révolutionnaire, rien de disruptif”.
La CFDT aussi s’interroge. “Il y a une dynamique dans ce plan-là qui n’est pas à la hauteur des ambitions”, a déclaré à Reuters Yvan Ricordeau, secrétaire nationale du syndicat, spécialiste de la formation.
Seulement la moitié des personnes qui en ont bénéficié ont trouvé un travail dans les six mois et 27,6% ont eux accès à un emplois durable, d’après le rapport d’évaluation de Pôle emploi publié en décembre 2017.
“Pour les plus éloignés de l’emploi, la formation n’est pas toujours la solution première. Il faut avant tout les stabiliser dans un contexte socio-économique, sinon la formation ne sert à rien”, explique Hélène Garner, directrice du département Travail, emploi, compétences de France Stratégie.
Or, rien dans le PIC ne laisse pour l’instant de place à “cette dimension d’accompagnement globale”, dit-elle.
L’autre raison de la faible réussite des politiques publiques de ce genre est que les formations ne sont pas toujours adaptées aux besoins des employeurs, dit Hélène Garner.
Pour l’école Simplon, qui connaît un taux d’insertion dans l’emploi de 79% six mois après la formation, l’accompagnement fait partie du cursus d’apprentissage, que ce soit pour la recherche d’emploi, une mise en relation avec des entreprises ou un suivi administratif et pédagogique avec les formateurs.
Mais elle fait figure d’exception. “Certains organismes de formations sont moins efficaces, il y a une nécessité de mieux contrôler”, dit Raphaël Roig, chargé de développement territorial en Île-de-France de l’école.
Sa réussite provient aussi de sa capacité à sélectionner les bons candidats. Julian Durdur a dû, par exemple, passer quatre entretiens avant d’être sélectionné. L’école organise également des mises en situation avec des candidats pour voir “comment ils réagissent dans un cadre collectif”.
“On demande aux entreprises de s’engager le plus tôt possible sur des promesses d’embauche. (...) On va donc tout miser sur la capacité à identifier une vocation, des habiletés, des appétences”, dit Raphaël Roig.
Pour Florence Poivey, la France a “tout un travail à faire” pour bien cerner le profil des personnes concernées - connaître “leur histoire”, “leurs appétences”, “leurs réussites” - et leur proposer les formations les plus appropriées en fonction des besoins des territoires.
Certains grands groupes procèdent à ce genre de profilage et obtiennent de très bon résultats, ajoute-t-elle.
“On est à un moment charnière”, estime Yvan Ricordeau. Pour l’instant, les conventions d’amorçage signées avec les régions reproduisent “grosso modo” ce qui se fait déjà dans les conseils régionaux et les autres dispositifs annoncés “sont un peu sur les procédés existants”.
Pour le syndicaliste, “reproduire l’existant, ce n’est pas un problème, maintenant c’est de voir comment il y aura une vraie montée en qualité.”
Julian Durdur, 23 ans, arrivé avec sa famille sur le sol français il y a un an et demi pour échapper aux persécutions, suit depuis le mois de janvier une formation à l’école Simplon, spécialisée dans les métiers du numérique pour des publics éloignés de l’emploi (59% des élèves y ont un niveau bac ou inférieur au bac et 80% sont des demandeurs d’emplois).
L’école Simplon fait partie des organismes de formation que le gouvernement souhaite subventionner dans le but de former un million de jeunes éloignés de l’emploi et un million de chômeurs peu qualifiés d’ici la fin du quinquennat dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Le cursus de huit mois intensifs que suit Julian Durdur lui permettra de devenir développeur web. Il poursuivra ensuite en alternance avec un contrat de professionnalisation de 13 mois.
“C’était mon but de venir en France, avoir une vie sans guerre, aller à l’école pour apprendre de nouvelles choses, une nouvelle culture, avoir un travail”, dit-il, une motivation forte partagée par les réfugiés qui bénéficient du programme de formation Hope lancé par les autorités.
Son projet, c’est de créer une application portable qui lui permettrait d’apprendre sa “langue maternelle”, l’araméen, “la langue de Jésus”. “Il n’y a pas beaucoup de monde qui le parle.”
La France connaît l’un des taux de chômage des jeunes les plus élevés des pays de l’OCDE. Il était de 22,3% en 2017, contre 16,9% en moyenne dans l’Union européenne.
La part des jeunes et des adultes ayant un faible niveau de compétences élémentaires y est plus élevée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Les possibilités de formation offertes aux adultes sont aussi plus limitées, en particulier pour les personnes ayant de faibles compétences, selon l’OCDE.
