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ISMAELA MADIOR FALL : « LE FOU DU ROI »

Dimanche 30 Septembre 2018

« La circulaire du 1er Ministre Macky SALL N°0000014 PM/SGG/SGA/SB/BKG du 29 décembre 2004 confirme l’impossibilité de mettre fin aux fonctions du Médiateur »


Dans la tradition historique, le fou du roi est un personnage comique dont le rôle est de répondre au besoin de divertissement personnel du roi.Pour ce faire, il doit être apte à faire toutes sortes de choses et faire preuve d’une grande capacité d’imagination. Ismaëla Madior Fall a beau cumuler les titres pompeux d’Agrégé de droit public, de Professeur de chaire titulaire de droit public, de Ministre de la Justice et que sais-je encore ; sa trajectoire oblique prouve qu’il y a lieu de faire la différence entre le savoir académique (savoir théorique) et le savoir être. L’homme aux mille visages a décidé de rejoindre la mare aux canards et de participer au festin de la pire des manières : en travestissant le Droit. Sa dernière sortie arguant que rien « n’empêche la révocation du médiateur de la République » est un concentré d’inepties et de contrevérités qui dépasse l’entendement et défie le bon sens. De fait, les textes juridiques qui régissent le statut et les missions du médiateur du République ne laissent place à aucune interprétation, même pour les exégètes les plus passionnés, dont Madior fait partie.
 
  1. Le médiateur de la République est une autorité indépendante qui jouit d’une immunité

L’article 3 de la loi N°99-04 du 29 janvier 1999 abrogeant et remplaçant la loi 91-14 du 11 février 1991 instituant un médiateur de la République dispose: « Dans l’exercice de ses attributions, le Médiateur de la République ne reçoit d’instruction d’aucune autorité ». Cet article est clair, net et précis : le médiateur de la république n’est subordonné à autorité, y compris celle du Président de la République. L’indépendance dont jouit le Médiateur de la République, dans l’exercice de ses fonctions est définitivement consacrée par l’immunité dont il bénéficie au titre de l’article 6 de la loi N°99-04 du 29 janvier 1999: « Le Médiateur de la République ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit pour l’exercice de sa mission ». Cette immunité permet au médiateur de la République d’agir en toute autonomie et d’exercer avec toute la sérénité requise, sa mission au service de l’intérêt général.
 
  1. De l’impossibilité de mettre fin aux fonctions du Médiateur, sauf en cas d’empêchement

L’article 5 de la loi N°99-04 du 29 janvier 1999 pose des conditions extrêmement restrictives lorsqu’il s’agit de mettre fin aux fonctions du Médiateur :« Le médiateur de la République est nommé par décret, pour une période de six ans non renouvelable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l’expiration de ce délai, qu’en cas d’empêchement constaté par un collège présidé par le Président du Conseil Constitutionnel et comprenant en outre, le Président du Conseil d’Etat et le Premier Président de la Cour de Cassation, saisi à cet effet, par le Président de la République ». Les dispositions de cet article sont claires : le Président dispose du pouvoir de nommer le médiateur, mais n’a pas les prérogatives pour mettre fin à ses fonctions (ce pouvoir ne lui appartient pas). C’est la loi. Pour écourter le mandat du médiateur, il faut impérativement que deux conditions soient réunies (cf. article 6 de la loi N°99-04) :
  • Il faut obligatoirement qu’il y ait un empêchement du médiateur de la République,
  • Ledit empêchement doit être constaté par un collège présidé par le Président du Conseil Constitutionnel et le 1er Président de la Cour suprême (le Conseil d’état et la Cour de Cassation ont été remplacés par la Cour suprême – cf. Loi constitutionnelle n° 2008-34 du 7 août 2008).
En droit administratif, l'empêchement est ce qui rend impossible la poursuite d'un mandat ou d'une fonction d’une manière temporaire ou définitive. L’actuel Médiateur de la République, n’est ni frappé d’une incapacité physique (maladie altérant sa capacité d’agir), ni cité dans une affaire pénale en cours.D’autres situations d’empêchements (démission, absence, etc…) justifiant sa mise à l’écart de l’Institution ne lui sont pas,à ce jour opposables.

Lorsque Ismaëla Madior Fall fait dire à l’article 5 la loi N°99-04 du 29 janvier 1999 ce qui n’y figure point, il emprunte comme il sait souvent le faire depuis 2012, la voie de la « magie juridique ». Pour bien comprendre le rôle majeur de l’Institution, il faut se référer à la circulaire du 1er Ministre Macky Sall N°0000014 PM/SGG/SGA/SB/BKG du 29 décembre 2004 qui détaille de manière précise, le champ de compétence (étendu) du médiateur de la République :
  • Le médiateur peut être saisi de réclamations par tout citoyen, personne physique ou morale, administré ou agent public, sans condition de délai,
  • Il est investi d’une mission générale, en vue de contribuer à l’amélioration de l’environnement institutionnel et économique,
  • Il peut formuler des recommandations,
  • Il dispose de larges pouvoirs d’investigation.
Mais l’aspect le plus intéressant de la circulaire de Macky Sall (à l’époque, 1er Ministre du Président Abdoulaye Wade), réside dans le fait qu’il reconnait au médiateur de la République, un pouvoir d’autosaisine : le médiateur de la République, peut entreprendre de sa propre initiative, et s’il le juge utile, toute démarche entrant dans le cadre de sa mission. Voilà au moins qui a le mérite d’être clair. C’est le médiateur, et lui seul, qui juge de l’opportunité des initiatives liées à la protection des droits des citoyens, et ce, sans qu’il ait besoin d’en référer à une quelconque autorité. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire et exclusif, avec une seule limite : l’initiative doit relever du périmètre de la mission.