INQUIÉTUDES
Le gouvernement a annoncé en septembre la mise en place d’un “plan d’investissement dans les compétences” de 15 milliards d’euros sur cinq ans, en plus d’entreprendre une grande réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, dont l’examen par les sénateurs a commencé mardi.Sur cette enveloppe, 13,8 milliards iront à l’accompagnement de jeunes décrocheurs et aux demandeurs d’emplois. Le reste vise à rénover le premier cycle universitaire et favoriser l’innovation pédagogique au sein de l’Éducation nationale.
Des appels à projet ont été lancés. Le ministère du Travail a déjà signé des conventions d’amorçage avec les régions pour 148.700 entrées en formation en 2018, soit un montant de 670 millions d’euros. Il a aussi annoncé des programmes spécifiques dans les métiers du numérique ou à finalité environnementale.
Simplon a été retenu pour une dizaine de nouvelles formations dans le numérique.
Mais si le plan d’investissement dans les compétences est présenté par l’exécutif comme ambitieux, les partenaires sociaux sont plus sceptiques quant à ses réelles retombées.
“On est un peu inquiets”, a déclaré à Reuters Florence Poivey, jusqu’à tout récemment présidente de la commission éducation, formation et insertion du Medef. “Ça fait un an que le projet est dans les tuyaux sans qu’on en ait encore les grandes lignes directrices”.
Elle dit voir un “saupoudrage” de formations, mais “rien de révolutionnaire, rien de disruptif”.
La CFDT aussi s’interroge. “Il y a une dynamique dans ce plan-là qui n’est pas à la hauteur des ambitions”, a déclaré à Reuters Yvan Ricordeau, secrétaire nationale du syndicat, spécialiste de la formation.
BESOIN D’ACCOMPAGNEMENT
Ils craignent que l’on ne reproduise à grande échelle le plan “500.000” de François Hollande, qui visait à porter à un million les entrées en stages de formation sur l’année 2016 et dont les résultats ont été très mitigés.Seulement la moitié des personnes qui en ont bénéficié ont trouvé un travail dans les six mois et 27,6% ont eux accès à un emplois durable, d’après le rapport d’évaluation de Pôle emploi publié en décembre 2017.
“Pour les plus éloignés de l’emploi, la formation n’est pas toujours la solution première. Il faut avant tout les stabiliser dans un contexte socio-économique, sinon la formation ne sert à rien”, explique Hélène Garner, directrice du département Travail, emploi, compétences de France Stratégie.
Or, rien dans le PIC ne laisse pour l’instant de place à “cette dimension d’accompagnement globale”, dit-elle.
L’autre raison de la faible réussite des politiques publiques de ce genre est que les formations ne sont pas toujours adaptées aux besoins des employeurs, dit Hélène Garner.
Pour l’école Simplon, qui connaît un taux d’insertion dans l’emploi de 79% six mois après la formation, l’accompagnement fait partie du cursus d’apprentissage, que ce soit pour la recherche d’emploi, une mise en relation avec des entreprises ou un suivi administratif et pédagogique avec les formateurs.
Mais elle fait figure d’exception. “Certains organismes de formations sont moins efficaces, il y a une nécessité de mieux contrôler”, dit Raphaël Roig, chargé de développement territorial en Île-de-France de l’école.
Sa réussite provient aussi de sa capacité à sélectionner les bons candidats. Julian Durdur a dû, par exemple, passer quatre entretiens avant d’être sélectionné. L’école organise également des mises en situation avec des candidats pour voir “comment ils réagissent dans un cadre collectif”.
“On demande aux entreprises de s’engager le plus tôt possible sur des promesses d’embauche. (...) On va donc tout miser sur la capacité à identifier une vocation, des habiletés, des appétences”, dit Raphaël Roig.
Pour Florence Poivey, la France a “tout un travail à faire” pour bien cerner le profil des personnes concernées - connaître “leur histoire”, “leurs appétences”, “leurs réussites” - et leur proposer les formations les plus appropriées en fonction des besoins des territoires.
Certains grands groupes procèdent à ce genre de profilage et obtiennent de très bon résultats, ajoute-t-elle.
“On est à un moment charnière”, estime Yvan Ricordeau. Pour l’instant, les conventions d’amorçage signées avec les régions reproduisent “grosso modo” ce qui se fait déjà dans les conseils régionaux et les autres dispositifs annoncés “sont un peu sur les procédés existants”.
Pour le syndicaliste, “reproduire l’existant, ce n’est pas un problème, maintenant c’est de voir comment il y aura une vraie montée en qualité.”