A ce titre, la sortie récente du Médiateur de la République sur le désarroi des populations rurales au Fouta est parfaitement légitime (en lien avec sa mission). Tous ceux qui ont pris connaissance du rapport annuel 2017 du Médiateur de la République ont constaté que « les tournées nationales du Médiateur de la République représentent un chaînon essentiel dans la territorialisation des Politiques publiques pour une bonne gouvernance locale ». Un chapitre sous forme de rapport d’étape, est consacré à la tournée effectuée par le médiateur du 07 au 27 mai 2017, dans les régions de Tambacounda, Kédougou, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Par ailleurs, la lettre du PrésidentMacky Sall, en date du 07 aout 2017 référencée sous le N°0886 PR/SG/SGA, adressée au Médiateur de la République, et dont l’objet est « Félicitations » est la preuve définitive que les visites de proximité entrent dans le champ des attributions du médiateur de la République.

Avec la circulaire du 1erMinistre Macky Sall N°0000014 PM/SGG/SGA/SB/BKG du 29 décembre 2004, et la lettre du Président en date du 07 août 2017 référencée sous le N°0886 PR/SG/SGA, toute tentative du pouvoir visant à mettre fin, de manière prématurée aux fonctions du Médiateur de la République est vaine, et de surcroît totalement illégale. En vérité, le Président est lié par sa circulaire de 2004. C’est donc le scénario de la révocation (un terme inapproprié pour le médiateur) qui s’effondre. Nommé en 2015, Maître Alioune Badara Cissé exercera jusqu’à son terme (sauf démission ou événement imprévu), sa fonction de médiateur de la République(son mandat expire en 2021). Bien que Président de la République, Macky Sall n’a aucun pouvoir de mettre fin à ses fonctions. Les cris d’orfraie du « fou du roi », Ismaëla Madior Fall n’y changeront strictement rien. Le Droit n’est pas synonyme d’une découpe sur-mesure. Le tripatouillage des institutions a des limites. Nos concitoyens sont appelés à ne point se laisser impressionner par les titres pompeux du Ministre de la Justice, dont la crédibilité est sérieusement écornée. Il convient d’adopter la plus grande prudence quant aux propos d’Ismaëla Madior Fall, auteur d’une formule célèbre en 2016 qui a fait le tour du monde : un Avis du Constitutionnel est une Décision. Un dérapage d’une extrême gravité qui a fortement choqué les étudiants en Sciences Juridiques et ébranlé le monde du Droit.

En conclusion, la sortie d’Ismaëla Madior Fall relève d’une stratégie d’enfumage et de mystification. En l’état actuel des textes, il est impossible de mettre fin aux fonctions du Médiateur de la République, pour toutes les raisons précitées.

Seybani SOUGOU – E-mail :sougouparis@yahoo.fr
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1.Posté par Me François JURAIN le 02/10/2018 16:41
Oui, entièrement d'accord avec vous, sauf que ces textes sont ceux que l'on applique dans une démocratie avec un ministre de la justice qui se doit d'être le premier à appliquer et faire respecter les textes qui régissent un état de droit, sans bien sur les déformer!
Ou toute votre (brillante) démonstration pêche, c'est qu'il ne vous aura pas échappé que nous ne sommes plus en démocratie, mais en DEMOCRATURE.
Et en démocrature, il en va du droit applicable comme des évangiles (les catholiques me comprendront, mais les autres aussi): chacun écrit sa partition.
Et dans la démocrature que nous vivons, le droit public ou constitutionnel, qui est le fondement de toute démocratie (je rappelle qu'une démocratie c'est un pays ou 1°- il y a un état de droit, c'est à dire des textes législatifs auxquels nul ne peut déroger; 2°- une liberté d'expression; 3°-séparation de l'exécutif et du législatif -ce sont les règles internationales, indispensable pour pouvoir se prétendre une DEMOCRATIE. (à vous de voir où le bat blesse, pour que le sénégal puisse prétendre être une démocratie, mais je pense que vous aurez trouvé.)
Donc, en théorie, vous avez parfaitement raison. Mais dans la pratique, c'est "évangile selon MACKY" qui est applicable, c'est à dire les désirs et faits du prince, que son disciple, ministre de la justice, est chargé de transformer en texte "legislatif".
Il n'y a là rien de choquant, puisque notre président prend exemple sur son grand ami turc, le dictateur fou ERDOGAN. La philosophie de nos deux compères est assez simple: tous ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi, donc par conséquents mes ennemis, et mes ennemis sont les ennemis du pays. Ce sont donc des traitres, qui méritent au mieux la prison, voir plus si possible. Et par voie de conséquence, ce ne sont plus les circonstances qui sont soumises aux textes, mais les textes que le ministre est chargé d'adapter aux circonstances.
Bon, un autre ami du président, qu'il prend aussi pour exemple, le président chinois, est lui plus radical, quoique beaucoup plus pragmatique: les élections, ca sert à rien, ca coute cher, et c'est complètement inutile puisque les résultats sont forcément connus d'avance, donc, il est élu à vie (pour ceux qui n'approuvent pas, pas de problème, tout est prévu) et à l'unanimité. Gain de temps, gain d'argent, et on évite que les esprits ne s'échauffent tous les cinq ans et perdent leur temps dans des bavardages inutiles.
Donc, en démocratie, vous avez parfaitement raison, en démocrature, vous avez tort.
Mais je vous félicite pour votre démonstration, claire et précise.
Me François JURAIN

2.Posté par Lamine SENE. le 03/10/2018 00:23
je crois qu'une bonne campagne de récupération à notre Professeur Ismaela M. Fall est une urgence pour l'aider à sortir de cette situation qui ne profite à personne.

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